Les tensions qui ont suivi l’élection de Mario Beaulieu à la tête du Bloc québécois, loin de s’apaiser, s’avivent. La défection du député Jean-François Fortin, véritable camouflet à l’endroit du nouveau chef, rend encore plus difficile, voire improbable, le retour en force de la formation souverainiste aux Communes.
Le pari fait par les militants bloquistes en choisissant Mario Beaulieu comme leader se résumait à donner préséance désormais à la promotion de la souveraineté. Exit la stratégie du regroupement des souverainistes, nationalistes et progressistes sous le drapeau fleurdelisé. Ce choix, fait dans la foulée de la défaite du Parti québécois le 7 avril, était tout à fait légitime, mais posait le problème de la loyauté des membres de l’aile parlementaire, qui avec la démission de Jean-François Fortin s’affiche au grand jour.
Les déclarations de solidarité faites au lendemain de l’élection du nouveau chef étaient, on peut le voir ainsi maintenant, largement factices. Depuis des années, les députés bloquistes défendaient la stratégie dite de la promotion des intérêts du Québec, qui avait permis au Bloc, jusqu’à l’élection de 2011, de remporter les succès que l’on sait. Ils s’étaient d’ailleurs rangés derrière la candidature du député André Bellavance, qui était celle de la continuité. Leur ralliement à leur nouveau chef s’était fait avec d’autant plus de réticence que celui-ci avait eu des mots malheureux — « le temps de l’attente et du défaitisme est terminé » — sur les stratégies passées du Bloc. Jean-François Fortin était celui qui avait manifesté le plus de résistance.
Cette contestation ouverte de l’autorité du chef est reçue comme un geste de déloyauté par M. Beaulieu envers son autorité de chef et envers le mouvement souverainiste. Si objectivement elle vient torpiller ses efforts, elle lui rappelle par contre que la légitimité, qui lui vient des membres, n’est pas tout. Il a besoin de son groupe de députés qui, même réduit à trois, constitue la face publique du parti. Grâce à la tribune de la Chambre des communes, ce sont eux qui occupent pour l’essentiel l’espace médiatique. N’étant pas un élu, M. Beaulieu doit composer avec cette réalité et donner à ses députés la zone de confort idéologique dont ils ont besoin. Cela sera à l’ordre du jour du « lac-à-l’épaule » qu’ensemble ils auront la semaine prochaine.
Le départ du député Fortin du caucus bloquiste laisse entrevoir le degré de difficulté que représente la prochaine élection pour le Bloc. Aujourd’hui, il n’obtiendrait que 18,4 % des suffrages au Québec, nous disent les sondages, soit cinq points de moins qu’à l’élection de 2011, où il avait fait élire quatre députés. Aujourd’hui, il n’en ferait élire que deux. L’enjeu pour Mario Beaulieu est d’éviter que son parti ne soit rayé de la carte au prochain scrutin. Le député Fortin a pour sa part fait un peu d’arithmétique et conclu qu’avec un discours axé sur la souveraineté, il aurait sans doute plus de chances d’être réélu à titre de candidat indépendant.
Les déboires du Bloc ont pour effet de libérer au Québec un espace que, pour l’heure, libéraux et néodémocrates se partagent à peu près également. Les conservateurs de Stephen Harper viennent toutefois de comprendre à leur tour qu’il y a des gains à faire aux dépens des bloquistes. C’est le sens d’ailleurs de la tournée préélectorale qu’entreprend au Québec le ministre Denis Lebel. Il y a là un aveu de leur part. Eux qui à la dernière élection avaient fait le pari d’obtenir une majorité aux Communes sans le Québec réalisent que, déclassés par les libéraux en Ontario, ils auront besoin de conserver leurs cinq sièges actuels et, si possible, d’augmenter leur nombre. En fait, quel que soit le parti qui remportera la prochaine élection, le poids du Québec sera déterminant.
BLOC QUÉBÉCOIS
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