Une mauvaise idée

Crise politique canadian


Le ministre canadien des Finances, Jim Flaherty, songe à des baisses d'impôts dans son budget du 28 janvier prochain pour relancer la demande et contrer la récession. Il est sans doute influencé par le vaste plan de relance sur lequel planche l'équipe Obama aux États-Unis, qui comprend de spectaculaires réductions d'impôts de plus 300 milliards.
S'il y a des domaines où le Canada ferait bien de s'inspirer des projets du président élu des États-Unis, notamment en environnement, ce serait une bien mauvaise idée de le suivre sur la voie des baisses d'impôts. La récession canadienne est beaucoup moins profonde et n'exige donc pas des stimuli aussi massifs. Mais surtout, elle n'est pas de même nature. Les baisses d'impôts, qui seront peut-être utiles au sud de la frontière, risquent fort d'être inefficaces au Canada.
La récession américaine tient en très grande partie à un effondrement de la demande des consommateurs. Les consommateurs ne peuvent plus consommer à crédit comme ils l'ont fait pendant des années et ils ont moins d'argent qu'avant.
Depuis le début officiel de la récession, en décembre 2007, le nombre de chômeurs a augmenté de 2,7 millions. Bien des gens ont en outre perdu leur maison. Et comme les prix immobiliers ont chuté de 26% depuis leur sommet du début de 2007, l'ensemble des propriétaires ont été frappés par un affaissement des valeurs foncières. Ils se sont appauvris. Le revenu personnel disponible a d'ailleurs baissé entre le second et le troisième trimestre de 2008.
Comme les gens se sont appauvris ou, à tout le moins, sont moins à l'aise qu'avant, l'idée de leur retourner de l'argent par le biais de baisses d'impôts pour soutenir leur consommation et accélérer la reprise tient bien la route.
Mais au Canada, ce n'est pas du tout ce qui se passe. D'abord, la récession n'a pas été provoquée par une baisse de la demande domestique, mais plutôt par une baisse de nos exportations. La consommation ne s'est pas effondrée, comme on l'a vu dans le temps des Fêtes. On note cependant des baisses, comme dans l'automobile, et une tendance au plafonnement.
Mais si les gens consomment moins, ce n'est pas parce qu'ils sont plus pauvres, ou que leur situation financière s'est détériorée. Pendant que le chômage grimpait aux États-Unis, le Canada a créé 133 000 emplois, depuis décembre 2007. Le revenu personnel disponible a augmenté de 6,3% en un an. Les gens n'ont pas non plus eu à subir un dégonflement d'une bulle immobilière.
Ce qui ralentit la consommation, c'est que les gens sont inquiets, comme le montre la chute importante de l'indice de confiance des consommateurs du Conference Board. Cette crainte pour l'avenir les pousse à faire preuve de prudence et à freiner leur consommation.
Dans un tel contexte, si on remet de l'argent aux consommateurs par le truchement de baisses d'impôts, est-ce que ça va restaurer leur confiance? Rien n'est moins sur. Est-ce que ça va les convaincre de consommer? Pas nécessairement, parce que ce n'est pas le manque d'argent qui les arrête. Le risque est grand, au contraire, que bien des gens se servent de cet argent pour épargner ou pour réduire leur dette, ce qui serait sans doute une bonne chose pour eux, mais ce qui n'aiderait absolument pas le Canada à se sortir le plus rapidement possible de la récession.
Il faut donc trouver autre chose. Il y a de meilleures façons de stimuler la demande. Comme les travaux d'infrastructure ou les dépenses publiques. Et si on veut stimuler la demande des consommateurs, il faut les cibler soigneusement, pour être certains qu'ils ont besoin de cet argent et qu'ils le dépenseront rapidement. Des baisses d'impôts devraient aller en priorité aux familles à revenus plus faibles, qui n'ont pas le luxe d'épargner. Ou encore à ceux qui seront les plus touchés par la récession, par exemple en éliminant la période d'attente avant qu'un chômeur puisse toucher ses prestations.
À la décharge de M. Flaherty, celui-ci s'est montré prudent dans ses déclarations lors de son passage à Montréal. Il s'est borné à dire que les baisses d'impôts sont une des avenues dont dispose son gouvernement. Et comme il est en tournée de consultation prébudgétaire, espérons qu'il entendra le message. Des baisses d'impôts, attrayantes au plan politique, seront inutiles et inefficaces si elles ne sont pas ciblées avec le plus grand soin.


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