Centre de recherche du CHUM

CHUM

Nous apprenions cette semaine (grâce à la journaliste Arianne Lacoursière, La Presse, 17 mars) qu’il n’y avait plus qu’un seul soumissionnaire en lice pour décrocher le contrat de partenariat public-privé pour la réalisation du centre de recherche du CHUM; l’autre consortium, dirigé par AXOR, n’a pas déposé d’offre mais il recevra 5 M$ pour le compenser de ses efforts – c’est ce qui était convenu. Enfin, presque.
En novembre 2007, le gouvernement avait fait un premier tri pour ne retenir que deux propositions préliminaires, celle du consortium qu’emmenait la firme de génie-conseil québécoise AXOR et celle d’Accès recherche CHUM, le seul qui reste.
Fin mai 2008, les deux groupes étaient appelés à préparer une offre plus étoffée, avec la promesse que le perdant recevrait tout de même 2 M$. Mais les travaux préparatoires n’ont pas commencé tout de suite : au départ, ces deux féroces concurrents se sont concertés pour faire grève conjointement et solidairement pendant tout l’été, jusqu’à ce qu’ils obtiennent que le gouvernement rehausse la valeur du prix de consolation de 2 à 5 M$.
Les deux offres ont finalement été déposées un an plus tard mais elles dépassaient de beaucoup le montant maximum visé par le gouvernement.
En janvier 2010, un décret gouvernemental est venu rehausser le prix que le gouvernement jugerait acceptable et les consortiums ont eu 60 jours pour revoir leur copie et déposer à la mi-mars une offre qui, cette fois-ci, était censée respecter les nouveaux paramètres financiers affichés – on le saura rapidement.
Quelles sont les entreprises qui, pour l’instant, forment le seul consortium en lice? En novembre 2007, autrement dit au temps jadis, ce groupe était dirigé par un fonds d’investissement australien, Babcock & Brown, qui a été frappé de plein fouet par la crise financière.
En mai 2009, il a vendu sa place de leader du consortium à d’autres fonds d’investissement, d’abord à un québécois qui s’est ensuite adjoint un français.
Parmi les actionnaires des actionnaires du fonds québécois, on retrouve le Mouvement Desjardins (Desjardins possède 21 % de Fiera Capital, qui est associé 50-50 avec Axium Infrastructure au sein de Fiera-Axium Infrastructure, qui à son tour contrôle 60 % du consortium Accès Recherche CHUM).
Dans l’autre, parmi les commanditaires du fonds Meridiam, on remarque le Crédit agricole, la plus importante banque française et aussi AECOM, très importante firme de génie-conseil américaine. Pour l’instant du moins.
Il peut être amusant de démonter ces poupées russes pour voir les acteurs en présence, mais il ne faut surtout pas oublier que tout peut changer à tout moment : les actions des uns comme des autres peuvent changer de mains et nul ne peut savoir qui sera aux commandes du PPP dans dix ou quinze ans.
En fin de compte, la seule chose qui compte vraiment dans un PPP, c’est le contrat : tout fonctionne, sur toute la durée du contrat, selon ce qui est explicitement prévu à l’origine et inscrit au contrat.
Or, il est impossible de tout prévoir. Un hôpital de pointe va forcément connaître de profonds bouleversements au cours des dizaines d’années du contrat - c’est certain! Mais que dire alors d’un centre de recherche?
La recherche évolue en fonction de nouvelles avancées qui peuvent se produire à tout moment et dans des directions inattendues; les organismes subventionnaires évoluent dans ce contexte et les priorités de recherche changent avec le temps; sans compter que le volume global des fonds dévolus à la recherche peut fluctuer grandement selon les contraintes budgétaires gouvernementales et selon l’accent qu’on mettra ou non sur la recherche.
Pour un centre de recherche, les années de vaches maigres peuvent donc succéder aux années de vaches grasses, parce que les gouvernements resserrent les budgets ou qu’ils les augmentent et aussi, parce que les équipes de recherche auront ou non du succès lors des concours pour l’attribution de ces fonds.
La fluctuation des budgets de recherche se traduit forcément dans l’évolution des espaces nécessaires. La majorité des mètres carrés seront utilisés pour des bureaux et l’ajustement peut être relativement simple.
Mais un centre de recherche nécessite également des espaces « humides » beaucoup moins polyvalents : des laboratoires, des animaleries, etc. On ne sait pas aujourd’hui ce que sera l’objet des recherches dans dix ou quinze ans; comment pourrait-on prévoir les espaces qui seront nécessaires alors même que les machines et les appareillages ne sont pas encore inventés? Comment prévoir l’aménagement des murs pour ce qui est inconnu?
Il faudra peut-être des planchers renforcés, des espaces confinés, etc. En PPP, ce dont on peut être certain, c’est que ces inévitables modifications coûteront plus cher en frais d’avocats que de maçon, d’électricien ou de plombier.
S’il maintenait son intention de procéder en PPP, le gouvernement devrait donc accepter l’offre du consortium Accès recherche CHUM (et les avocats des deux parties devraient alors s’engager dans un marathon de négociations pour accoucher du contrat qui les liera pour les 32 prochaines années).
Mais il peut encore choisir de renoncer au mode PPP (et dédommager Accès recherche CHUM) et aller de l’avant en mode conventionnel. Ce gouvernement a déjà montré qu’il savait négocier des virages serrés en abandonnant des projets inintéressants (souvenons-nous du projet de centrale au gaz du Suroît). Il serait temps de faire de même pour les projets de PPP en santé.


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