Anglos et francos: beaucoup plus semblables qu'on ne le croit

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Le grand cirque ordinaire des illusions « Canadian »

Formant deux solitudes, les francophones et les anglophones du Québec ont des caractères aussi différents que les chats et les chiens. Vrai ou faux? C'était peut-être vrai jadis, mais c'est désormais faux, affirment des chercheurs dans une récente livraison du Journal of Social Psychology. Tests à l'appui, ils montrent que leurs personnalités sont, maintenant, beaucoup plus semblables que distinctes.

En 1945, l'écrivain canadien-anglais Hugh MacLennan publiait son roman intitulé Deux solitudes. Depuis, l'expression est utilisée à l'envi pour illustrer le gouffre culturel entre francophones et anglophones. Mais 60 ans plus tard, qu'ils parlent français ou anglais, les Québécois se ressemblent à peu près à tous les points de vue, soutiennent les chercheurs. Il y a des différences, mais elles sont mineures.
Professeurs à l'Université Bishop, dans les Cantons-de-l'Est, les trois chercheurs ont formé deux cohortes de 50 francophones et de 50 anglophones de Sherbrooke âgés de 16 à 64 ans, comptant autant d'hommes que de femmes, et ayant en moyenne les mêmes revenus et niveaux d'instruction. Ils leur ont posé une série de questions issues de questionnaires reconnus, s'inspirant entre autres des tests de personnalité du psychologue allemand Hans Eysenck.
Les résultats sont publiés sous le titre Personnalité et culture : une comparaison entre francophones et anglophones du Québec. Les uns et les autres ont manifesté la même ouverture d'esprit et de «conscience» : ils sont aussi performants au travail, attentionnés, méticuleux et agréables. Ils ont le même bas niveau de «neuroticisme», un terme de psychologie qui se réfère à l'anxiété. «Les deux groupes sont plus émotionnellement stables que neurotiques», écrivent les auteurs.
En revanche, les francophones se sont classés plus haut dans l'échelle du «psychotisme», ce qui signifie, en langage courant, qu'ils ont la «tête dure», en tout cas plus que les anglophones. Pour vulgariser cette notion, le psychologue Hans Eysenck parlait de «toughminded». D'autres psychologues, cités dans l'article, indiquent que les personnes qui se classent au haut dans cette échelle sont plus «égoïstes, froids, hostiles, ont moins d'empathie et connaissent moins les sentiments de culpabilité».
Les questions étaient notamment celles-ci : «Le fait d'avoir des dettes vous inquiéterait-il? Accepteriez-vous de prendre des drogues en sachant qu'elles peuvent être dangereuses? Essayez-vous toujours de ne pas être impoli? Avez-vous déjà profité de quelqu'un? Souhaiteriez-vous que les gens aient peur de vous?»
Un des auteurs de la recherche, Stuart J. McKelvie, a dit à La Presse que, malgré les apparences, les traits de personnalité associés au «psychotisme» ne sont pas seulement négatifs. «La différence entre francophones et anglophones du Québec est significative à cet égard, explique-t-il. Mais les deux groupes se trouvent dans la partie inférieure de l'échelle. Par ailleurs, le psychotisme comporte des côtés positifs : il montre que les gens défendent leurs droits, ne se laissent pas marcher sur les pieds et sont plus combatifs.»
Par ailleurs, les anglophones se montraient plus conservateurs. Ils étaient moins nombreux que les francophones à répondre positivement à des questions comme celle-ci : «Pensez-vous que le mariage est une institution démodée, dont on n'a plus besoin?»
Des tests menés dans le passé avaient déjà montré une tendance plus poussée au conservatisme chez les anglophones. «Les francophones du Québec sont moins traditionalistes et plus libéraux que les anglophones du reste du Canada sur des questions comme l'égalité entre les sexes et les relations sexuelles prémaritales», rappellent les auteurs. Un chercheur avait déjà trouvé que les parents francophones punissent moins leurs enfants que les parents anglophones.
Diverses études ont aussi suggéré que les Canadiens anglais sont plus individualistes. «Les Québécois sont plus favorables aux dépenses gouvernementales et moins favorables à l'organisation capitaliste de la société et de l'économie que les citoyens du reste du Canada et des États-Unis, ce qui indique une orientation plus collectiviste qu'individualiste.»
Les auteurs de l'article paru dans le Journal of Social Psychology, publication scientifique américaine, avancent l'hypothèse que les anglophones et les francophones du Québec ont, en gros, les mêmes traits de personnalité pour la simple et bonne raison qu'ils partagent le même territoire et le même mode de vie. Mais, selon eux, il n'y a guère de doute que, dans leur ensemble, les Québécois - qu'ils parlent anglais ou français - se distinguent du reste des Nord-Américains.
Des chercheurs qui ont étudié les attitudes des Nord-Américains croient qu'il existe trois grands types de caractères nationaux sur le continent, propres à trois régions : le Québec, le «Vieux Sud» des États-Unis, et le reste du Canada et des États-Unis. Bref, les francophones et les anglophones du Québec se ressemblent, mais ils ne ressemblent pas aux Américains et aux autres Canadiens.
(Photo La Tribune)

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André Noël30 articles

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André Noël a étudié en géographie à l'Université de Montréal et en journalisme à Strasbourg. Après avoir été rédacteur à la Presse canadienne, il est entré à La Presse en 1984. Il a toujours travaillé dans la section des informations générales, où il a mené des enquêtes très variées.





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