Quoi retenir de la dernière année sur la scène politique canadienne ?
Le fait saillant fut la réélection de Justin Trudeau à la tête d’un gouvernement minoritaire.
Étrangement, ce qui devait être une formalité devint une aventure périlleuse, puis se termina moins difficilement qu’envisagé.
Échappé belle
Depuis 1867, seulement quatre premiers ministres ont été congédiés après un seul mandat.
Pourtant, au déclenchement des élections, Trudeau était dans les câbles, prêt à se faire passer le K.O. par le médiocre Andrew Scheer.
C’est dire la chute vertigineuse d’un Trudeau qui changeait l’eau en vin peu de temps auparavant.
L’économie canadienne affichait pourtant la plus forte croissance de tous les pays du G7 après les États-Unis, et le taux de chômage était à un creux historique.
Mais il est vrai que les salaires stagnent et que le coût du logement explose.
C’est comme si la bonne tenue de l’économie ne profitait qu’à quelques-uns, d’où l’accent mis par l’équipe Trudeau sur des mesures visant le portefeuille de la classe moyenne, comme la bonification des allocations familiales.
Il reste que c’est Trudeau et Trudeau seul qui s’est compliqué la vie.
Le catastrophique voyage en Inde de 2018 fut le tournant. Dès ce moment, le regard des Canadiens sur leur premier ministre changea.
Avant, on le trouvait léger. Désormais, on le trouvait niaiseux.
Ce qui était agaçant, mais sans conséquence jusque-là, comme les chaussettes multicolores et les selfies à profusion, se retourna contre lui.
La controverse sur le « blackface » aurait été une tempête dans un verre d’eau si Trudeau lui-même ne se prétendait pas le champion mondial de l’antiracisme.
Les deux blâmes du commissaire à l’éthique — le premier pour des vacances chez un milliardaire ami de la famille et le second pour avoir tenté d’influencer un processus judiciaire — achevèrent de dégonfler la baudruche.
Celui qui devait réinventer la politique était maintenant perçu comme un ado attardé, hypocrite et superficiel.
Trudeau doit dire merci à Andrew Scheer pour sa réélection.
L’ex-chef conservateur me fait penser à un préposé à l’accueil dans un salon funéraire, affublé d’un sourire coincé et artificiel, qui vient dire à la famille éplorée qu’il est juste à côté si on a besoin de lui.
Incapable de se définir lui-même, il fut facile pour les libéraux de le dépeindre comme un Darth Vader déguisé en servant de messe, qui se préparait en secret à nous ramener au Moyen-Âge et aux avortements clandestins, même si l’accusation était absurde.
Pétrole
Normalement, l’impopularité des deux grands partis aurait dû ouvrir une autoroute aux autres partis.
Mais seul le Bloc sut en profiter parce que son chef fit une superbe campagne et qu’il eut l’intelligence de se coller au gouvernement Legault plutôt que de brandir l’étendard de la souveraineté.
2019 aura aussi fait émerger le transport du pétrole comme la question qui divise le Canada plus que toute autre.
Cette question en soulève une autre plus fondamentale : quel genre de pays les Canadiens veulent-ils construire ?