Lorsque les gouvernants servent les oligarchies

Bras de fer entre intérêts oligarchiques et Bien commun

Pas surprenant que le peuple élève la voix

Conflit étudiant - grève illimitée - printemps 2012

Ce qui se passe présentement au Québec est plus qu’une simple manifestation étudiante contre la hausse des frais de scolarité. Cette problématique est plutôt le point de départ d’un questionnement plus fondamental sur nos priorités, la gestion de nos biens, de nos richesses et sur la responsabilité de ceux et celles qui ont le mandat d’agir pour répondre prioritairement aux exigences du bien commun de la collectivité. Pour une grande majorité de cette dernière, l’éducation gratuite, accessible à tous et à toutes, fait partie de ce bien commun.
Dans la situation actuelle, le Peuple Québécois a le sentiment que nos responsables politiques agissent davantage comme représentants d’oligarchies financières et économiques que comme représentants du peuple. Ils mettent au service de ces dernières les outils de l’État ainsi que ses richesses tout en modifiant subtilement les engagements de l’État à l’endroit des travailleurs, des étudiants, des groupements sociaux, des soins de santé.
Ce qui se passe au niveau des organisations sociales, des associations étudiantes, des groupes écologiques, des regroupements des travailleurs ne peut être, pour ces gouvernants et oligarchies, que marginal et le produit de quelques radicaux en mal de publicité. S’il y a des déficits, c’est à cause d’eux et s’il faut serrer la ceinture quelque part c’est vers eux qu’il faut se tourner. Leurs manifestations, leurs lamentations n’ont pas de quoi ébranler la sérénité de ces gouvernants qui ont déjà tout pensé à l’avance. Il n’y a donc rien pour prendre la cause de ces contestataires au sérieux et encore moins pour les prendre eux-mêmes au sérieux.
L’humour cynique de Jean Charest à l’endroit des étudiants et de leurs manifestations en a été une expression sans équivoque. D’ailleurs, le rire de son auditoire n’a fait que confirmer la nature de ceux et celles au service desquels il se met.

Pourtant, des peuples, beaucoup plus pauvres que le Québec et le Canada, ont la conscience sociale suffisamment développée pour assurer « gratuitement et solidairement » l’éducation à tous et à toutes. C’est, entre autres, le cas de Cuba, de la Bolivie, de l’Équateur, du Venezuela, du Nicaragua. Pourquoi ces derniers peuvent-ils le faire et pas nous?
Une des réponses est que ces peuples se sont dotés d’une constitution, ce qui n’est pas encore le cas pour le Québec, dans laquelle l’éducation et la santé sont inscrites comme des biens essentiels, devant être accessibles à tous et à toutes. Ainsi, l’État a la responsabilité de trouver les ressources nécessaires pour répondre à cette obligation. Pour y arriver, il puise, entre autres, dans les richesses du pays, dans une fiscalité équitable et dans une saine gestion, sans privilèges ni corruption. Lorsque nécessaire, il y a des nationalisations, des prises de contrôle par l’État de certains secteurs de l’économie et des finances. Des mises au pas de certains secteurs habitués à puiser sans contrôle dans la caisse ont été nécessaires. Plusieurs ont poursuivi leur collaboration avec des conditions avantageuses, mais non irraisonnables. D’autres sont partis. Ces pays ne s’en portent que mieux.
Si les oligarchies financières et économiques ont toujours leur place dans le développement de la société, ce n’est plus en tant que maitres de l’État, mais en tant que participants, au même titre que toutes les autres composantes de la société. Elles sont parties du bien commun, mais elles ne sont pas le bien commun. Leurs intérêts doivent s’y subordonner comme c’est le cas pour tous les autres groupes de la société. La liberté des uns a pour frontière celle des autres tout comme les droits des uns ont pour frontières le droit des autres.
Lorsqu’on dit qu’il n’y a plus d’argent, que les déficits s’accumulent et qu’on ne peut laisser aux générations à venir le poids des dettes accumulées, a-t-on vraiment fait le tour de toute la question? A-t-on scruté tous les recoins de la fiscalité pour en vérifier l’équité solidaire de tous et de toutes avec la société? A-t-on révisé si les conditions d’exploitations des richesses du Québec répondent aux valeurs réelles de ces dernières et si les montants investis par l’État ont un rendement compétitif aux marchés? A-t-on regardé de plus près la gestion de nos sociétés d’État, Hydro-Québec, la SAQ et tous les autres services, sujets à l’influence des lobbies et à la corruption?
Il est facile de couper dans la santé, l’éducation, le social et de laisser aller le navire aux commandes d’oligarchies qui ne demandent pas mieux que de disposer de tous les avoirs. Depuis deux ans, nous parlons de corruption dans à peu près tous les secteurs. Des centaines de millions de dollars s’envolent sans qu’il y ait eu panique dans la demeure. Pourtant les déficits étaient là.
Pendant que l’État reprend de plus en plus sa place dans les pays du sud, ici, on cherche à en réduire le rôle et l’importance. Les oligarchies savent que l’État est le seul à avoir la responsabilité de répondre aux exigences du Bien commun. Elles ne sont pas trop intéressées à ce que les gouvernants prennent ce rôle trop au sérieux.
Le principe qui devrait guider les gouvernants est le suivant : l’État autant que nécessaire et le privé autant que possible. En d’autres mots, il revient à l’État de fixer les frontières du privé et de tous les autres acteurs de la société. L’État est le maitre du jeu, non pas pour un groupe en particulier, mais pour l’ensemble de la collectivité. N’est-ce pas lorsqu’un peuple se reconnait dans ses dirigeants et ses politiques que la démocratie prend tout son sens? Il faut croire que le Québec est encore loin de la démocratie.
La grève des étudiants marque un départ important pour exiger les réformes qui s’imposent dans tous les secteurs de la gouvernance de l’État. Le Peuple Québécois doit s’approprier les outils d’un État indépendant et souverain et se donner une constitution qui déterminera ses priorités et les voies de son développement. Les gouvernants devront s’y soumettre tout comme l’ensemble des groupes et des personnes composant la société.
Oscar Fortin
Québec, le 23 avril 2012
http://humanisme.blogspot.com

