Les promoteurs de l'intégration économique et leurs opposants se sont trouvé un nouveau champ de bataille. Le Partenariat nord-américain pour la sécurité et la prospérité, ou PSP, a tout pour leur plaire avec son nom bien ronflant, pour les uns, et inquiétant à souhait, pour les autres. Ils risquent fort, cependant, d'être déçus.
La tenue, aujourd'hui et demain, du sommet des chefs de gouvernements des pays de l'ALENA au Château Montebello nous a replongés dans une atmosphère proche de celle qui prévalait lors des grandes batailles sur l'Accord de libre-échange canado-américain à la fin des années 80, sur l'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI) une dizaine d'années plus tard, ou encore sur la Zone de libre-échange des Amériques, à Québec, en 2001.
Les médias font état des mesures de sécurité exceptionnelles mises en place pour la réunion et se font fort de tout nous expliquer sur ces «obscures» négociations qui «changeront nos vies». Les groupes altermondialistes disent tout le mal qu'ils pensent de ces discussions menées derrière des portes closes. Les gens d'affaires restent cois, sachant qu'on les laissera, eux, rentrer et qu'ils pourront exprimer directement leurs opinions. Quand même un peu nerveux, le gouvernement invite tout le monde à garder son calme pour ne pas nous faire honte devant la visite.
Comme chaque fois dans ce genre de réunion, la liste de sujets qui doivent être abordés est tellement longue que l'on se demande si ses participants auront seulement le temps de la lire une fois au complet. Comme le président des États-Unis sera là, on espère que toutes sortes de grandes questions pourront être réglées. Le plat de résistance de la rencontre doit consister à faire le point sur un processus de discussions formelles entamé entre les trois pays il y a deux ans et appelé: le Partenariat nord-américain pour la sécurité et la prospérité.
Le but officiel du PSP est d'améliorer le flot des échanges commerciaux entre le Canada, les États-Unis et le Mexique en convenant de certaines mesures communes de sécurité aux frontières et en harmonisant des normes professionnelles, techniques et autres souvent très proches entre pays, mais suffisamment différentes pour compliquer considérablement les échanges. Dit plus simplement, il s'agit, du point de vue du Canada, de s'adapter aux nouvelles exigences des États-Unis en matière de lutte contre le terrorisme afin que nos échanges économiques n'en souffrent pas, et même qu'ils s'intensifient. Bien que lancées à trois, ces discussions, souvent atrocement techniques, se mènent surtout sur une base bilatérale, l'intégration économique entre le Canada et les États-Unis étant depuis toujours beaucoup plus avancée qu'avec le Mexique.
Menées en dehors de l'Accord sur le libre-échange nord-américain de 1994 que personne ne veut rouvrir, les discussions sur le PSP sont ce que l'on a jusqu'à présent eu de plus proche de la recherche d'une forme d'ALENA+. Ces dizaines de discussions parallèles entre fonctionnaires sont à des lieues de négociations commerciales formelles en vue d'établir un éventuel marché unique comme en rêve une certaine communauté d'affaires.
Les mouvements opposés au processus d'intégration économique n'en sont pas moins extrêmement critiques. À croire ces derniers, le PSP serait une «nouvelle phase du néolibéralisme menaçant tant nos droits civils et politiques que nos droits économiques, sociaux et culturels». Comme à l'époque de l'Accord de libre-échange nord-américain, on dit craindre pour l'avenir des programmes sociaux, la propriété de nos ressources naturelles, la protection de l'environnement et la souveraineté canadienne. On a ressorti le spectre de pipelines qui videraient nos lacs pour arroser la pelouse des terrains de golf américains. On dénonce également le caractère «antidémocratique» de ces discussions entre fonctionnaires et du sommet de cette semaine auquel seule la trentaine de gens d'affaires des trois pays membres du club très sélect du Conseil nord-américain pour la compétitivité ont été invités à participer.
Police d'assurance
Comme il y a vingt ans, ces peurs et ces accusations apparaissent largement exagérées. Les seules ententes qui semblent avoir été conclues jusqu'à présent portent sur les normes qui s'appliqueraient à certains pesticides et sur les mesures à mettre en place en cas d'épidémie animale. Et puis, n'importe qui de bonne foi conviendra que le Canada serait bien mal avisé de ne pas chercher des façons d'éviter que son économie ne fasse les frais du durcissement sécuritaire aux frontières américaines, ou encore d'alléger les tracasseries administratives inutiles dans ses échanges avec son grand partenaire économique.
Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas quand même matière à s'inquiéter. Même les plus petites ententes administratives peuvent avoir des conséquences plus grandes qu'on le pense. La question est importante quand on sait qu'entreprendre une démarche d'harmonisation de ses normes avec celles d'un pays de la taille des États-Unis signifie presque automatiquement l'adoption des leurs.
On comprendra, dans ce contexte, pourquoi il est nécessaire que l'exercice soit aussi transparent que possible. Personne ne remettra en cause le fait que les gens d'affaires participent à ce genre de discussions qui les concernent directement. Mais on pensait que les gouvernements avaient compris, depuis Seattle et Québec, le besoin d'intégrer une représentation plus large de la société. Même s'ils mettent déjà beaucoup d'informations sur Internet (www.psp-spp.gc.ca), on en fait rarement trop en la matière.
Pour l'instant, les Canadiens bénéficient de la meilleure police d'assurance qui soit contre l'éventuelle conclusion d'ententes commerciales secrètes qui menaceraient de bouleverser leur pays. On constate en effet que les populations des trois pays ne sont pas d'humeur ces temps-ci à faire le moindre compromis substantiel. C'est particulièrement frappant aux États-Unis, où la population a l'âme au protectionnisme et tient déjà l'ALENA pour responsable d'un grand nombre de ses maux économiques.
Perspectives
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