La visite princière

Archaïsme ou spectacle financé par le contribuable?

Visite royale au Québec - juillet 2011 - William et Catherine

La question du nouvel amphithéâtre à Québec a relancé la question du financement public au secteur du divertissement, que d’aucuns contestent sous prétexte que le public et le privé doivent s’en tenir à leurs chasses gardées.
Nous devrions dès lors questionner un autre divertissement collectif, également grassement financé par le contribuable mais en l’absence de retombées économiques positives (contrairement à l’initiative de Régis Labeaume) : la visite du couple princier.
Le prince William et la charmante Kate Middleton sont évidemment les bienvenus au Québec, à l’instar de n’importe qui. Le Québec est une merveilleuse destination touristique. Au nom de la dignité humaine, le couple princier mérite également notre respect, et il est inacceptable de les qualifier de « parasites » à l’instar de M. Khadir, qui tente de s’improviser en amuseur public.
Cependant, il est tout aussi inacceptable que Kate et William aient droit aux honneurs réservés aux chefs d’État et qu’une partie de la facture de leur voyage soit remise au contribuable. L’Assemblée Nationale du Québec s’est montrée indigne en acceptant d’en assumer une partie des frais.
Nous apprenions d’ailleurs récemment que de nombreux travaux de réfection sont présentement effectués à l’hôpital Ste-Justine dans le but de faire rayonner les lieux lors que Kate et William s’y aventureront. Cet épisode nous rappelle le tristement célèbre débat sur les accommodements « raisonnables », surtout dans la mesure où le manque de moyens financiers est invoqué pour refuser des soins aux enfants malades fréquentant cet hôpital.
Au Québec, la monarchie est quasi-unanimement rejetée. Les québécois éprouvent la plus grande affection pour le couple princier, comme ils en ressentent envers une panoplie de vedettes du show business (lesquelles paient eux-mêmes leurs vacances à l’étranger). Les québécois voient donc la monarchie britannico-canadienne au mieux comme un divertissement collectif people.
Si le peuple britannique est fier et honoré de sa monarchie constitutionnelle, c’est son droit le plus strict. Qu’il fasse le choix -comme il le fait depuis l’établissement de ce régime- d’en assumer les frais ne devrait aucunement soulever les passions au Québec. Que le peuple canadien, de par son lien historico-émotionnel avec Londres, décide d’en faire autant est également compréhensible et nous aurions tort de nous ingérer dans ses décisions.
Là où le bât blesse, c’est évidemment que le citoyen québécois est également touché par ce système qu’il perçoit comme étant rétrograde. Le peuple québécois, dont l’identité nationale est unique, a développé un sentiment d’appartenance bien plus grand envers la France (pour des raisons historiques et culturelles) et les États-Unis (de par son enracinement continental) qu’avec le Royaume-Uni ou sa Reine.
Le Québec se doit de faire d’accorder sa reconnaissance à toute démocratie libérale en accueillant tout chef d’état étranger ou tout membre d’un gouvernement démocratique. Cependant, pour ne donner qu’un exemple, les deux jeunes filles du président américain Barrack Obama sont-elles à considérer comme des chefs d’État? En accueillant le petit-fils d’Élisabeth II et son épouse, nous créerions une logique implacable qui nous condamne à répondre par l’affirmative.
Certains rétorqueront que la situation est différente car le Prince William est un possible héritier du Trône, et est donc en lice pour porter lui-même le titre de chef d’État. Nous répondrons tout simplement qu’au Québec les différentes fonctions au sein de l’appareil d’État sont nominatives ou électives, pas héréditaires. Nous reconnaitrions ainsi la famille d’Élisabeth II en tant que royauté, et nous nous assumerions comme étant ses loyaux sujets.
La monarchie britannico-canadienne coûte annuellement 50 millions de dollars aux payeurs de taxes canadiens et québécois. Ces sommes pourraient-elles être utilisées plus judicieusement? Poser la question c’est y répondre.
Bien davantage qu’une question financière, la visite princière en est évidemment une d’identité, de culture, d’histoire et de fierté nationale. Le gouvernement du Québec, légitime et issu des urnes, doit cesser de se comporter comme un État sous occupation. L’accueil officiel que nous réservons à Kate et William constitue une reconnaissance explicite de notre situation minoritaire et –n’ayons pas peur des mots- un relent de colonialisme. Il n’est pas trop tard pour faire marche arrière.
Pourquoi le gouvernement du Québec ne se comporterait-il pas dignement comme l’État légitime de la nation québécoise en poussant cette logique jusqu’au bout en refusant de financer la fonction de Lieutenant-gouverneur et en cessant de faire sanctionner nos lois par ce dernier? La nation québécoise, en recherche de courage politique et de leadership, ne pourrait qu’en être impressionnée.
***
Simon-Pierre Savard-Tremblay
Président du Forum Jeunesse du Bloc Québécois