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citoyen du Québec et du monde

Formation en Science Politique et en théologie. Expérience de travail en relations et coopération internationales ainsi que dans les milieux populaires. Actuellement retraité et sans cesse interpellé par tout ce qui peut rendre nos sociétés plus humaines.





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6 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    25 avril 2012

    Monsieur Fortin
    Autre très bon texte pour nous amener à une grande réflexion collective au Québec. Personnellement, je crois fermement que le Québec est dû pour passer à une autre étape de son évolution surtout avec le grand vide politique que nous ressentons présentement. S'il se trouve un domaine vital et urgent pour notre avenir, c'est bien celui de notre indépendance nationale complétée par une constitution par le peuple et pour le peuple afin d'encadrer une vraie démocratie participative qui nous ressemble et qui nous appartienne. Juste un exemple: le plan Nord de Charest est la plus grande aberration, cent fois pire que celle de Duplessis qui vendait notre fer aux Américains pour une cent la tonne.
    Les oligarques avec l'exploitation de nos richesses naturelles (diamant, fer, uranium, nickel, or, etc...) vont nous siphonner des milliards$ avec l'aide de subventions gouvernementales, en plus, dont nous ferons les frais; sans compter celles pour les infrastructures que nous leur offrirons sur un plateau d'argent. Juste au niveau de l'emploi, seulement 30% des québécois pourront y travailler sur ce projet; c'est le comble de l'exploitation! Tant que nous continuerons à faire confiance à cette bourgeoisie capitaliste qui contrôle nos partis politiques traditionnels au Québec, nous serons perdants collectivement.
    Pour moi, l'Amérique du Sud est devenue un modèle de gouvernement et de gestion étatique qu'il faut appliquer au Québec par la création d'un vrai parti socialiste québécois (pas un NPD québécois) qui ne ferait aucune concession à la droite politique et aux oligarques. C'est le seul moyen de nous sortir du vide politique que nous vivons actuellement au Québec. Monsieur Fortin, vos écrits m'inspirent pour continuer le combat de la délivrance du peuple québécois de la main des oligarques et des requins de la finance mondiale.
    André Gignac 25/4/12

  • Archives de Vigile Répondre

    25 avril 2012

    M. Fortin,
    Merci de mettre le poids de votre engagement social au service du plan à faire connaître à tous les Québécois.
    C'est en plein le moment de faire paraître dans les pages des journaux populaires des résumés de cette thèse incontournable.
    Pendant que les représentants des étudiants sont séquestrés à Québec, que la ministre réclame une "trève" de revendications non respectée par la propagande charestienne, il faut maintenir la pression autrement contre les médias orientés...
    Si le Joker persiste à insufler ses médisances sur les droits de la population auprès du peuple indolent, nous devons nous appuyer sur les sages qui ont encore leurs entrées dans certains médias: Guy Rocher, Richard Le Hir, Oscar Fortin, Jean Barbe, Jean Garon et tant de sommités lues ici sur Vigile.net

