Un modèle pour les Basques espagnols

Les "petites nations" dans le monde


Québec

VU D'ESPAGNE

David Guadilla

El Correo (Bilbao)
Au Canada, une loi définit les modalités des éventuels futurs référendums sur l'indépendance du Québec. Au Pays basque, certains aimeraient bien s'en inspirer.
En Euskadi [Pays basque espagnol], on observe depuis longtemps attentivement ce qui se passe à plus de 5 200 kilomètres de là, dans la seule province francophone du Canada. Le Québec est perçu comme un exemple de la façon dont il faut aborder un conflit sécessionniste en respectant le cadre légal et selon des modalités pleinement démocratiques. Beaucoup estiment que ce modèle est transposable au Pays basque, qui possède au moins deux caractéristiques communes avec le Québec : une langue particulière et un sentiment nationaliste.
La revendication séparatiste a donné lieu à deux référendums ces trente dernières années au Québec. Ils ont tous deux donné raison aux partisans de l'unité. Mais, en 1995, le résultat a été très serré et, malgré sa déception, le Parti québécois alors au pouvoir dans la province, a vu l'heure de l'indépendance approcher. Le gouvernement fédéral a réagi en devançant les événements. En 1996, il a sollicité l'avis de la Cour suprême pour savoir si, au regard du droit international et de la Constitution canadienne, le Québec pouvait décréter son indépendance de façon unilatérale. Les juges ont statué deux ans plus tard. D'un côté, ont-ils expliqué, le droit international ne reconnaissait en rien le droit à l'autodétermination du Québec ; d'un autre côté, ils ont aussi reconnu que, si une "majorité claire" de citoyens de la Belle Province répondait à une "question claire" sur la sécession, les institutions fédérales seraient alors tenues d'engager des négociations sur l'indépendance. En d'autres termes, la Cour suprême laissait la porte ouverte. Mais, si ces négociations n'aboutissaient pas, les autorités québécoises ne pourraient pas pour autant décréter unilatéralement la rupture. C'est sur cette base que le gouvernement fédéral a élaboré la loi dite "sur la clarté référendaire", adoptée le 29 juin 2000 par le Parlement canadien [en vertu de cette loi, la Chambre des communes devra décider si la question et le résultat du vote référendaire sont clairs avant de négocier]. Les plus critiques à l'égard des indépendantistes estiment que la progression enregistrée par les souverainistes au référendum de 1995 était due à l'ambiguïté de la question posée*. "Ce n'est plus possible désormais. On dit aux séparatistes : 'C'est pour de bon. Si vous voulez l'indépendance, posez la question clairement'", considère Juan José Solozábal, professeur de droit constitutionnel à l'Université autonome de Madrid.
Entre Euskadi et le Québec, il y a certes des points communs, mais aussi, comme le notent tous les spécialistes, des différences substantielles. A commencer par le terrorisme. Le Canada n'a quasiment pas connu d'épisodes de violence nationaliste. En Espagne, l'organisation ETA a tué plus de 800 personnes. "Le Canada est un pays qui a une culture démocratique très forte", rappelle Alberto López Basaguren, professeur de droit constitutionnel à l'Université du Pays basque. Le cadre institutionnel est aussi très différent. D'une part, les provinces canadiennes sont habilitées à organiser des référendums, alors qu'en Espagne c'est la prérogative exclusive du gouvernement central ; d'autre part, la Constitution canadienne ne parle pas de l'indivisibilité de l'Etat, contrairement à la Loi fondamentale espagnole.
Les spécialistes s'accordent à penser que le climat politique et le cadre institutionnel basque ne permettent pas de calquer le modèle québécois, qui contient toutefois des éléments intéressants. Ainsi, pour le sociologue Luis Sanzo, le plus important, c'est que la décision de la Cour suprême "indique la façon d'aborder la question du point de vue constitutionnel". Selon López Basaguren, "le grand avantage [de l'initiative canadienne], c'est que le système fédéral a été capable d'élaborer une stratégie démocratique face au nationalisme, contrairement à ce qui se passe ici, où l'on procède au coup par coup".
* "Acceptez-vous que le Québec devienne souverain, après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique, dans le cadre du projet de loi sur l'avenir du Québec et de l'entente signée le 12 juin 1995 ?"


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