(Québec) J'ai appris au moins une chose importante dans l'entourage de Brian Mulroney à Ottawa: lorsque vous devenez LE sujet de controverse, lorsque c'est VOTRE comportement qui alimente les critiques et qui fait les manchettes à répétition, «when you become the story», comme disent les anglophones, c'est le temps de partir. Il faut partir pour le bien de votre gouvernement, et pour permettre que le débat public porte sur les enjeux politiques au lieu de s'éterniser sur vous.
C'est la question douloureuse que doit se poser le ministre Yves Bolduc. On l'a vu mardi et mercredi encore, les péquistes et les caquistes se sont rués sur son cas, exigeant sa démission ou le remboursement intégral des 215000 $ encaissés pour avoir inscrit 1500 patients lorsqu'il était simple député.
Les partis d'opposition ne pourront pas faire les nouvelles sur cette affaire pendant des mois. Mais les intervenants du milieu de l'Éducation en feront leurs choux gras chaque fois que le gouvernement leur imposera des contraintes budgétaires, et ils ne seront pas les seuls. Sa crédibilité ministérielle est compromise.
Rien ne permet d'affirmer que M. Bolduc ait négligé ses fonctions de député parce qu'il pratiquait la médecine. Et c'est vrai qu'il était assidu aux travaux parlementaires. Mais ce n'est pas ça qui est en cause. C'est le fait qu'il ait touché une telle prime pour inscrire de nouveaux patients qu'il a ensuite abandonnés pour redevenir ministre.
L'émotion avec laquelle Yves Bolduc défend son comportement illustre bien à quel point cette controverse l'atteint. Cette émotion est telle qu'il s'enlise dans de nouvelles controverses, en déclarant par exemple que si tous les médecins du Québec travaillaient autant que lui, il n'y aurait pas de problème d'accès dans les cliniques.
Les collègues de M. Bolduc se sont portés à sa défense. C'est normal dans un contexte partisan. Mais les arguments invoqués et la confiance que lui a réitérée Philippe Couillard n'enlèvent rien au malaise que tout cela a créé au sein de la députation libérale.
M. Bolduc n'est plus l'homme de la situation à la tête d'un ministère aussi important que l'Éducation. Il ne fait aucun doute que le premier ministre l'enverrait dans un poste moins stratégique s'il y avait un remaniement ministériel en vue, mais ce n'est pas le cas. La décision qui s'impose ne peut donc venir que du ministre lui-même.
C'est terriblement pénible, pour un politicien, de s'engager dans une telle réflexion, mais il n'a pas le choix. L'ancien ministre libéral David Whissell a démissionné du cabinet de Jean Charest, en 2009, pour clore la controverse causée par le fait qu'il était copropriétaire d'une entreprise qui avait des contrats du gouvernement. J'avais écrit à l'époque qu'il devait «choisir entre l'asphalte et sa limousine». On ne publie pas ce genre de chronique à la légère, surtout à l'endroit de politiciens au demeurant fort sympathiques. Yves Bolduc se retrouve aujourd'hui dans une situation similaire à celle de M. Whissell. Ce sera moins humiliant s'il prend lui-même la décision qui s'impose, au lieu de se faire dire par son chef dans six mois ou un an qu'il doit retourner sur les banquettes arrière.
Et s'il est vrai, comme il le répète constamment, qu'il y a un tel besoin de médecins au Québec, c'est peut-être là qu'il serait le plus utile. Il y a très certainement, parmi les 1500 patients qu'il a inscrits, bien des gens qui aimeraient retrouver leur médecin de famille. Et comme c'est un bourreau de travail, il n'a pas besoin de démissionner et de provoquer des élections complémentaires coûteuses et inutiles pour reprendre sa pratique.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé