Voter selon ses convictions

Élection Québec 2012 - les souverainistes


Ces dernières semaines, certaines personnalités comme Bernard Émond et Jean-François Lisée ont appelé au vote stratégique. Or, c’est surtout une stratégie à court terme qu’elles préconisent, déterminée par un sentiment d’urgence qu’elles contribuent grandement à alimenter, au diapason du PLC et du PQ.
Dans leur perspective, le salut national se jouerait aux élections du 4 septembre. Par conséquent, nous serions obligés, en conscience, de tout faire pour éviter le scénario catastrophe dont ils brossent allègrement les contours. Leur raisonnement tient la route, mais il est douteux qu’ils aient raison sur la portée du prochain scrutin.
Certes, la campagne actuelle présente un intérêt certain, et donner sa voix pour l’un ou l’autre des partis ne sera pas indifférent. Cependant, j’ai peine à croire que nous sommes à la croisée des chemins et qu’il faudrait à tout prix sacrifier notre appui au parti de nos convictions au profit du parti du moindre mal.
Si vraiment l’élection du PQ signifiait « souveraineté », celle du PLQ « unique salut économique » ou « perdition », celle de la CAQ « changement radical et fin absolue de la corruption », je me sentirais peut-être autorisé à voter dans la seule perspective du prochain mandat. Mais ces slogans simplistes n’ont rien à voir avec la situation réelle.
Le véritable enjeu me semble ailleurs. On pouvait être « carré rouge » ou pas, mais il me paraît indéniable qu’il y aura, dans la vie politique québécoise, un « avant » et un « après » la crise étudiante. Une portion substantielle de la population a saisi le kaïros, c’est-à-dire le « moment propice », pour témoigner de leur espoir que la mécanique politique pouvait tourner autrement. Les défenseurs de notre démocratie parlementaire ont incité les manifestants à s’exprimer aux urnes plutôt que dans la rue. Fort bien. Mais maintenant, il reste à prouver que le passage aux urnes peut vraiment servir de matrice à une démocratie vivante.
Avant même de parler de scrutin proportionnel ou de toute autre modification au système actuel - il faudrait toutefois en arriver là -, la meilleure façon d’honorer ce qu’il y avait de plus noble dans le mouvement de contestation de ce printemps n’est pas tellement de « chasser les libéraux » ou de remporter la bataille des droits de scolarité, bien que cela puisse avoir son importance ; la meilleure façon de l’honorer, pour l’instant, est tout simplement de voter conformément à ses convictions.

Genèse de changement
Les appuis donnés aux tiers partis ne sont pas perdus : ils donnent de la légitimité à des partis ayant le potentiel de devenir des canaux démocratiquement acceptables d’opposition, de résistance. Ils peuvent contribuer à donner de l’élan à une future vague qui, elle, changera peut-être la vie politique québécoise en profondeur. Ces appuis sont peut-être la genèse d’un kaïros à venir.
Bref, puisqu’il n’y a pas péril en la demeure, adopter une stratégie à court terme (mettre entre parenthèses ses convictions pour un moindre mal), c’est plus ou moins entretenir le statu quo dans la manière d’exercer sa voix en démocratie. C’est faire le jeu des « grands » partis se diabolisant les uns les autres, par-delà tout souci du bien commun.
Mieux vaut voter pour le parti de nos convictions, celui pour lequel il n’est pas exclu qu’on s’engage d’une façon ou d’une autre, car ce n’est qu’ainsi qu’on risque de purifier notre manière de faire démocratie. Ne pas céder à la peur des épouvantails, des apocalypses annoncées, c’est aussi faire preuve de stratégie, mais de stratégie à long terme.
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Jonathan Guilbault - Séminariste au Grand Séminaire de Montréal


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