Assassinat de Soleimani : une raison pour destituer Trump ?

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Sur l'Iran, Trump s'est soumis au lobby néoconservateur


Soleimani était l’homme fort de l’Iran, équivalent local d’un hybride entre vice-président et secrétaire d’État des États-Unis. Selon le Premier ministre irakien, il venait d’arriver à Bagdad pour conduire « des négociations » avec ce dernier. L’artisan géostratégique du « croissant chiite » qui relie l’Iran chiite à la Syrie alaouite (chiite) via l’Irak (chiite) – véritable moteur d’un espace pan-chiite intégrant le Liban, le Bahreïn, l’Azerbaïdjan et certaines parties de la Turquie et du Pakistan – est mort et les « négociations » évoquées par le Premier ministre irakien, n’auront pas lieu.


Alain Juillet, ex-directeur de la DGSE, l’avait dit, les troubles en Syrie ont commencé quelques semaines après la signature de l’accord irano-syrien de 2011 portant sur la création d’un port méthanier à côté de la base russe syrienne de Tartous, aboutissement d’un pipeline à construire entre le plus grand gisement gazier du monde, le gisement iranien de South Pars, et la Syrie, via… l’Irak. Stratégie du croissant chiite oblige, récemment renforcée par la découverte de nouveaux gisements pétroliers iraniens qui augmenteraient ses capacités d’un tiers.


Dès son arrivée au pouvoir, Trump a été confronté par le lobby néoconservateur (qui a absorbé l’establishment des deux partis), lequel, on commence à en avoir les preuves maintenant, l’a neutralisé en le maintenant sous la pression d’un coup d’État « à petit feu » sous couvert d’enquêtes. Résultat : Trump s’est entouré d’équipes bellicistes qui voient deux Carthage à détruire : la russe et l’iranienne. Cependant que la Chine, implacable dans sa détermination à devenir l’empire du XXIe siècle, a su financer larga manu les think tanks, lobbies, et business associés à la classe dirigeante américaine.


Sur la Carthage russe, Trump a traîné des pieds. Mais il a suivi la ligne Netanyahou sur l’iranienne, se retirant de l’accord sur le nucléaire, puis en écrasant de sanctions le pays (et ses alliés commerciaux). Au cours de l’été 2019, à la suite de provocations (de qui ?), il avait ainsi « décidé » le bombardement d’installations sur le territoire iranien, qu’il annula in extremis à la suite d’une conversation avec un journaliste conservateur-isolationniste, Tucker Carlson.


Enragé, son entourage s’est révolté pendant l’été : une procédure d’impeachment (officiellement au sujet de l’Ukraine) a été lancée par des éléments de la communauté du renseignement qui ont modifié les règles sur les lanceurs d’alerte afin de faciliter le traitement d’une plainte de seconde main (donc impossible à tracer) rédigée au préalable avec le concours du président de l’Intelligence Committee de la Chambre, organe désigné opportunément, ensuite, pour lancer la procédure d’impeachment. Car Trump, en limogeant le faucon John Bolton, venait de provoquer l’hydre néoconservatrice qui le rembourse aujourd’hui au centuple par une procédure d’impeachment aux parfums gaziers.


Trump, par lâcheté, tactique, duplicité, ou incompétence, n’a pas su échapper à l’hydre, qui aujourd’hui lui impose d’échanger sa survie politique au Sénat, tribunal de l’impeachment en cours et fief des néoconservateurs, en échange de bombardements (Proche Orient) et sanctions (Europe) préalables aux changements de régimes voulus par la super-classe pour l’année 2020.


L’assassinat de Soleimani, vénéré dans le « croissant », semble maintenant renforcer la cohésion de l’Iran et de l’Irak, pourtant récemment déstabilisés par un printemps bis, et le Parlement irakien vient de voter une résolution visant à faire partir les troupes américaines du pays. Trump a procédé à un acte de guerre, sans l’autorisation du Congrès. Que ce soit pour sauver sa peau ou par absence de mesure des conséquences de son acte, il a trahi son serment de janvier 2017. Si les démocrates voulaient vraiment le destituer, ils auraient ici un vrai chef d’inculpation à présenter au Sénat. Mais le feront-ils ? Bien sûr que non.