Voter Bloc ou NPD ?

Quelques réflexions additionnelles

Élection fédérale 2008 - le BQ en campagne



Le débat semble bien lancé au sein des forces de gauche, au Québec, sur ce que devrait être la meilleure approche en prévision du vote du 14 octobre. Bernard Rioux, de même Pascale Rioux Oliver et Caroline Béliveau, ont tous écrit sur le site Internet de Presse-toi à gauche ! et défendent grosso modo la même position : voter pour le Bloc Québécois serait une grosse erreur tandis que le fait de voter NPD aurait, tout au contraire, une valeur très différente.
Voir en ligne : www.pcq.qc.ca
Quasi intrinsèque. La grosse illustration apparaissant dans le haut de la page d’accueil du site de Presse-toi à gauche !, laquelle est aussi titrée avec les mots "Conservateurs - Bloc Québécois - cul de sac", semble vouloir indiquer, sur ce site, une ligne éditoriale similaire.
Je dois dire que l’argumentaire sous-jacent à ce genre de point de vue fait plutôt défaut. Commençons avec ce que dit Bernard Rioux. Selon lui, le seul intérêt de voter pour le Bloc serait d’empêcher la venue d’un gouvernement majoritaire conservateur et, dans le meilleur des cas, de forcer le retour des Libéraux. Pas fort de dire Bernard Rioux. Je concède à ce dernier qu’une bonne partie du discours du Bloc tourne autour de ce message. Sauf qu’il y a bien d’autres raisons de voter pour le Bloc.
L’une de ces raisons (et non la moindre), c’est que c’est dans bien des cas la seule manière d’éviter que non seulement les Conservateurs, mais aussi les Libéraux, se retrouvent ensemble avec encore plus de députés (et de pourcentage de voix) qu’avant au Québec. Vous me direz : et puis, qu’est ce que cela changera ? Cela changera beaucoup de choses, car si ces deux partis réussissent effectivement (que ce soit l’un des deux ou même les deux) à se renforcer au Québec, alors ils pourront beaucoup plus facilement prétendre représenter une partie substantielle du Québec. Cela sera également interprété, qu’on le veuille ou non, comme signe du fait que les idées plus à gauche seraient bel et bien en recul au Québec et qu’il en va également de même pour l’idée de la souveraineté du Québec.
Nous ne voulons pas cela. J’en suis sûr. Aussi, faut-il que nos gestes s’ajustent avec notre parole.
Dans le fond, la question n’est pas vraiment de savoir si nous pourrons ou non bloquer l’arrivée d’un gouvernement majoritaire, ni non plus d’essayer de jouer sur les contradictions entre les libéraux et les conservateurs car nous n’aurons de toute manière pas le dernier mot à ce sujet-là. Ce dernier mot, c’est le Canada anglais qui l’aura. Ce qu’on peut par contre faire, c’est de s’assurer le plus possible, ici au Québec, que nous n’aurons rien à voir (ou le moins possible) dans une éventuelle victoire des libéraux ou des conservateurs et que, quoiqu’il arrive, le pouvoir central à Ottawa soit le plus faible possible. Qu’ils s’empêtrent dans leurs propres contradictions, cela ne pourra pas nous faire de tort. Au mieux, cela leur fera toujours quelques embûches de plus par rapport à tous leurs plans de partis de droite.
Je tiens en même temps à dire que les efforts des uns et des autres, chez ceux et celles qui ont écrit sur le site de Presse-toi à gauche ! pour essayer de démontrer que le NPD et/ou le Bloc serait foncièrement et/ou intrinsèquement mieux que l’autre, ne tiennent pas vraiment la route. C’est une des caractéristiques de tous les textes publiés par les auteurs mentionnés plus haut. Aussi bien le Bloc que le NPD sont en fait d’obédience social-démocrate ; ils sont parfois un peu plus radicaux, mais souvent (en fait le plus souvent) pas mal plus modérés (y compris par rapport à ce qu’ils pouvaient tous deux faire ou dire avant). La seule véritable différence d’importance réside dans le fait qu’il y en a un (le NPD) qui se dit toujours contre l’indépendance du Québec, tandis que l’autre se dit pour, mais a plutôt tendance à rester à la remorque derrière le PQ (ce qui est un autre problème). Tout compte fait, je vois mal comment des souverainistes pourraient continuer à prétendre que le NPD serait pas mal mieux.
De manière générale, le Bloc est pas mal plus fort que le NPD et il a aussi, de manière notable, beaucoup plus d’appuis au sein des syndicats et des groupes populaires que le NPD peut en avoir.
Cela n’enlève rien au fait qu’il y aurait, dans certaines circonscriptions, des avantages à plus voter NPD que Bloc. C’est notamment le cas dans Outremont. Mais pour le reste ...
Autre chose : le fait qu’il y aurait des gens plus à droite dans le Bloc ne peut être un argument en tant que tel pour essayer de discarter un éventuel appui à certaines candidatures associées à ce parti, puisque la même chose prévaut aussi du côté du NPD. Dans les deux partis, il y a aussi des gens très à gauche.
Au finish, il me semble qu’une position telle que celle adoptée par le PCQ, appelant à bloquer autant les libéraux que les conservateurs, et à voter soit pour le Bloc soit pour le NPD, dépendamment de la situation dans chaque circonscription, m’apparaît beaucoup plus efficace et plus respectueuse de la situation réelle.
Un dernier mot, concernant le texte soumis sur Presse-toi à gauche ! par Caroline Béliveau. Elle-même dit à la fin : "Moi, je voterais NPD, au risque de laisser Trudeau l’emporter dans mon comté". Il faut croire qu’elle habite donc dans la circonscription de Papineau où les deux principaux concurrents (et qui sont en même temps les seuls vraiment susceptibles de se faire élire) sont Justin Trudeau, pour les libéraux, et Viviane Barbot, du côté du Bloc (c’est en même temps la députée sortante). Je crois pour ma part qu’il n’y a pas vraiment de quoi se glorifier que de dire pareille chose (à savoir qu’on serait même prêt à faire passer un libéral comme Justin Trudeau, plutôt que de voter pour le Bloc). Cette logique me fait un peu beaucoup penser à certaines erreurs des années 70... J’ai vécu cette période ; j’ai aussi vécu ce à quoi cela nous a amené et cela n’est vraiment plus mon genre de soupe aujourd’hui.
Le texte de Caroline Béliveau est probablement beaucoup plus cru que d’autres ; il a en même temps la qualité de montrer sans doute plus clairement les problèmes que sous-entendent de telles analyses.
J’aimerais suggérer, à ce stade ci, et en toute humilité, qu’il y aurait peut- être intérêt à apporter certaines nuances par rapport à ce genre de discours.

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André Parizeau39 articles

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Chef du Parti communiste du Québec (PCQ), membre fondateur de Québec solidaire, membre du Bloc québécois, et membre de la Société Saint-Jean Baptiste de Montréal (SSJBM)





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