Article réservé aux abonnés
Une salle de conférence de 80 places assises pour accueillir étudiants, lycéens et leurs parents : c’est ce qu’avaient prévu les organisateurs de la tournée Destination universités Québec, dimanche 13 octobre, à la Cité universitaire à Paris. C’était mal estimer l’appétence que suscitent, en France, les dix-huit universités québécoises présentes sur ce salon. Une fois les chaises prises d’assaut, les couloirs et les murs ont été occupés jusqu’au dernier centimètre. Dans l’impossibilité de reculer les parois de la salle, nombre de candidats ont été « invités » à revenir « plus tard ». C’est dans le calme que ces jeunes, habitués aux rebuffades, à la compétition, à la sélection du système d’enseignement supérieur français, ont pris sans protester leur mal en patience.
Avec un taux de natalité qui a glissé sous la barre de 1,5 % à la fin du précédent millénaire, la Belle Province se retrouve, sans surprise, vingt ans plus tard, avec des écoles qui se vident, des régions qui menacent de se désertifier. Une option pour revivifier ses territoires est d’ouvrir les vannes d’une immigration choisie. Et en tête de liste des denrées préférées du Québec, figurent les jeunes Français.
Si le Québec est en mal de jeunesse, la France elle, en déborde. Sans surprise, le boom démographique des années 2000 a des conséquences : dix-huit ans plus tard, la population étudiante ne cesse d’augmenter. Entre la rentrée 2011 et celle de 2016, le nombre de nouveaux entrants dans l’enseignement supérieur français est passé de 420 000 à 480 000, soit une hausse de 14 %. Cette forte progression se poursuit : lors de la rentrée 2018-2019, lenombre d’étudiants a atteint 2,7 millions en France, soit « 56 300 » étudiants de plus, précise le ministère de l’enseignement supérieur dans une note d’août 2019. Alors que les universités françaises poussent les murs et que le ministère contorsionne son système d’admission pour faire entrer tout ce monde, le Québec soulagerait bien la France d’une partie de sa jeunesse en garnissant ses classes. Ses universités accueillent de plus en plus d’étudiants internationaux : cette rentrée, ils représentent 15 % des effectifs, selon le Bureau de coopération interuniversitaire du Québec. Leur nombre a augmenté de plus de 8 % en un an.
Croisé jeudi 3 octobre à Paris, à l’entrée du Mois du Québec, un événement installé au sein du salon Paris pour l’emploi, qui vise mettre en relation des candidats français avec des entreprises ou des écoles canadiennes, Omar Bsila a un regard triste qui balaie le sol. A 28 ans, diplômé d’architecture en Tunisie et d’un master de design de l’université de Lorraine, le jeune homme est un habitué des petits boulots alimentaires et de la précarité. « Il est difficile de trouver un travail dans mon métier », regrette-t-il. Une heure plus tard, il est tout sourire… et sous le choc : au Québec, « ils embauchent ». Les files s’allongent devant les recruteurs québécois qui affichent une liste de cent métiers pour lesquels ils ont des besoins. L’une d’elles se termine par ces mots : « Et bien plus encore ! »