Une autre maison patrimoniale sera démolie

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Détruire le patrimoine, c'est détruire une partie de la nation

La Ville de Québec autorise la démolition de la patrimoniale maison Jobin-Bédard qui aurait été construite entre 1770 et 1826. Un promoteur entend ériger des maisons jumelées en lieu et place. La Société d’histoire de Charlesbourg demande plutôt à la ministre de la Culture de freiner la marche des développeurs.


«Interloqué», «abasourdi». Jeudi soir, en discutant avec Le Soleil, le président de la Société d’histoire de Charlesbourg, Marc-André Bluteau, semblait choqué. Il venait de recevoir la confirmation que la mairie accepte la disparition de la demeure du 1216, rue du Maine.


Puis, pendant que nous discutions, le ministère de la Culture a répondu à nos questions par courriel. Nous avons lu à M. Bluteau, au téléphone, la position étatique quant à sa requête de sauvetage…


Cette résidence ancestrale ne jouit pas d’un «statut» de protection en vertu de la loi, note Émilie Mercier, conseillère en communication. Ce qui ne signifie pas que le gouvernement a entériné sa destruction. «Le Ministère a été informé de l’émission du permis de démolition uniquement après que la Ville de Québec l’ait autorisé.»


Le dossier n’est cependant pas clos : «Le Ministère évalue présentement le dossier et les suites qu’il entend donner à la demande de classement de la Société d’histoire de Charlesbourg.»


Mme Mercier souligne au passage que les municipalités ont des pouvoirs similaires à ceux du ministère de la Culture pour mettre à l’abri les biens patrimoniaux. Et que la Ville elle-même juge que «la maison possède une valeur patrimoniale supérieure qui repose surtout sur son ancienneté, son architecture et son authenticité». 


Pour Marc-André Bluteau, cette réponse est une bouffée d’espoir. «Le bâtiment présente un intérêt patrimonial sûr», selon lui. «On ne voit pas que le bâtiment est délabré.»


Pourrie


La Ville de Québec n’est pas du même avis. «Les experts ont statué sur le fait que le bâtiment n’était plus sain et viable, et que, vu son état de dégradation avancé, il devrait être démoli», explique David O’Brien, porte-parole. 


Mi-juillet, à la demande du nouveau propriétaire, la Commission d’urbanisme et de conservation de Québec (CUCQ) s’est penchée sur la viabilité de la maison Jobin-Bédard. «Les experts qui ont évalué le bâtiment ont noté plusieurs problèmes graves : stabilité de la fondation, qui devrait être démolie et refaite aux normes d’aujourd’hui; charpentes en bois complètement pourries (plancher et toiture) et à refaire; présence de champignons et de moisissures dangereuses pour la santé, infiltrations d’eau importantes dans le vide sanitaire et dans les murs, etc. Toute la finition intérieure du bâtiment doit être retirée pour être entièrement refaite.»


«La CUCQ a ainsi considéré qu’il était déraisonnable d’obliger le propriétaire à faire une restauration qui aurait été très coûteuse (estimation des travaux à plus du double de la valeur de la maison) et a accepté d’émettre un permis de démolition [le 4 octobre].»




David O’Brien convient que la maison Jobin-Bédard a été inscrite au «répertoire des bâtiments d’intérêt supérieur en décembre 2018» justement pour la préserver en la mettant «sous la juridiction de la CUCQ».


Cette protection avait toutefois été octroyée à la suite d’une évaluation basée «seulement [sur] les éléments extérieurs ou visibles du bâtiment. Le consultant [n’avait] pas le mandat de valider l’état structural du bâtiment ni des autres composantes intérieures du bâtiment».


De nouvelles informations transmises à la Commission d’urbanisme durant l’été quant à l’état de la maison auraient donc fait pencher la balance en faveur du nouveau possesseur.