Bonne chance, François Blais !

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Malaises à l'Éducation





François Blais n’aime pas beaucoup son ministère et il l’a dit franchement à Association des doyens, doyennes et directeurs, directrices pour l'étude et la recherche en éducation au Québec, comme nous l’apprenait La Presse ce matin. Certains le lui reprocheront et crieront au dérapage. Il faut pourtant le féliciter pour sa franchise. Car il n’y a pas beaucoup de bien à penser du ministère de l’Éducation, qui est un État dans l’État et qui a fait grand mal, au fil du temps, à l’école québécoise.


Il n’est pas le premier. Jean Garon et Michèle Courchesne, parmi d’autres, sont arrivés à l’Éducation avec la mission à peu près officielle de ramener le ministère à l’ordre et de le délivrer à la fois des technocrates et des doctrinaires du pédagogisme qui l’ont transformé en laboratoire idéologique prétendant utiliser l’école pour construire une société nouvelle. Leur objectif : ramener l’école à ses fondements humanistes, la délivrer du système idéologique du ministère. Assurer la réconciliation de l’école et de sa vraie mission. Ils ont perdu. Le ministère était plus fort que le ministre.


François Blais veut resserrer les critères d’admission au baccalauréat en enseignement. C’est très bien. En un mot, il croit que l’enseignant est tellement important dans notre société qu’il doit avoir une formation à la hauteur de sa mission. On lui souhaitera de tenir bon lorsqu’on fera son procès. Mais surtout, il devrait aller au bout de ses idées et en finir avec le monopole des pseudo-sciences de l’éducation qui contrôlent l’accès à la profession enseignante. On trouve bien évidemment certains éléments de qualité égarés dans ces facultés, mais pour l’essentiel, elles relèvent davantage de l’occultisme que du savoir véritable.


Un peu d’histoire : il y a un peu plus de vingt, il était encore possible d’enseigner avec un baccalauréat disciplinaire, pour peu qu’on le complète avec un certificat en pédagogie. Autrement dit, un individu avec un baccalauréat en histoire pouvait enseigner l’histoire, et un autre avec un baccalauréat en littérature pouvait enseigner le français, pour peu qu’ils obtiennent ce qui était une forme de brevet d’enseignement. En un mot, le savoir était premier, et la technique pour le transmettre était seconde. Aujourd’hui, ce n’est plus vraiment possible, et c’est absolument regrettable. Il faut avoir un baccalauréat en sciences de l’éducation, où le savoir disciplinaire n’aura qu’une place limitée. On voit bien que notre ministère n’y voit pas l’essentiel.


L’enseignement est un art davantage qu’une technique, et ce n’est certainement pas une science. On ne prépare pas à la carrière les enseignants en les formant comme des robots censés dresser les enfants, qu’on n’ose plus vraiment appeler les élèves. Les sciences de l’éducation nous disent le contraire. Elles ont technocratisé la pédagogie. Elles laissent croire que n’importe qui peut enseigner n’importe quoi, pour peu qu’il sache la bonne méthode. On déconstruit ainsi le modèle du professeur passionné et inspiré par sa matière et qui a la vocation de la transmettre. Adieu Monsieur Holland, bonjour R2D2!


C’est aussi notre rapport à la culture qui est en jeu ici. On parle d’une revalorisation des savoirs. C’est absolument vital. Mais tout dépend de notre rapport à la culture. L’école a-t-elle vocation à transmettre une culture, un héritage, ou doit-elle plutôt émanciper la jeune personne de son héritage de civilisation, pour lui permettre de se construire à partir de rien, à la manière d’un petit être investi de la mission démiurgique de recommencer le monde à zéro, comme le voulaient les philosophes de la contre-culture? Mais pour croire aux savoirs et au savoir, il faut croire à la culture et à notre héritage de civilisation. Je ne suis pas certain que ce soit le cas au ministère.


On en revient à l’essentiel : à quoi sert l’école, quelle est sa mission? C’est une fois qu’on y a bien répondu qu’on peut savoir à partir de quel idéal, de quel modèle, former les futurs enseignants. François Blais semble bien inspiré. On lui souhaitera le courage qu’il faut pour aller contre le modèle qui étouffe l’école québécoise et qui pousse tant d’enseignants, d’ailleurs, à la démission et à la dépression. Les enseignants ont une sublime mission : encore doit-on leur donner les moyens de l’accomplir. Bonne chance, François Blais!




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