Une révolte injustifiée

Conflit étudiant - grève illimitée - printemps 2012




Il y a deux semaines, des étudiants ont occupé le pont Jacques-Cartier. Ce mercredi, des étudiants ont pris d'assaut les bureaux de Loto-Québec. Ces manoeuvres nous offrent des images de chaos urbain impliquant des foules estudiantines confrontées aux forces policières. De telles images servent la cause des militants qui croient qu'une certaine tourmente sociale doit se manifester afin que le public réalise la gravité des enjeux. Cette croyance est-elle bien fondée?
Lorsqu'un gouvernement tyrannise son peuple et impose des contraintes telles que toute réforme pacifique paraît impossible, une révolte populaire incluant une certaine violence est légitime. Un outrage inconditionnel devant la révolte ne sert qu'à blinder la défense du pouvoir établi; un véritable sens de la justice ne s'opposera à la révolte que dans la mesure où sa nécessité n'est pas démontrée. Il importe donc de distinguer une révolte justifiée d'une révolte injustifiée; il importe de distinguer les actes illégaux visant à établir un ordre plus juste et les actes illégaux visant à subjuguer l'ordre public.
On ne peut pas prétendre que le gouvernement Charest est sourd à la volonté populaire sur la question des droits de scolarité puisque l'opinion de la population québécoise est mitigée. Le dernier sondage révèle que 53% des Québécois sont opposés à la hausse alors que 41% l'appuient; si on remonte en novembre dernier, on constate que 60% des Québécois l'appuyaient alors que 36% s'y opposaient. Par-delà ces variations, la position du gouvernement concorde avec celle d'une frange de la population qui correspond sensiblement à son électorat. Cette position est clairement contestée, mais elle n'est certainement pas antidémocratique.
Dans la mesure où la volonté populaire n'est pas consensuelle, la paix démocratique implique que le gouvernement actuel ait le pouvoir de prendre des décisions controversées. Si la révolte devient un moyen politique acceptable alors que le débat public est possible et que l'alternance gouvernementale est réelle, on renonce aux fondements de la démocratie représentative.
Si l'ensemble des groupes d'intérêts s'adonnait à la révolte lorsque le gouvernement refuse de répondre à leurs revendications, l'ordre public tel que nous le connaissons s'effondrerait avec la sécurité et la prospérité qu'il rend possibles.
On peut être outré par les injustices de notre système, on peut déplorer l'écart entre les principes et les réalités de la démocratie, mais il faut adopter la plus grande prudence face à la révolte. Les résultats des débats et des élections peuvent être frustrants, mais le chaos et la violence peuvent être désastreux. La cause des étudiants est admirable, mais leurs élans s'enfoncent dans une logique antidémocratique. Si les révoltes étudiantes réussissent à légitimer l'illégalité et le désordre à titre de moyens politiques, elles auront causé plus de mal que de bien.
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Sylvain Aubé
L'auteur est un avocat de Québec.


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