Bernard Landry, Chef de l'opposition officielle
Le Devoir et La Presse samedi 26 février 2005
La réforme du règlement de l’Assemblée nationale proposée récemment par son président préconise soit l’interdiction pure et simple du blâme à un citoyen soit l’imposition lors de son usage éventuel d’une série de précautions qui amélioreraient grandement la procédure actuelle. Cette modernisation est fortement appuyée par l’ensemble des députés de l’opposition officielle qui favorisent sa mise en place le plus tôt possible. En effet, nos règlements ont permis de condamner à la hâte des citoyens ou de dénoncer leurs propos, sans avoir entendu leur version et pour des motifs souvent assez vaguement formulés. Ces règles sont présentement sous examen judiciaire en appel et ont fait déjà l’objet d’un jugement de première instance. C’est bien évidemment aux tribunaux de les évaluer dans leur état actuel et quant à leur application passée en terme de droit. La position des députés ne vise donc aucune évaluation juridique bien qu’elle soit évidemment en rapport avec ce qui aura été, souhaitons le, la dernière application des règles actuelles survenue le 14 décembre 2000. En effet, si les modifications envisagées avaient été en vigueur, «l’affaire Michaud», ne serait jamais arrivée.
À cette occasion, presque tous les parlementaires ont appuyé une motion sans préavis présentée par Laurence Bergman et André Boulerice dénonçant «sans nuance, de façon claire et unanime» des propos reprochés à Yves Michaud. La chose s’est faite de façon expéditive comme dans tous les cas analogues.
Un geste qui n'était pas exemplaire
Avec la réforme proposée, cette motion aurait été soit irrecevable soit soumise au débat uniquement après audition de la personne visée et le temps de réflexion requis, ce qui aurait changé radicalement les conditions du choix dans lesquelles se sont retrouvés les députés.
Ce jour-là, les circonstances ont desservi tout le monde puisque c’est en toute bonne foi, et en voulant justement prendre ses distances par rapport à une forme d’intolérance présumée que l’Assemblée elle-même a posé un geste qui n’était pas exemplaire au chapitre du respect d’autrui.
Les propositions de changement mises de l’avant, se trouvent maintenant à consacrer et confirmer après le fait, de par leur contenu même, qu’Yves Michaud n’a pas été traité comme il aurait dû l’être. En effet, en instaurant une réforme qui propose une façon de faire améliorée, on reconnaît de ce fait même que l’ancienne n’était pas adéquate.
Il est clair que les propos d’Yves Michaud visés par la motion ne violaient aucune loi et il ne fut d’ailleurs jamais condamné ni même poursuivi, mais sa notoriété et ses états de service publics exemplaires font que le geste de l’Assemblée nationale a un impact considérable. Journaliste, député libéral puis indépendant, conseiller et ami aussi bien de Robert Bourassa que de René Lévesque, Yves Michaud fut aussi un des grands diplomates du Québec. Il occupa honorablement d’autres fonctions dans différents secteurs d’activités publics et privés dont celui de la défense des petits épargnants. Il a son franc parlé mais rien dans sa vie ne l’associe à des doctrines méprisables, bien au contraire. D’ailleurs les mérites d’Yves Michaud furent récemment reconnus par une instance neutre et au dessus de tout soupçon : le Conseil de l’Ordre national du Québec qui lui a décerné le grade de Chevalier. Michaud a refusé cet honneur. Il devrait peut-être se raviser. Ce serait une belle manière de mettre un terme à cette regrettable affaire dans l’honneur et la dignité.
Bernard Landry
26 FÉVRIER 2005
Dans la foulée de l'affaire Michaud
Une réforme nécessaire et attendue
Affaire Michaud 2000-2011
Bernard Landry116 articles
Ancien premier ministre du Québec, professeur à l'UQAM et professeur associé à l'École polytechnique
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