  • Henri Marineau Répondre

    25 avril 2012

    À la suite du tollé de protestation soulevé par la bourde méprisante de Jean Charest à l’endroit des manifestations étudiantes et ce, devant le gratin de la haute finance québécoise, le bureau du premier ministre s’est contenté de publier un communiqué laconique expliquant que ses blagues avaient été formulées « hors contexte ».
    Pour parodier notre « humoriste national », je lui donnerais raison sur le « hors contexte » compte tenu que les spectateurs qui avaient payé le gros prix pour assister à son « spectacle » constituent une clientèle « hors contexte », à savoir complètement déconnectée du tissu social québécois actuel.
    Toutefois, pour revenir sérieusement à la « blague » de Jean Charest, je crois plutôt qu’elle incarne son opinion véritable sur son aveuglement pernicieux vis-à-vis le débat de société qui émerge des revendications étudiantes et qui a pris une ampleur telle qu’il n’a pas d’autre choix que de se replier dans ses derniers retranchements.
    Un humour grotesque lancé avec un sourire béat devant une salle vendue d’avance à ses propos et réagissant avec la même béatitude servile et complice à un projet machiavélique qui se propose de brader nos ressources naturelles aux investisseurs étrangers pour une bouchée de pain.
    Une bourde inexcusable qui prouve hors de tout doute que Jean Charest a « perdu le nord », qu’il ne sait plus faire la part des choses, que son règne de neuf ans au pouvoir, qu’il semble prendre pour acquis, lui confère le droit de s’asseoir sur ses lauriers et de lancer n’importe quelle ignominie sans coup férir.
    Devant un tel degré de sarcasme de la part du premier ministre, j’endosse entièrement la pétition qui circule actuellement et qui réclame la démission de Jean Charest. Cet homme, par ses attitudes désinvoltes de clown burlesque déphasé, est devenu indigne d’occuper la fonction de premier ministre du Québec.
    De toute façon, je suis convaincu que déjà, dans les coulisses des hautes instances du PLQ, les troupes libérales sont en train de préparer une sortie « en douce » pour leur chef comme elles ont toujours réussi à y arriver élégamment par le passé…Reste à savoir qui de Jean Charest ou de ses patrons fera le premier pas!

  • Archives de Vigile Répondre

    24 avril 2012

    Et cela prouve que les riches élites capitalistes de la finance et des affaires sont certains d'avoir encore quelqu'un voué à leurs intérêts après la prochaine élection provinciale.
    En effet, ce sont les "satisfaits" et les heureux de leur sort qui vont voter. Les humbles et les démunis n'exercent pas leur droit de vote en nombre important.
    La question se pose de plus en plus: est-ce que nous vivons vraiment en démocratie quand les élections ne servent qu'à perpétuer le statu quo social, économique et politique?
    Sur Vigile en février dernier, un article de monsieur Michel Rolland m'a beaucoup fait réfléchir. Cet article s'intitule: "Contre la dictature… Pour l’abstention !"
    http://www.vigile.net/Contre-la-dictature-Pour-l
    Monsieur Rolland suggère de s'abstenir d'aller voter. Effectivement, si le taux de participation n'est pas fort, ceux qui sont élus n'ont pas une légitimité très forte.
    On en est peut-être rendu là et je trouve que c'est très malheureux.
    Un gouvernement véritablement voué au bien commun aurait par exemple depuis longtemps instauré un revenu de vie ou revenu universel afin que tous puissent vivre décemment et être heureux au Québec.

  • Archives de Vigile Répondre

    24 avril 2012

    Bravo pour votre cours sur le bien commun.La seul personne
    qui a parlé de ce sujet après l'affront que le minus
    charest a fait aux étudiants,c'est François Legault.
    Comme dirait M.Le Hir il faut faire le ménage dans les écuries et cela presse.

  • Archives de Vigile Répondre

    24 avril 2012

    C'est encore Pierre Falardeau qui avait raison. Quand un premier ministre du Québec parle devant des gens d'affaires québécois, c'est comme dans un film d'Elvis Gratton.
    Je l'ai déjà dit et je dois encore le répéter ici:
    Ceux qui occupent les postes de décision dans ce pays sont les mêmes qu’on ne pouvait sentir lorsque nous étions sur les bancs d’école au secondaire ou au cegep : les contrôlants, les ambitieux, les opportunistes, les m’as-tu-vus, les peu sincères, les égocentriques etc...
    Alors l’idée de croire que les décisions de ces gens seront bonnes pour l’ensemble du peuple canadien ou du peuple québécois relève de la plus pure naïveté.