MÉDIAS FRANCOPHONES

Bell de plus en plus Canada

Les compressions de Bell entraînent l’«anglocanadianisation» de l’ancien réseau Astral

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Vous n'êtes quand même pas surpris ?






Le géant Bell Canada poursuit la saignée auprès des cadres et des employés de l’ancien réseau Astral, acheté en 2013. Cette décision, motivée par une logique financière, a comme conséquence directe le transfert de plus en plus de pouvoirs décisionnels de Montréal vers Toronto dans l’empire médiatique le plus puissant du pays.


 

Une source interne parle de « scandale », de « carnage » et de « catastrophe » pour les francophones. Les commentaires recueillis au cours des derniers jours auprès de cadres actuels ou passés de Bell sont extrêmement négatifs quant à cette « anglocanadianisation » des réseaux d’information et de divertissement du Québec francophone.


 

La mutation vient d’atteindre un nouveau palier de gestion avec le congédiement de Mario Clément, décidé cette semaine. Le vice-président au contenu a perdu son poste en même temps que cinq autres dirigeants basés à Toronto.


 

L’empire a procédé à plusieurs vagues de compressions de postes cette année. D’autres cadres supérieurs ont été remerciés dans les derniers mois. La liste noire comprend notamment Sylvia Côté, directrice principale des opérations radio, Éric Latour, directeur de l’info radio, et Charles Benoît, président de Bell Média, ce dernier étant le plus haut dirigeant québécois éliminé.


 

« Pour les francophones, honnêtement, c’est triste, c’est à pleurer ce qui se passe chez Bell, dit une source interne. Les directeurs des programmes sont catastrophés. Il n’y a plus de protection. Les relais et les boucliers du Québec ont disparu. Très honnêtement, c’est un scandale, c’est un carnage et c’est une catastrophe pour les francophones et le moral des troupes est évidemment à plat. »


 

M. Clément, ancien patron de la télévision de Radio-Canada et d’Astral, pilotait notamment les chaînes spécialisées francophones de Bell comme Canal Vie, Canal D et VRAK. C’est lui qui venait d’engager Super Écran dans la production de séries télévisées québécoises selon le modèle développé par la chaîne américaine HBO.


 

Ses fonctions seront scindées en deux, la radio étant maintenant dirigée par David Corey à Toronto. Gerry Frappier, chef de RDS, promu vice-président de Bell Média depuis deux semaines, prend en charge les autres chaînes télé spécialisées.


 

Les commentaires recueillis auprès des observateurs internes et externes qui désirent tous garder l’anonymat relient deux phénomènes, une cause et son effet.


 

La cause : la rationalisation. Bell prend des décisions sur une stricte base comptable ou financière. L’objectif serait de diminuer les frais d’exploitation, de dégraisser la machine, pour augmenter la valeur des actions de la compagnie.


 

Au total, à la fin de la présente année et depuis l’achat d’Astral il y a deux ans, Bell aura aboli environ 700 postes, soit un peu moins d’un emploi sur dix. Cette information n’a cependant pas été confirmée officiellement.


 

« La compagnie a acheté Astral pour produire un effet de levier sur ses actions avec des propriétés très, très rentables, dit au Devoir un dirigeant. C’est une grosse game financière qui se joue au détriment des artisans et, on doit le dire, des auditeurs. L’important, c’est le chiffre du rendement. »


 

L’effet : la déquébécisation. Selon la seconde observation, cette décision comptable a pour conséquence directe de retirer d’importants pouvoirs décisionnels au Québec pour les transférer en Ontario. À tout coup, au fur et à mesure des « restructurations », les chaînes de commandement rétrécies finissent par favoriser Toronto comme centre de décisions.


 

Un exemple concret : les chaînes radio québécoises relèvent maintenant de Martin Spalding, vice-président des opérations et des ventes pour le Québec, en poste depuis huit ans. Lui-même relève de l’équipe de direction de Toronto, où les francophones, voire les francophiles ne sont probablement pas si nombreux. En plus, comme le dit un employé, même pour les anglos bilingues de Montréal, la connaissance de la culture francophone québécoise demeure souvent assez superficielle.


 

« Les francophones dans l’ancien réseau d’Astral se sentent comme une poche isolée de Franco-Canadiens du Manitoba, dit-il. Ils sont coincés. Ils sont cuits. »


 

Il reste maintenant 18 hauts dirigeants selon la page de bellmedia.ca. Sauf erreur, le lot n’affiche que quatre cadres dont la carrière est liée au Québec, soit trois vice-présidents, Gerry Frappier (RDS et les autres chaînes télé), Anne McNamara (ressources humaines) et Christian Roy (réseau) en plus de Luc Quétel, président d’Astral Affichage.


 

Bell a refusé d’expliquer publiquement ses décisions. Dans un courriel laconique au Devoir, Olivier Racette, chef de service des communications d’entreprise pour le Québec, s’est contenté de confirmer le départ de Mario Clément et du quintette de Toronto.


 

D’autres compressions sont prévues. Après les cadres supérieurs comme Charles Benoît, de niveau six sur une échelle interne à huit niveaux, après Mario Clément et les cinq autres v.-p. de Toronto du cinquième échelon, la restructuration devrait s’attaquer d’ici quelques semaines au quatrième niveau, celui des directeurs généraux de stations, notamment.


 

Le géant Bell a acquis le réseau Astral pour 3,38 milliards de dollars en 2013. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, gardien des ondes aux pays, a permis le transfert de 12 des 25 chaînes de télé d’Astral et de 74 des 84 de ses stations locales de radio. Le reste a été vendu à des concurrents, dont Corus.







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