Scandale des compteurs d'eau

Génieau demande une compensation de 33,8 millions

Scandales à Montréal - les compteurs d'eau


Kathleen Lévesque - Les hommes d'affaires Tony Accurso et Jean-Pierre Sauriol réclament, au nom de leur entreprise commune, Génieau, une compensation de 33,8 millions de dollars à la Ville de Montréal, qui a été forcée, devant le scandale qu'il a soulevé, de mettre fin au contrat des compteurs d'eau. Outre la pénalité prévue au contrat ainsi que la valeur des équipements et des biens fournis, Génieau tente de refiler aux Montréalais ses frais juridiques et comptables pour la préparation de sa réclamation.
Le document de plus de 1000 pages détaillant la demande a été déposé hier à l'hôtel de ville. Des discussions entre Génieau et le contentieux montréalais ont précédé ce dépôt. Les échanges (téléphoniques et de correspondance) auraient permis d'établir des modalités de fonctionnement.
Trois principaux éléments composent la facture de 33,8 millions. Ce sont les travaux effectués jusqu'à la résiliation survenue le 1er mars dernier, y compris les équipements comme les antennes de télécommunications, une partie des compteurs d'eau et le système informatique, qui représentent la part du lion de la réclamation, soit 28 234 000 $.
L'application de la clause contractuelle de pénalité équivalant à 1 % du solde du contrat compterait pour 2 850 000 $, selon Génieau. Quant au travail d'inventaire, de recherche et de comptabilité qui s'ajoute aux frais d'avocat (Heenan Blaikie), la firme de MM. Accurso et Sauriol estime que Montréal doit les assumer. Ils totalisent 2 732 000 $.
Le consortium Génieau, qui est formé de l'entrepreneur Simard-Beaudry, appartenant à Tony Accurso, et de la firme d'ingénierie Dessau, dirigée par Jean-Pierre Sauriol, dit avoir élaboré de «bonne foi» sa demande. «La compensation demandée par Génieau est strictement conforme aux stipulations du contrat [...]. L'entreprise a tenu compte des pratiques juridiques et comptables applicables dans des cas semblables», a indiqué hier le consortium.
À la Ville de Montréal, il est hors de question pour l'instant d'émettre quelque commentaire que ce soit sur ce dossier délicat. Le contentieux municipal a reçu la réclamation et l'étudiera, ce que d'aucuns pourraient juger ironique puisque les avocats de la Ville avaient été contournés dans l'élaboration du contrat original. Montréal avait préféré confier cette tâche au cabinet Dunton Rainville, un allié de Dessau avec qui il partage une loge d'affaires au Centre Bell.
De la même façon, l'analyse financière du projet avait été faite par la firme privée Raymond Chabot Grant Thornton, plutôt que par le Service des finances de Montréal.
Réactions
Les partis d'opposition n'ont pas hésité à réagir, se désolant que les Montréalais doivent assumer «les erreurs de l'administration Tremblay». Pour la chef de Vision Montréal, Louise Harel, la somme exigée est excessive, d'autant plus qu'au même moment «l'administration Tremblay demande à tous les services de la Ville de faire des coupes dans leur budget pour un montant global de 50 millions».
Le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, a d'abord réclamé que soit transmise la documentation intégrale de la demande de Génieau. Puis, il a souligné que les 33,8 millions ne constituent pas une facture à honorer. «Ce n'est qu'une base de négociations», a-t-il soutenu.
«Et si ça ne convient pas, allons devant les tribunaux. Ce serait une belle occasion de connaître les liens étroits entre les politiciens et le milieu des affaires», a ajouté M. Bergeron.
Le mandat des compteurs d'eau
Le mandat de Génieau était de trois ordres. L'entreprise devait équiper les immeubles industriels, commerciaux et institutionnels de compteurs d'eau. Cette opération (30 000 compteurs d'eau) devait se dérouler sur cinq ans. Génieau devait assurer l'entretien de ces équipements pendant 15 ans.
Puis, il était prévu que Génieau installe des vannes de régulation d'eau afin de mesurer la consommation et de réduire à distance les débits dans le système d'aqueduc. Il s'agissait d'un mandat de 25 ans.
C'est Le Devoir qui, en décembre 2007, a mis au jour les premières zones d'ombre de ce contrat, le plus important jamais octroyé par Montréal. Puis, ce contrat est devenu un terrain miné sur le plan politique lorsqu'il fut révélé que le président du comité exécutif de l'époque, Frank Zampino, avait séjourné sur le yacht de luxe de Tony Accurso pendant que le processus d'appel d'offres était en cours.
Le vérificateur général de Montréal a jugé sévèrement ce dossier entaché, à plusieurs égards, d'«irrégularités». Le vérificateur a même conclu que le véritable prix du projet aurait atteint 618 millions.
Du coup, le dossier a pourri la campagne électorale montréalaise qui était en cours. Après avoir été réélu, Gérald Tremblay a procédé à la résiliation formelle du contrat. Ce fut fait le 4 décembre dernier, bien que son application prendrait effet seulement 90 jours plus tard.


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