Ces trois dernières semaines, j'ai suivi le débat entourant la décision du gouvernement Harper de remplacer le questionnaire long du recensement à participation obligatoire par l'«Enquête nationale auprès de ménages» (ENM) qui sera un peu moins étendue et à participation volontaire.
J'ai été frappé par l'absence quasi-totale, dans le plan de communication du gouvernement, de messages à la population sur l'importance des données du recensement venant non seulement de l'ENM, mais aussi du questionnaire court. Le gouvernement, notamment par le biais des propos des ministres Tony Clement et John Baird, m'a donné vraiment l'impression que dans l'ensemble les questions des longs formulaires (la version précédente et la nouvelle version) étaient intrusives et même inutiles et qu'une version abrégée du questionnaire court serait peut-être suffisante. Le statisticien en chef de Statistique Canada, Munir Sheikh, s'est tenu loin des médias; son institution s'est abstenue de publier des études sur les implications de ces changements et elle s'est contentée de mettre sur son site Internet le commentaire très drabe suivant:
«Les données recueillies au moyen de l'ENM serviront aux programmes gouvernementaux orientés vers les groupes cibles. Les données de l'ENM serviront aussi à la planification et réalisation des programmes des gouvernements provinciaux et territoriaux, et des administrations municipales.
Nous comptons que les Canadiens qui recevront cette enquête reconnaîtront l'importance de ces renseignements et répondront au questionnaire de l'enquête.»
Une chose est sûre: les Canadiens ne pourront compter sur les ministres Clement et Baird pour en apprendre sur l'importance de ces données.
Un des objectifs de la stratégie de communication du gouvernement n'a pas été de rassurer les Canadiens en les informant du dossier sans faille de Statistique Canada au chapitre de la confidentialité de l'information et de la non-utilisation à d'autres fins des données de chaque citoyen, par le gouvernement et le secteur privé. Plusieurs citoyens ne savent pas que seules des données agrégées sont disponibles aux chercheurs. Au lieu de chercher à réduire chez certains Canadiens leurs appréhensions relatives à l'aspect intrusif des questions du recensement, la stratégie de communication a amplifié cette perception pour justifier la décision du gouvernement.
Si un grand nombre de citoyens pensent que ces informations ne sont aucunement une source d'efficacité pour nos administrations publiques et pour nos entreprises, pourquoi remplieraient-ils ce formulaire sur une base volontaire, même s'ils n'étaient aucunement préoccupés par l'aspect intrusif des questions? La stratégie de communication a évité le plus possible de promouvoir l'utilité des informations recueillies.
Le gouvernement a donc fait la promotion auprès des Canadiens de raisons pour qu'ils ne remplissent pas le nouveau questionnaire long sur une base volontaire. En se basant sur les propos des ministres conservateurs, les Canadiens conclueront que le gouvernement a pris une bonne décision. Devant un faible taux de participation, Ottawa pourrait même conclure, après le prochain recensement, que les Canadiens ne veulent pas du questionnaire long et qu'il faut l'abandonner complètement.
Le gouvernement a jeté le bébé avec l'eau du bain. Si cette stratégie peut être profitable à court terme sur le plan électoral, elle peut être très coûteuse à long terme. Les données socioéconomiques recueillies auprès des citoyens sont importantes pour la gestion du pays et leur cueillette nécessite la collaboration de ceux-ci. Miner cette coopération peut donc être très coûteux.
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Jean-Pierre Aubry
Économiste, l'auteur est fellow invité au CIRANO.
Une décision coûteuse
Recensement 2011
Jean-Pierre Aubry28 articles
Économiste avec plus de 35 ans d’expérience dont 30 ans à la Banque du Canada. Membre du Comité des politiques publiques de l’Association des économistes québécois Fellow associé du CIRANO
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