Chronique d'une catastrophe annoncée

Dion-le-fossoyeur


Difficile, parfois, de dire s'il faut en rire ou s'en désoler, mais le fait est que les partis politiques ont une propension pathologique à voir la vie en rose quand ça va mal.

Et plus ça va mal, plus le verre grossissant est épais.
Jugez-en par vous-même à la lecture de ce courriel envoyé aux militants libéraux par la présidente du PLC, la sénatrice Marie-P. Poulin, dans la nuit de lundi à mardi, une fois le résultat des élections partielles connu:
«Bonjour amis libéraux,
Les électeurs de Toronto-Centre, Willowdale et Vancouver-Quadra ont choisi sans équivoque le projet du chef libéral, Stéphane Dion, pour le Canada. (C'est encore meilleur en anglais: The people of Toronto Centre, Willowdale, and Vancouver Quadra have voted decisively in favour of Liberal Party Leader Stéphane Dion's vision for Canada.) Les victoires de ce soir confirment que le Parti libéral du Canada est fin prêt pour les prochaines élections générales!»
Rappelons que ce courriel a été envoyé quelques minutes après la confirmation de la victoire libérale dans Vancouver-Quadra, un bastion remporté aux dernières élections générales par plus de 12 000 voix d'avance et conservé lundi par seulement 151 voix de majorité. Cette victoire très serrée s'ajoutait à la perte du comté de Desnethé-Missinippi-Churchill River et aux victoires attendues dans Toronto-Centre et Willowdale.
Avouez qu'il faut avoir un moral en béton armé (ou un sacré bon pharmacien) pour en arriver à pareille conclusion après cette soirée quasi catastrophique.
Parce que c'est ce qui s'est produit lundi soir: Stéphane Dion a évité la catastrophe. Il est passé à 76 voix de revivre le cauchemar d'Outremont, une autre circonscription perdue dans une partielle, en septembre denier.
Le leadership de M. Dion est tellement faible que tout ce qu'on lui demande, c'est d'éviter la catastrophe. Depuis qu'il est chef, M. Dion sauve les meubles dans des circonscriptions gagnées par plus de 12 000 voix de majorité. Il a gagné Willowdale, Toronto-Centre et arraché Vancouver-Quadra, mais ailleurs, il a perdu Outremont et Desnethé-Missinippi-Churchill River en plus d'être ridiculisé dans Roberval et Saint-Hyacinthe. Un score de trois en sept et aucun potentiel de croissance, c'est pas riche.
Comment les libéraux peuvent-ils s'imaginer gagner les prochaines élections avec un chef qui fait fuir son électorat naturel. Les plus optimistes diront qu'il s'agit d'élections partielles, mais justement, ces votes sont normalement des tests pour le gouvernement, pas pour le chef de l'opposition officielle. Surtout quand ce gouvernement arrive à mi-mandat.
Stéphane Dion s'est empressé de trouver une explication à l'effondrement du vote libéral: un vote de protestation canalisé vers le Parti vert. Le chef libéral a raison: les électeurs de Vancouver-Quadra (13,5% de votes aux verts) ont protesté, en effet. Ils ont protesté contre les libéraux.
Pourtant. Stéphane Dion devait être Monsieur Vert; c'est là-dessus qu'il a basé toute sa campagne à la direction du PLC. Même ça, c'est en train de s'effondrer.
Les électeurs de Vancouver-Quadra, de Desnethé-Missinippi-Churchill River et, dans une moindre mesure, de Toronto, ont rejeté les libéraux parce qu'ils ne savent plus ce que ce parti représente. Ils ne savent pas où loge Stéphane Dion sur l'Afghanistan, sur les priorités budgétaires et même sur l'environnement.
Les libéraux sont maintenant, plus que jamais, devant le dilemme du diachylon. Leur chef est là, bien collé là où ça fait mal, et il y a deux façon de l'enlever: d'un coup sec, ce qui provoque une douleur courte mais intense, ou lentement, poil par poil, ce qui ne fait que prolonger la souffrance pour en arriver, de toute façon, au même résultat.
Les rumeurs de renversement du gouvernement à la fin avril se sont calmées dans les rangs libéraux après les résultats de lundi soir, mais le chef pourrait décider de jouer son va-tout.
Quand il a quitté ses députés la semaine dernière pour la pause de Pâques (les Communes sont en vacances jusqu'au 31 mars), il leur a dit de bien se reposer et de ne pas aller trop loin parce qu'il pourrait décider de faire tomber le gouvernement à leur retour à Ottawa. Et cette fois, leur a-t-il dit, personne ne le fera changer d'idée.
Reste un léger détail: comment expliquer aux Canadiens qu'ils veulent maintenant des élections dont ils ne voulaient pas, selon M. Dion, il y a un mois? Pour justifier sa décision de ne pas en provoquer, le chef libéral ajoutait même que les élections coûtent cher. Les élections sont-elles soldées en mai?
Au Québec, les députés et les organisateurs sont plus résignés qu'enthousiastes devant cette perspective. Leur parti est désorganisé, le recrutement et le financement sont au point mort.
Suffit de jeter un coup d'oeil au site Internet du PLC-Québec pour comprendre à quel point ce parti est mal en point au Québec (www.plcq.ca). On dirait que le temps s'est arrêté quelque part l'an dernier, avant la débâcle d'Outremont.
En manchette du site, vous pourrez lire un communiqué sur la politique environnementale de Stéphane Dion daté du 16 mars 2007. Vous apprendrez aussi qu'une certaine Gwyneth Helen Grant a été désigné candidate libérale dans Richmond-Arthabaska, en septembre 2007. Dans la section «opinion», un militant inquiet demande qui sera le candidat libéral à l'élection partielle dans Outremont, le 17 septembre 2007
Remarquez que le PLC-Q n'a pas vraiment intérêt à trop rendre publiques ses activités, ces temps-ci, puisqu'elles se résument pour l'essentiel à une querelle interne au conseil de direction.
Nouveau chapitre ce soir: un délégué régional excédé va réclamer de nouveau la tête du président de l'aile québécoise, Robert Fragasso, avec la bénédiction du lieutenant Céline Hervieux-Payette.
Une chicane salissante et inutile, estiment plusieurs grosses pointures libérales. «Ils peuvent virer Fragasso, confie l'une d'elles, mais le problème n'est pas là. Le problème, c'est que Céline Hervieux-Payette n'est pas un bon lieutenant, elle n'a aucune idée de ce qu'il faut faire. Même pour les pancartes électorales, elle ne sait pas quoi faire»
Ça sent la catastrophe.


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