La victoire de Jason Kenney et du Parti conservateur albertain n’était pas vraiment une surprise. Dans cette province profondément conservatrice, le passage du NPD au pouvoir avait tout de la parenthèse politique.
Retour à la normale, donc.
Péréquation
Certains croient repérer un réalignement politique à la grandeur de la fédération. Après la victoire de Doug Ford en Ontario et de François Legault au Québec, on pourrait croire qu’un vent de droite souffle sur la fédération. Ces leaders ne sont pas toutefois interchangeables.
À Ottawa, Justin Trudeau s’inquiète. Lui qui se voyait comme le leader inspirant du progressisme occidental semble plus faible que jamais. On est en droit de craindre qu’il se replie sur une stratégie anti-Québec pour survivre politiquement, en se présentant comme le défenseur des minorités contre la majorité francophone, assimilée à une tribu intolérante et répressive. On devine la campagne à venir : le fils, comme son père, se lancera dans une grande croisade anti-québécoise sous le signe du Quebec Bashing.
Que peut espérer le Québec dans tout cela ?
Longtemps, dans l’histoire du fédéralisme canadien, existait quelque chose comme la possibilité d’une alliance entre le Québec et l’Ouest canadien. Chacun, pour ses raisons, voulait limiter la centralisation des pouvoirs à Ottawa. En gros, les nationalistes québécois et les régionalistes albertains, sans voir le monde de la même manière, voulaient se délivrer, jusqu’à un certain degré, de la tutelle fédérale.
En est-il encore ainsi aujourd’hui ? Probablement pas.
Car on ne devrait pas sous-estimer l’aversion pour le Québec aujourd’hui dans la province pétrolière. Le Québec est considéré comme une province braillarde, dépendante de la péréquation, et finançant son modèle social à même les transferts en provenance des régions les plus riches de la fédération. Le Québec serait surtout une province ingrate incapable de contribuer à la prospérité générale. On lui demande peu de choses : laisser passer un oléoduc. Il refuse de le faire, donc on le déteste.
Cette vision des choses déforme la réalité. En fait, elle est mensongère. Se concentrer exclusivement sur les chiffres de la péréquation pour ensuite présenter le Québec comme une province entretenue relève de la mauvaise foi et de l’inculture historique. Mais les Albertains sont convaincus que cette vision des choses est vraie. Alors ils n’ont pas envie de faire front commun avec le Québec. Au moment de s’adresser aux Québécois, le soir de sa victoire, Jason Kenney n’a pu s’empêcher de le faire avec mépris, comme s’il nous sermonnait du haut d’un derrick.
Legault
Tout cela nous ramène à François Legault l’autonomiste, qui s’imagine pouvoir faire des alliances avec les autres provinces, histoire de faire avancer le Québec. Est-ce que la poussée des conservateurs en Alberta et ailleurs lui permettra de faire avancer son agenda ? Bien franchement, on en doutera.
Car d’une décennie à l’autre, le reste du Canada porte de moins en moins d’intérêt et d’attention aux revendications québécoises. Et c’est aussi vrai en Alberta.