Un pays

Si je résumais la motivation profonde qui m’a amené un jour à m’intéresser à la politique, je la formulerais ainsi, avec une simplicité presque enfantine : je veux un pays.

Le destin québécois


Si je résumais la motivation profonde qui m’a amené un jour à m’intéresser à la politique, je la formulerais ainsi, avec une simplicité presque enfantine : je veux un pays.
J’avais 15 ans au référendum de 1995. J’étais passionnément indépendantiste, et militant. La défaite m’a déçu sans me décourager. J’étais persuadé que nous serions souverains avant l’an 2000.
Manifestement, je me trompais. Le Québec n’est pas à la veille de la souveraineté.
Une question m’obsède : sommes-nous responsables de notre échec? Je crois que oui.
Mon hypothèse : il y avait une faille dans le projet souverainiste.
Avec la Révolution tranquille, la mode était au rejet du passé. Le souverainisme des années 1960 n’a pas fait exception. Il ne s’est pas contenté de faire le procès du Canada anglais mais aussi celui de notre héritage canadien-français, caricaturé sous les traits de la Grande Noirceur.
Conséquence : le souverainisme s’est paradoxalement construit sur le rejet d’une partie de notre identité. Les souverainistes ne se sont pas contentés de vouloir un pays. Ils l’ont souhaité technocratique, libertaire, « de gauche ». Certains l’ont même voulu socialiste! Ils se sont ainsi aliéné bien des gens qu’ils auraient dû rejoindre. Évidemment, le problème aurait été le même s’ils l’avaient voulu « de droite ».
Ainsi, en 1980, la souveraineté rassemblait seulement les classes sociales promues par la Révolution tranquille. Et si, en 1995, Lucien Bouchard n’avait sauvé la campagne du OUI, nous n’aurions jamais frôlé la victoire.
Depuis 1995, cet aveuglement s’est radicalisé. La souveraineté s’est anémiée. Elle ne fait plus peur, elle exaspère ou indiffère. On ne se passionne plus pour ce projet associé au folklore de la génération boomer.
Pourtant, dans le cœur de l’immense majorité des Québécois loge ce sentiment : le Québec est leur pays. Les souverainistes ne doivent pas nous promettre un paradis de gauche ou de droite mais se reconnecter avec ce sentiment conditionnant profondément notre appartenance au Québec. Simplement dit, ce serait bien si ce pays devenait un vrai pays. Un pays ni merveilleux ni médiocre, mais normal, tout simplement.
Parler de la souveraineté n’est plus à la mode? Je sais. Certains parviennent même à faire le deuil de l’indépendance. Ce n’est pas mon cas. Car si nous y renonçons, nous serons entraînés définitivement dans la spirale avilissante de la régression provinciale, gage de médiocrité.
Il n’y aurait rien de beau dans la résignation d’un peuple consentant à avoir manqué son rendez-vous avec l’histoire.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé