S'agit-il du premier pas vers cette «souveraineté culturelle» à laquelle le gouvernement Charest aspire? Le budget d'austérité dévoilé cette semaine à Québec comptait en tout cas un fonds d'urgence de trois millions pour la culture, qui promet de remplir des coffres vidés par Ottawa.
Cette mesure ne renflouera pas toutes les enveloppes élaguées. Elle fait miroiter un bref répit plutôt que le grand calme auquel le milieu culturel aspire, ébranlé qu'il est toujours par les compressions draconiennes de 45 millions dans des programmes culturels. Mais c'est un sauvetage immédiat qui traduit une importante reconnaissance: la nécessité d'agir sans délai additionnel, alors que des organismes subissent déjà le contrecoup des coupes sur leur fonctionnement.
Cette bouée tendue au milieu des arts vient secouer le projet de souveraineté culturelle jadis rêvé par Robert Bourassa, et aujourd'hui revisité par Jean Charest. Lorsqu'il affirme vouloir être plus solide maître d'oeuvre de ses investissements en matière de culture, notre premier ministre aspire à un meilleur contrôle de ses programmes et investissements, mais il continue de bouder la réouverture de la Constitution.
La culture est de compétence provinciale, certes, mais le fédéral a joué de ses fonds pour s'y immiscer. Cela donne lieu à un formidable flou artistique aux allures de marché libre, dans lequel se perdent les fonds des deux ordres gouvernementaux, desquels les artistes et groupes culturels dépendent totalement.
Ottawa manie son pouvoir fédéral de dépenser tel un potentat justifié de régner en territoire culturel. Ainsi, lorsqu'il retire ses billes d'un jeu essentiel sans prévenir, comme il l'a fait l'an dernier en cisaillant 45 millions dans des programmes, il force en quelque sorte la province à prendre le relais. C'est un jeu dangereux lorsque le retrait fédéral n'est suivi d'aucune compensation financière juste et équitable. Pour arriver à une quelconque entente en cette matière, comme M. Charest et son équipe le souhaitent, les discussions seront houleuses.
Mais s'il veut brandir la culture comme un sceptre de souverain, le premier ministre du Québec pourrait aussi s'attarder à soigner sa propre cour. Le budget du Conseil des arts et des lettres du Québec tout comme celui de la SODEC, toutes québécoises que soient ces institutions, n'ont pas eu droit cette semaine aux augmentations pourtant âprement réclamées et qui solidifieraient la culture comme échine d'une nation.
La fragilité économique de la culture au Québec ne tient pas uniquement aux châtiments d'Ottawa. Menacé par l'ombre d'une crise financière qui n'incitera pas à la dépense culturelle, ce secteur névralgique a besoin, pour ne pas être rayé de la carte, qu'on lui accorde toutes les attentions. Bien plus en somme qu'un fonds d'urgence.
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machouinard@ledevoir.com
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