Alcoa à Baie-Comeau: Québec n'obtient rien de plus

Le gouvernement du Québec a assuré l'approvisionnement en électricité à bas prix d'Alcoa jusqu'en 2040, sans obtenir en retour les nouveaux emplois et les investissements dans la transformation du métal qu'il avait pourtant réclamés avec force.

Entente Québec - Alcoa



Le gouvernement du Québec a assuré l'approvisionnement en électricité à bas prix d'Alcoa jusqu'en 2040, sans obtenir en retour les nouveaux emplois et les investissements dans la transformation du métal qu'il avait pourtant réclamés avec force.

La modernisation de l'usine d'Alcoa à Baie-Comeau au coût de 1,2 milliard ne se traduira pas par de nouveaux emplois. Au contraire, l'effectif de l'usine diminuera de 175 une fois la modernisation achevée, en 2015.
Aucune trace non plus dans l'entente d'hier d'emplois supplémentaires reliés à la transformation de l'aluminium, ou d'investissement dans la fabrication d'anodes, comme le souhaitait le gouvernement Charest.
En fait, l'entente rendue publique mardi ressemble fort à celle conclue par le gouvernement de Bernard Landry à la fin de 2002, à quelques détails près. Par exemple, le gouvernement précédent voulait accorder un prêt sans intérêt de 170 millions à Alcoa et un congé fiscal de 10 ans.

Le congé fiscal a été éliminé, mais le prêt sans intérêt est passé de 170 à 228 millions, une augmentation de 34%.
Le coût des intérêts de ce prêt (estimés à 5%) sera assumé par Investissement Québec pendant 30 ans, ce qui représente une économie de 342 millions pour Alcoa, qui a encaissé un profit record de 2,6 milliardsUS l'an dernier.
Exprimé autrement, Investissement Québec versera près de 8000$ par année et par emploi sauvegardé à Baie-Comeau.
Mais c'est le prix de l'énergie à long terme qui représente le principal gain pour Alcoa. Pour une aluminerie, l'électricité est le nerf de la guerre, qui représente 35% des coûts de production.
L'entreprise obtient les 175 mégawatts dont elle avait besoin pour moderniser son usine de Baie-Comeau, 200 mégawatts de plus pour ses deux autres usines (Deschambault et Bécancour) et le renouvellement pour 25 ans du contrat à long terme conclu au début des années 80 et qui se terminera en 2015.
Les termes de ce contrat n'ont jamais été rendus publics mais on sait que le prix de l'électricité était lié au prix de l'aluminium sur le marché international et qu'Hydro-Québec a dû assumer un manque à gagner important au fil des ans.
La nouvelle entente à long terme qui remplacera ce contrat secret prévoit encore un lien entre le prix de l'électricité et le prix de l'aluminium.
Alcoa paiera l'électricité au tarif régulier de la grande industrie (tarif L), qui augmentera en même temps et dans la même proportion que les autres tarifs d'Hydro-Québec si le prix de l'aluminium se maintient entre 1650$ et 2725$.
Si le prix de l'aluminium sort de cette fourchette, le tarif d'Alcoa sera ajusté à la hausse ou à la baisse.
Actuellement, l'aluminium se vend autour de 3100 $ US la tonne sur le marché, un prix très élevé pas très loin de son record historique.
Le tarif L consenti à la grande industrie est plus bas que celui que paient M. et Mme Tout-le-monde pour chauffer et éclairer leur maison.
Cette année le tarif résidentiel est de 6,6 cents le kilowattheure et le tarif de la grande industrie est de 4,26 cents le kilowattheure. Les tarifs d'électricité augmenteront de 2,9% le 1er avril prochain.
Perte
Le gouvernement force donc Hydro-Québec à vendre pendant encore 25 ans son énergie à un prix inférieur au coût de production de ses nouvelles centrales.
«Quand on vend à 4 cents ce qui nous coûte 8 ou 10 cents à remplacer, on perd de l'argent», déplore Jean-Thomas Bernard, professeur à l'Université Laval et spécialiste en énergie.
Cette perte ne peut être récupérée que par une augmentation des tarifs de tous les clients d'Hydro-Québec, ou par une diminution des dividendes versés au gouvernement par Hydro chaque année, dit-il.
Dans les deux cas, c'est l'ensemble des Québécois qui devront payer les emplois maintenus par Alcoa.
La multinationale avait refusé une première fois de payer le tarif régulier de la grande industrie pour l'énergie dont elle avait besoin pour moderniser son usine de Baie-Comeau.
Mardi, le président d'Alcoa Canada, Jean-Pierre Gilardeau a expliqué que le marché de l'aluminium s'était amélioré au point que l'entreprise «était prête à accepter des choses qu'on ne pouvait pas avant». «C'est un bon deal», a-t-il dit.
Contrairement à Alcan, qui avait dû s'engager à investir dans la transformation de l'aluminium et à créer des emplois pour obtenir l'énergie nécessaire à l'expansion de son usine de Sept-Îles, Alcoa n'a pris aucun engagement.
Ça pourrait venir pendant les négociations en cours pour l'expansion de l'usine de Deschambault, a indiqué hier M. Gilardeau. «Là, les attentes vont être grandes», a-t-il dit.


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