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Simon-Pierre Savard-Tremblay est sociologue de formation et enseigne dans cette discipline à l'Université Laval. Blogueur au Journal de Montréal et chroniqueur au journal La Vie agricole, à Radio VM et à CIBL, il est aussi président de Génération nationale, un organisme de réflexion sur l'État-nation. Il est l'auteur de Le souverainisme de province (Boréal, 2014) et de L'État succursale. La démission politique du Québec (VLB Éditeur, 2016).





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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    24 juin 2011

    En qualifiant le couple princier de "parasites", M. Khadir se limite à énoncer un fait historique indéniable. Toutes les monarchies du globe sont parasitaires, et l'ont toujours été : quiconque prétend le contraire s'enfonce un doigt dans l'oeil jusqu'au coude. Je ne vois pas en quoi la remarque de AK est le moins du monde amusante - à plus forte raison quand on tient compte des arguments que vous soulevez vous-même dans votre texte... il me semble au contraire déprimant qu'on en soit encore à débattre de telles questions dans une société qui se prétend démocratique.
    À vouloir ménager la chèvre et le chou, on finit par soutenir des incohérences...

  • Patrick Diotte Répondre

    24 juin 2011

    Très bon texte Simon-Pierre.
    Cependant, bien que je crois avoir une opinion semblable à la tienne à propos d'Amir Khadir, j'éviterais de l'écorcher comme tu le fais. Personnellement je n'aime pas qu'il agisse comme il devrait reprocher au plus haut point à ses adversaires de droite d'agir, en populiste, et je trouve que sa stratégie d'accession à l'indépendance est une rêverie qu'il utilise de manière un peu démagogique, elle ne tient aucunement compte de l'adversité qu'on rencontre pour en finir avec Ottawa, puis j'ai trouvé son attitude louche, douteuse même parfois, depuis quelques mois. Ceci étant dit, je le respecte, sans être encore un allié déterminant pour la cause indépendantiste, c'est un fort sympathisant, comme la mouvance socialiste qu'il représente, et je crois que nous devons vite trouver notre terrain d'entente avec cette mouvance et éviter de se battre entre nous, à part de manière électorale lors d'élections. Les gens très à gauche, ils vont y aller vers QS quoi qu'on fasse, il faut protéger ce qui nous uni maintenant. Je serais incapable d'avoir une telle attitude avec des fédéralistes qui s'affirment, eux n'ont pas de place dans mon univers politique, mais un sympathisant comme Amir Khadir, oui, il a sa place et j'admire plusieurs de ses sorties percutantes... bien sûr que je préférerais qu'elles viennent d'un péquiste.
    Bref, très bon texte mais je crois qu'il faut cesser nos hostilités inutiles et nuisibles, je fais un effort personnellement. Une plus grande maturité à ce niveau, c'est bien évidemment une chose qui manque à bien des militants du mouvement indépendantiste, moi compris.

  • Archives de Vigile Répondre

    23 juin 2011

    En effet, il est préférable de ne pas se contredire dans la même phrase: "inacceptable de les qualifier de « parasites » à l’instar de M. Khadir, qui tente de s’improviser en amuseur public." Donc, nous font payer leurs vacances mais ne veux pas dire "parasites" comme Khadir...amuseur...
    Au Bloc, on vit maintenant dans une maison de verre et on continue à lancer des cailloux. Le chef en devait une à la chef et il lui a retourné l'ascenseur du bout des lèvres. Mais il n'a pas oublié qu'il a été viré par des "chercheurs de changement", des inconséquents comme les "cherche Legault". Ceux-là qui traquent maintenant la chef. Le et la chef y penseront bien cet été et comprendront que l'indépendance, maintenant, loge à l'adresse de Québec Solidaire. Alors, peut-être garder ses cailloux dans ses poches en attendant.

  • L'engagé Répondre

    22 juin 2011

    Donc si je résume bien, pour les Québécois, cette monarchie est parasitaire.
    De «Parasite» : qui vit au dépens d'autrui. Vous expliquez en plusieurs paragraphes ce que Khadir a dit en un mot. Microbiologiste-infectiologue, je crois qu'il s'y connait en parasites...
    Pourquoi faut-il absolument que les partis officiels écorchent les radicaux qui sont pourtant pour la même cause?
    Avoir le courage d'afficher ses convictions incite les autres à vous respecter.