Le premier ministre, François Legault, a fait mention dernièrement qu’il n’exclurait pas de rouvrir la Charte de la langue française. Nous ne pouvons que saluer cette ouverture. Cela dit, il est impératif que cet exercice s’inscrive dans une logique de renforcement de la loi 101, ce qu’on ne peut tenir pour acquis à l’heure actuelle. Les bonnes intentions du gouvernement ne suffiront pas. Il faut plus que des changements cosmétiques. Ainsi, une ouverture de la loi 101 doit permettre de faire progresser le français comme seule langue commune et officielle dans le milieu du travail, de l’éducation, de l’administration et du commerce. Pour cela, la solution réside aussi, en très grande partie, dans la consolidation des meilleurs outils dont nous disposons : les organismes de la loi 101. Pourquoi ne pas miser sur ces derniers, moyennant quelques ajustements ?
Ces organismes, l’Office québécois de la langue française (OQLF) et le Conseil supérieur de la langue française (CSLF), ont un rôle prépondérant à jouer dans le dossier linguistique : garantir notre droit de vivre en français. Avant tout, il faut accroître les moyens qu’on leur attribue, et non les réduire de façon draconienne comme le gouvernement Legault l’a fait récemment. Pour compléter le tableau, un poste de commissaire à la langue française, nommé par l’Assemblée nationale et ayant pour mandat de produire un rapport annuel de l’état du français au Québec sans aucune source d’influence politique, doit être mis sur pied. Nous le proposions dans une précédente lettre en avril dernier. Proposition qui depuis a par ailleurs reçu bon nombre d’appuis.
Au cours des dernières années, les organismes de la Charte ont accusé des difficultés dans l’atteinte de leurs objectifs, entre autres en ce qui concerne les plaintes formulées par les citoyens et quant à la publication d’études attendues par les acteurs du milieu linguistique. La situation exige d’être corrigée. Ces organismes sont des piliers indispensables pour assurer la pérennité de notre langue commune et officielle, encore faut-il qu’ils soient indépendants. Ils doivent aussi disposer autant des pouvoirs que des moyens humains et financiers essentiels pour l’accomplissement de leur mission. C’est pourquoi la présidence de ces organismes doit être nommée par l’Assemblée nationale plutôt que par le gouvernement et en relever directement afin d’assurer la plus grande neutralité dans la réalisation de leur mandat. Nous préconisons que l’OQLF puisse compter sur davantage de ressources humaines et financières pour veiller adéquatement à la francisation des entreprises et au respect de la Charte de la langue française en matière de langue du travail, du commerce et des communications au Québec. La tâche est lourde : l’OQLF doit disposer des moyens nécessaires pour recueillir efficacement les renseignements indispensables en lien avec son mandat, pour vérifier l’exactitude des déclarations qui lui sont transmises par les entreprises et pour accompagner les comités de francisation dans leur démarche. Pour réussir sa mission de conseiller le ministre responsable de l’application de la Charte de la langue française sur toute question relative à la situation linguistique au Québec, le CSLF doit, quant à lui, pouvoir réaliser l’ensemble des études, recherches et observations se rapportant à l’état du français et disposer de tous les moyens qui lui permettront de le faire à sa pleine mesure.
Il ne fait aucun doute que la question de la langue française est chère aux Québécoises et aux Québécois. Introduite par Camille Laurin en 1977, la Charte de la langue française nous a permis de faire du français la langue commune et officielle du Québec. Elle a, depuis, été malmenée entre autres par les tribunaux canadiens, ce qui fait en sorte qu’a posteriori, dans le contexte d’aujourd’hui, elle peine à atteindre ses objectifs initiaux qui sont pourtant fondamentaux pour l’avenir de notre langue. La Charte a donc besoin d’une sérieuse mise à jour.
Signataires: Jacques Létourneau, président de la CSN; Sophie Prégent, présidente de l’UDA; Maxime Laporte, président général de la SSJB; Sonia Éthier, présidente de la CSQ; Christian Daigle, président du SFPQ; Sylvain Mallette, président de la FAE; Etienne-Alexis Boucher, président du MNQ; Pierre Graveline, directeur général de la Fondation Lionel-Groulx; Louis-Philippe Dubois, directeur général du MQF.