Bombardier ou l’obscénité de l’hyperclasse

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Du ferment de révolution





Quel contraste il y a entre la baisse d’impôt des Québécois annoncée dans le budget Leitão cette semaine et les augmentations de salaire proprement obscènes des néo-aristocrates de Bombardier!


Ceux-ci se sont accordé des millions en boni alors qu’ils ont presque conduit l’entreprise à la faillite, laquelle fut sauvée par l’État. «Pendant ce temps-là, qu’est-ce que les Québécois ont reçu au budget? [...] Un petit dollar par semaine, c’est le boni des Québécois», a pesté avec raison le caquiste Éric Lefebvre, en chambre, jeudi.


La comparaison est spécieuse, répondra-t-on assurément. Mais elle est inévitable. Et d’une certaine façon, elle fait du bien. C’est une sorte de catharsis (si vous me permettez un «mot du jour»).


Une rhétorique légitime. Parce que les Québécois, en ronchonnant, avaient fini par accepter que leur gouvernement sauve Bombardier à coup de 3,2 milliards, pigés chez Investissement Québec et à la Caisse de dépôt, en octobre 2015. Moins de deux ans plus tard, voilà que six des dirigeants de Bombardier gonflent de manière scandaleuse leur compte en banque.


Couillard pusillanime ; Leitao franc


Sur le sujet, Carlos Leitao a osé, hier, en interview à LCN, parler de manière franche et directe: ces hausses sont choquantes, le conseil des ministres est fâché et Bombardier devrait revoir sa «politique de rémunération» avant la prochaine réunion du conseil d’administration.


Cela tranche avec le caractère pusillanime (si vous m’en permettez un deuxième) de la sortie du premier ministre, sur le même sujet, jeudi. Excessivement nuancé, semblant avoir enfilé trois paires de gants blancs, Philippe Couillard a commencé par s’interroger: «Si je me place dans la perspective des travailleurs, des fournisseurs est-ce que le moment est bien choisi? Est-ce que le message est bien choisi? J’aurais tendance à dire probablement que non.» On a déjà vu condamnation plus ferme...


Par la suite, il a précisé que le gouvernement avait fait un investissement «segmenté» dans une nouvelle structure concentrée sur la Série C. C’est vrai, mais il s’agit d’une argutie (si vous m’en permettez un troisième) financière. Que ce soit un cliché ou non, pour le contribuable en-train-de-remplir-son-rapport-d’impôt, la hausse de rémunération de Bombardier donne la nausée. Un point c’est tout.


Après ce type de déclaration, le premier ministre ira se plaindre des caricaturistes qui — parions là-dessus — le dépeindront en marionnette de Daniel Johnson, son ancien conseiller devenu membre du C.A. de Bombardier et président de la nouvelle filiale subventionnée, chapeautant le programme Serie C. Oh, et après avoir été président du comité de transition entre les gouvernements Marois et Couillard.


L’hyperclasse


Je me suis demandé selon quelle logique — outre la cupidité grossière — les dirigeants de Bombardier ont pu en venir à prendre une telle décision. Osons une thèse: c’est là un réflexe de l’«hyperclasse», de laquelle sont issus les dirigeants de Bombardier. Sorte de nouvelle aristocratie sans-frontière de notre époque en mesure de profiter à fond de la mondialisation des marchés, de la financiarisation de l’économie et de la concurrence entre les États.


Cette classe n’est pas d’apparition récente. Déjà en 1991, Robert Reich, secrétaire d’État au Travail sous Clinton, dans L’économie mondialisée (Dunod), s’inquiétait de sa montée en puissance. Il se demandait si ces néocosmopolites très mobiles seraient prêts à partager leurs «richesses avec leurs congénères les moins favorisés dans le monde»?


Non. Ils en veulent toujours plus. Sont habiles à rançonner les gouvernements. Surtout quand ces derniers sont dirigés par des personnes impressionnées par eux.







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