Abdou Diouf ou Bill Clinton ?

Deux mondes se sont croisés hier à Québec : l'un riche, l'autre pauvre. Ils se sont croisés, mais ne se sont pas rencontrés.

XIIe Sommet de la Francophonie - Québec du 17 au 19 octobre 2008



Pendant que l'ancien président américain Bill Clinton parlait au gratin de la capitale, moyennant un petit cachet de 200 000 $, l'ancien président sénégalais Abdou Diouf passait à peu près inaperçu. Fonction oblige, seules les ministres Monique Gagnon-Tremblay et Christine Saint-Pierre ont assisté lundi soir à la remise de l'Ordre national du Québec à M. Diouf, par le premier ministre Jean Charest. Mais hier, les Claude Béchard, Philippe Couillard, Sam Hamad et même Pauline Marois se pressaient parmi les dignitaires pour voir et serrer la main de Bill Clinton. Sans parler de la mairesse Boucher, qui n'avait pas eu de temps la veille pour le président Diouf.
Je n'ai pu entendre le discours de Bill Clinton. Il m'en aurait coûté 350 $ pour y assister comme journaliste. J'ai donc rencontré Abdou Diouf en entrevue, hier matin. Et je me suis dit, après la rencontre, qu'il était plutôt ironique, comme société, d'acheter pour 400 000 $, peut-être 500 000 $ de billets, pour entendre à Québec le discours maintes fois répété d'une vedette américaine, et d'ignorer à toutes fins utiles le passage chez nous d'un représentant de l'autre moitié de la planète, celle des démunis. Dans un monde idéal, les deux hommes auraient pu être sur la même tribune. Il y aurait eu là un beau symbole. Mais nous ne sommes pas dans un monde idéal.
Je vous vois venir : "Lavoie est un pisse-vinaigre parce qu'il n'a pas eu de billet pour Clinton." Pensez ce que vous voulez, vous avez le droit.
C'est vrai que Clinton est un meilleur vendeur qu'Abdou Diouf. La richesse et le pouvoir, ça "pogne" plus que la pauvreté et le manque de moyens. Mais quand on nous dit que la venue de Bill Clinton a mis Québec sur la carte en prévision de 2008, j'ai mes doutes. L'ancien président a prononcé 352 conférences l'an dernier. Êtes-vous en mesure de me nommer 10 des villes où il a fait ses allocutions ? Québec ne sera probablement que la 99e ou la 125e cette année. Alors, on repassera pour la visibilité ! Si quelqu'un a gagné en notoriété dans cette affaire, c'est la firme Nemex Network, qui a organisé l'événement.
Si on veut parler de Québec 2008, il faut se rappeler de l'appui donné par Abdou Diouf lorsque Jean Charest a demandé que le prochain Sommet de la Francophonie se tienne à Québec. Voilà un événement international qui cadre parfaitement avec l'histoire et le caractère distinct de notre capitale. La Francophonie, c'est tout de même 49 États et gouvernements membres, quatre États associés et 10 États observateurs. Le Sommet de Moncton, en 1999, a généré des retombées de 78 millions $. Celui de 2008 amènera ici plus de 1000 délégués officiels, sans compter les centaines de journalistes et les nombreux observateurs qui suivent ce genre de rencontre.
Il est vrai que, sur le fond, le discours de Bill Clinton va dans le sens des demandes présentées par des gens comme Diouf, au nom des pays du tiers-monde. Et il est vrai que la fondation de Bill Clinton est engagée dans la lutte contre le sida en Afrique ou dans les efforts de la communauté internationale pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais c'est le lot des anciens politiciens de se dévouer à sauver l'humanité. On se demande parfois pourquoi ils n'y ont pas travaillé plus fort lorsqu'ils étaient au pouvoir.
Pisse-vinaigre, Lavoie, parce qu'il n'a pas eu de billet pour Clinton ? J'ai eu un gros 30 minutes avec Diouf, alors que les VIP n'ont eu que 30 secondes chacun pour une photo avec Clinton. Entre les deux, je pense avoir eu le meilleur sort.
Pour joindre notre chroniqueur :
glavoie@lesoleil.com


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