Jusqu'à la fin septembre, nous publions une série de rendez-vous avec les candidats à la chefferie du Parti québécois. Les tables éditoriales, dont l’ordre a été déterminé au sort, se succéderont ainsi chaque samedi jusqu’au 24 septembre. Aujourd'hui: Martine Ouellet.
Alexandre Cloutier et Jean-François Lisée instillent les peurs, alimentées par des fédéralistes quant au référendum et à l’indépendance au sein même du Parti québécois, accuse la candidate à la direction du Parti québécois, Martine Ouellet.
S’opposant à « l’attentisme, le défaitisme » de ses deux adversaires, Martine Ouellet estime qu’ils ont intériorisé l’argumentaire fédéraliste. « Le discours de peur, qui est réalisé indirectement par Alexandre Cloutier et directement par Jean-François Lisée, à l’intérieur des propres rangs du Parti québécois » la sidère, a-t-elle livré dans une entrevue éditoriale accordée au Devoir. « Ils ramènent les arguments fédéralistes à l’intérieur du PQ, c’est incroyable. »
Martine Ouellet a pris l’engagement, si elle est élue chef du PQ et si elle remporte les élections de 2018, de tenir un référendum dans un premier mandat. Si le PQ obtient une majorité de sièges, « peu importe le niveau de votes, on va avoir le mandat de réaliser l’indépendance », a-t-elle avancé.
Jean-François Lisée promet au contraire de ne pas tenir de référendum dans un premier mandat, ni d’amorcer une démarche gouvernementale vers l’indépendance, ni d’engager des fonds publics pour la promouvoir. Avec « une stratégie où on tasse l’indépendance, vous ne convainquez pas les fédéralistes et vous perdez votre monde. Moi, j’appelle ça perdant-perdant », juge la candidate. Et puis, le Parti libéral de Philippe Couillard va de toute façon faire porter l’élection sur le référendum et l’indépendance. « La peur, ils vont continuer à l’agiter », a-t-elle prédit.
Rassembler les indépendantistes
Alexandre Cloutier révélera s’il tiendra ou non un référendum dans un premier mandat de son gouvernement que six mois avant les prochaines élections. « C’est le candidat de l’ambiguïté », estime Martine Ouellet. Il a dit ne pas vouloir demander un « chèque en blanc » à la population du Québec, mais il en demande un aux membres du PQ. « C’est assez surprenant », a-t-elle fait remarquer.
« Si on tasse l’indépendance, c’est la stratégie d’échec de 2014 qu’on va répéter en 2018 en pire, estime-t-elle. On a déjà perdu d’aplomb en 2014, et si on veut rassembler l’ensemble des indépendantistes — il y a 40 % d’indépendantistes au Québec —, il faut que l’indépendance soit à l’ordre du jour. »
Alexandre Cloutier jouit de l’appui d’une majorité de députés au caucus et de celui de l’establishment. Selon Martine Ouellet, les membres du PQ sont « tannés » de la mainmise de l’establishment sur le parti. « Le caucus et l’establishment sont déconnectés du terrain, estime-t-elle. Le Parti québécois adeux bases solides : l’indépendance et la social-démocratie. Le caucus et l’establishment se sont éloignés de ces deux bases dans les dernières années. »
De son côté, Martine Ouellet n’a aucun appui parmi ses collègues députés. « Je trouve ça triste, a-t-elle dit. Le pouvoir qu’ils ne veulent pas perdre, bien, ils l’ont perdu en 2014. »
Ce que veulent les péquistes, c’est l’indépendance, a-t-elle résumé. « Je vous le dis, sur le terrain, j’ai une avance. C’est très clair », a-t-elle affirmé. Les sondages qui ne la favorisent guère ne semblent pas entamer son assurance.
« Nous, ce qu’on sent sur le terrain, c’est que la course d’Alexandre, elle ne lève pas », a soutenu Martine Ouellet. L’establishment a un effet d’« éteignoir » sur le candidat. « L’establishment éteint l’audace, a-t-elle fait observer. La jeunesse d’Alexandre a vieilli bien vite. »
« S’il pensait que la campagne commençait juste maintenant et qu’il s’est permis de ne rien faire pendant tout l’été en pensant que la couronne allait arriver toute seule, bien, je pense que ce n’est pas ça, le Parti québécois », a-t-elle dit.
Convergence
Et à ceux qui voient dans Alexandre Cloutier, avec sa jeunesse et sa belle gueule, une réplique québécoise de Justin Trudeau, Martine Ouellet répond que les stratégies d’image et les effets de mode, propres aux partis qui se proposent « de gérer le statu quo », ne marchent pas au PQ. « Les stratégies d’image, c’est une chose. Mais le Parti québécois, ce n’est pas ça. On ne s’en va pas là pour gérer juste une province et faire de la gouvernanceprovincialiste. »
Maintenant que Véronique Hivon a abandonné la course, Martine Ouellet se dit la seule capable de faire progresser la convergence des partis souverainistes. « Je suis la seule à pouvoir prendre le legs de Véronique sur la convergence. Québec solidaire et Option nationale l’ont dit : la seule façon que la convergence peut se réaliser pour 2018, c’est que l’indépendance soit un engagement dans le prochain mandat. »Sinon, ON va se considérer le seul parti véritablement indépendantiste et QS va continuer à tenter d’attirer l’électorat péquiste, son terrain de prédilection, craint-elle. Avec une stratégie où l’indépendance n’est pas à l’avant-plan, « ça va être la fragmentation du PQ qui va se poursuivre ».
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CHEFFERIE DU PQ › LES GRANDES ENTREVUES DU «DEVOIR»
Vaincre la peur par la raison
Martine Ouellet accuse Cloutier et Lisée de ramener les arguments fédéralistes à l’intérieur du PQ
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