Pendant que le gouvernement Charest fait son Ponce Pilate, l'"affaire" de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDP) prend des allures de quasi crise nationale. D'autant plus qu'il ne semble pas pressé de bouger avant le printemps.
Première urgence: trouver un PDG pour notre "bas de laine" de 250 milliards de dollars. Avis de recherche: personne brillante et honnête, armée d'un gros aspirateur et s'engageant à réconcilier "rendements" et "contribution au développement économique du Québec". Deuxième urgence: la tenue d'une commission sur le "pourquoi" et le "comment" de cette perte de près de 40 milliards de dollars dans la folie des papiers commerciaux. Troisième urgence: rendre la gouvernance de la CDP plus transparente et imputable, non au gouvernement, mais à l'Assemblée nationale. Et donc, à nous. Avis de recherche: un premier ministre comprenant les mots "responsabilité" et "transparence".
LA CHASSE AUX RESPONSABLES
Malheureusement, les gouvernements peinent de plus en plus à comprendre ces deux mots. Les viaducs tombent? On enquête, mais personne n'est tenu responsable. Une université flambe des centaines de millions dans des projets bidon? On enquête, mais personne n'est tenu responsable. Ni les ministères pourtant dits "responsables". Ni les dirigeants nommés par le bureau du PM, dont certains reçoivent même de plantureuses primes de départ. Ni les entrepreneurs aux mains trempées jusqu'aux coudes dans la jarre à biscuits des fonds publics.
Dès qu'on crée ici la moindre commission chargée de se mettre le nez dans la dilapidation de fonds publics, on s'empresse de préciser que son objectif n'est PAS d'identifier les coupables, mais de "se tourner vers l'avenir"! Des responsables? Ah, oui. Il y a toujours les contribuables pris à payer pour les pots cassés.
Qui, alors, dans le cas de la Caisse, est responsable? À voir le premier ministre et la ministre des Finances faire leur numéro des "trois petits singes" - rien vu, rien entendu et rien dit -, on croirait que le gouvernement a zéro responsabilité. Que dire alors de la CDP, de son conseil d'administration et de son ex-PDG, Henri-Paul Rousseau, parti depuis l'an dernier se désennuyer chez Power Corporation? Petit rappel à cet effet: en novembre 2007, M. Rousseau déclarait ceci à la Commission des finances publiques de l'Assemblée nationale: "La santé financière de la Caisse et des déposants est donc bonne, même très bonne (...) Ce ne sont pas les problèmes actuels dans le marché du papier commercial au Canada qui peuvent changer cela." Ah bon? Ou encore ceci: "Je tiens à rappeler que le papier commercial est un produit financier de qualité." Vraiment?
Sur la question de la responsabilité, voici ce qu'il disait: "C'est le conseil d'administration et la direction qui sont légalement responsables de la gestion et des résultats de la Caisse, et nous sommes toujours étonnés lorsque cette responsabilité est imputée à des hommes et des femmes politiques qui ne sont pas et ne doivent pas être impliqués dans ces décisions. Comme premier dirigeant, je suis totalement imputable des résultats et de la qualité de la gestion de la Caisse et j'assume mes responsabilités." Comme si, à quelques mois de son départ, il s'assurait de bien dédouaner le gouvernement. Au cas où.
QUELLE ÉQUITÉ INTERGÉNÉRATIONNELLE?
Revenons à la double mission de la Caisse: chercher un rendement optimal et contribuer au développement économique du Québec. Mais lorsque le gouvernement lui a demandé de privilégier le premier en 2004, le rendement à tout prix a pris le dessus. On voit donc que la "responsabilité" du fiasco actuel pourrait être également politique.
Si on ajoute au portrait le fait que la CDP soit laissée sans PDG depuis des mois, la perte de la Bourse de Montréal au profit de Toronto, plusieurs grandes entreprises vendues à des intérêts étrangers sans mot dire et la création possible d'une commission canadienne de valeurs mobilières, on assiste à une espèce de sacrifice d'une partie de la sécurité économique des générations montantes sur l'autel de rendements immédiats, voire parfois même illusoires.
Parlant de la crise actuelle lors de sa première conférence de presse présidentielle, Barack Obama disait: "Ma génération n'a pas créé cette crise, mais elle devra s'en occuper." On pourrait dire la même chose à ma génération et aux suivantes quant à cet air de laisser-faire enveloppant depuis quelques années le développement économique du Québec. Pourtant, entre un dirigisme extrême et cet air de laisser-faire, il y a place pour une nouvelle responsabilisation.
L'an dernier, parlant des problèmes de la CDP et de la "mort" clinique du Québec inc. - et avant qu'Obama ne redonne ses lettres de noblesse au rôle de l'État face au marché -, Jacques Parizeau offrait ceci en note d'espoir: "Peut-être qu'un jour il y aura un certain nombre de gens qui diront que le gouvernement a encore des responsabilités à l'égard de l'économie, qu'il doit travailler avec les gens d'affaires pour ORIENTER les choses. (...) Ce n'est pas facile de jouer un vrai rôle sur la scène mondiale et de favoriser, en même temps, la prospérité du pays. Mais c'est un beau défi." Des mots sages.
Avis de recherche
Avis de recherche: un premier ministre comprenant les mots "responsabilité" et "transparence"
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