Zampino démissionne de son poste chez Dessau

Séjourner sur le yacht d'Accurso était «inapproprié», avoue-t-il

Scandales à Montréal - les compteurs d'eau

Jeanne Corriveau - Séjourner sur le bateau de Tony Accurso a été une erreur, a reconnu hier Frank Zampino en annonçant sa démission à titre de vice-président de Dessau. L'ex-président du comité exécutif de la Ville de Montréal, qui s'est retrouvé au coeur de la tourmente du contrat des compteurs d'eau accordé à Génieau, a accusé les médias de s'être acharnés sur son cas.
Dans une lettre ouverte qu'il a fait parvenir aux médias hier, Frank Zampino reconnaît s'être placé dans une situation embarrassante en acceptant, à deux reprises, de séjourner sur le yacht de Tony Accurso, un ami de longue date dont l'entreprise, Simard-Beaudry, a obtenu le contrat des compteurs d'eau montréalais avec Dessau au sein du consortium Génieau. Le premier voyage a eu lieu en janvier 2007, soit quelques semaines avant que les soumissionnaires déposent leurs propositions officielles. Le second s'est déroulé en février 2008, quelques mois avant le retrait de M. Zampino de la vie politique.
«Il s'agit certainement d'une maladresse de ma part et je m'en excuse. J'aurais dû refuser l'invitation. Je constate maintenant que ces séjours étaient inappropriés dans les circonstances et je reconnais que, si c'était à refaire, j'agirais différemment, écrit-il dans sa missive. Cette erreur ne justifie pas qu'on m'attribue de facto un lien dans l'attribution du contrat des compteurs d'eau à Génieau, même si je conviens que les apparences ne jouent pas en ma faveur.» M. Zampino insiste sur «l'acharnement médiatique» à son endroit: «J'espère maintenant mettre un terme au harcèlement dont je fais l'objet depuis quelques semaines.»
Il dit se réjouir de la décision du maire Gérald Tremblay de demander au vérificateur général de la Ville de se pencher sur l'attribution du contrat de 355 millions de dollars à Génieau. Se disant convaincu que cette enquête démontrera toute la «rigueur» qui a prévalu dans l'octroi de ce contrat, M. Zampino souhaite que cesse le «procès d'intention» à son endroit. «Une fois cette vérité établie, elle mettra fin à une insinuation tenace voulant que mon poste de vice-président principal et chef de la direction financière chez Dessau constituait une "récompense" découlant de l'octroi de ce contrat.»
Rappelons que M. Zampino a rejoint Dessau en janvier dernier, quelques mois après avoir annoncé son retrait de la vie politique. La controverse risquant de nuire à Dessau, les deux parties ont convenu de couper le lien d'emploi.
Dans un communiqué diffusé hier, Dessau indique avoir accepté la décision de M. Zampino «avec regret». L'entreprise insiste pour dire que Génieau a respecté toutes les règles du processus d'appel d'offres et que sa proposition était «impeccable sur le plan technique et concurrentielle sur le plan économique».
Les factures
Il y a deux semaines, M. Zampino avait affirmé avoir assumé la totalité des dépenses liées à ses séjours sur le bateau baptisé Touch de Tony Accurso et avait proposé au maire Tremblay de lui remettre les factures. Hier toutefois, il a précisé que cette offre s'adressait au maire personnellement et qu'il était hors de question pour lui de rendre les documents publics. «Je ne le ferai pas et je ne me soumettrai pas à cette inquisition», a-t-il indiqué en invoquant les informations personnelles que comportent les documents. «Masquer au crayon-feutre les informations personnelles nominatives ne ferait qu'augmenter la méfiance», précise-t-il.
Frank Zampino affirme avoir en sa possession deux factures liées à ses séjours sur le bateau de M. Accurso, ainsi que les copies des chèques qui ont été encaissés, comme en témoignent les relevés bancaires qu'il détient. Il dit également avoir deux factures d'agences de voyages pour le transport aérien lié à ces deux séjours.
Au cabinet du maire, on s'est montré peu loquace. «Le maire ne commentera pas la décision de M. Zampino de démissionner de chez Dessau-Soprin. Cela étant dit, nous prenons acte du fait que M. Zampino reconnaît avoir fait une erreur et qu'il a exprimé ses regrets», a déclaré son attaché de presse, Martin Tremblay. Tout en précisant ne pas encore avoir reçu les copies des factures, Martin Tremblay s'est contenté de dire que la Ville «prenait acte» de la volonté exprimée par l'ex-président du comité exécutif de ne pas les rendre publiques.
Loin de clarifier le dossier, le geste de M. Zampino soulève de nouvelles questions, estime le chef de l'opposition, Benoit Labonté. «Ça amplifie l'apparence de conflit d'intérêts qui était déjà très présente dans ce dossier-là, a soutenu hier M. Labonté. M. Zampino a beau blâmer à gauche et à droite les médias et l'opposition là-dessus, en bout de ligne, ce n'est ni l'opposition ni les médias qui sont allés deux fois en voyage en bateau pendant le processus d'octroi de contrat. C'est lui-même qui y est allé. Il a manqué minimalement de jugement politique et d'éthique.»
Le temps est venu pour le maire Tremblay de dénoncer «clairement et vigoureusement» les entorses à l'éthique de ceux qui l'entourent, a déclaré M. Labonté en rappelant qu'il soumettra, lors du conseil municipal du 27 avril prochain, une motion visant à doter la Ville d'un commissaire à l'éthique et d'un code de déontologie pour les élus.
De son côté, le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, persiste à réclamer l'annulation du contrat de 355 millions et non sa simple suspension, comme l'a décrété le maire la semaine dernière. Selon lui, il faut maintenant examiner le lien entre le contrat des compteurs d'eau et celui du Faubourg Contrecoeur, au centre de la controverse de la Société de développement et d'habitation de Montréal (SHDM), puisque dans les deux cas les soumissionnaires sont des entreprises appartenant à Frank Catania et à Tony Accurso, ajoute M. Bergeron. «Ça commence à ressembler à un partage de contrats», a-t-il dit. M. Bergeron croit que le gouvernement du Québec devrait maintenant ordonner une enquête sur les transactions foncières et immobilières ainsi que sur l'octroi de contrats à la Ville. «C'est peut-être un système général de corruption auquel on fait face», avance-t-il.


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