« Québec bétonné » (« Québec zit muurvast »)

Par Han Renard

Les "petites nations" dans le monde

Knack (Bruxelles) (traduction libre)

Après deux référendums successifs les partisans d'un Québec indépendant ont perdu de peu. Selon Guy Laforest, professeur à l'université Laval et imminent spécialiste en matière la constitutionnelle, le Québec se trouve dès lors dans une impasse institutionnelle.
« Qu'est-ce qui a sauvé le Québec, sinon la fécondité extraordinaire des Québécoises ? » se demande Guy Laforest « Le statut universel de la langue française. Si nous avions parlé catalan, s'en était fini depuis longtemps. »
Sauvé, façon de parler! En fait le Québec est (encore et) toujours en train de se sauver, de sauver sa langue et sa culture, à coup de lois linguistiques et d'ingérence de la part des autorités peu conforme aux normes nord-américaines.
Mais le maintien de son identité propre n'est pas une chose abstraite dans la seule province francophone de la fédération canadienne. Le droit à « une société distincte » est une affaire d'importance « nationale ». Par tout, en rue, à la télé et dans les journaux on parle journellement de la position de la langue française et on discute de façons pour renforcer cette position. On cherche continuellement des termes français équivalents ou des néologismes à consonance française pour la terminologie anglaise qui submerge le Québec. Des jeux d'ordinateurs, au base-ball, tout doit être francisé.
Pour les Flamands, le terme « francisation » a un relent fort désagréable, mais au Québec il a une consonance plutôt positive. Il y a plusieurs instances officielles au Québec qui s'en occupent. Depuis les années soixante l'enseignement, le monde des affaires et les classes moyennes ont été (à nouveau) francisés, et ceci grâce aux interventions des autorités. Le début de ce mouvement de francisation coïncida avec la période que les historiens du Québec appellent la révolution tranquille, la modernisation accélérée du Québec agraire par des réformes économiques profondes. Cette modernisation allait de paire avec l'ascension d'une nouvelle élite francophone, qui enfin devenait maître des leviers socio-économiques les plus importants.
« Il y a trente ans on pouvait encore fonctionner à Montréal sans connaître le français. Ce temps là est définitivement révolu. » nous dit François Rebello, stratège politique du Parti Québécois, le parti qui prône l'indépendance du Québec.
Les mouvements indépendantistes allaient de pair avec l'essor économique du Québec dans les années soixante. C'était l'époque où le général Charles de Gaulle prononçait un discours devant une foule délirante à partir du balcon de la mairie de Montréal, la plus grande ville de la province du Québec, avec les mots célèbres : « Vive le Montréal! Vive le Québec! Vive le Québec... libre! Vive le Canada français et vive la France! »
L'année 1977 est cruciale, car la « Charte de la Langue Française » ou « Loi 101 » entre en vigueur et le français devient langue officielle au Québec.
Québec peut être fier de l'efficacité de ses lois linguistiques : en quelques décennies le français est devenu la langue de la vie publique. Mais il faut rester attentif. Les 7,6 millions d'habitants du Québec se divisent en plus de 80% de francophones, 8 % d'anglophones et 9% de personnes parlants d'autres langues, n'ayant ni le français, ni l'anglais comme langue maternelle. N'oublions pas que l'îlot francophone du Québec est entouré de 300 millions d'anglophones sur le continent nord-américain, et la part de la communauté francophone au sein de la fédération canadienne se rétrécit. En effet depuis les années soixante la fécondité réputée des Québécoises (catholiques) dégringole. Tellement que le Québec, avec sa moyenne de 1,4 enfants par ménage, montre un des taux de natalité les plus faible du monde occidental.
Afin de maintenir sa population le Québec accepte annuellement 40.000 immigrants soigneusement sélectionnés. Ces nouveaux venus passent par des écoles et cours d'adaptation dans le cadre de programmes de francisation. En pratique toutefois cette immigration absolument nécessaire du point de vue démographique, profite surtout à la langue anglaise. Beaucoup d'immigrants s'installent à Montréal, une métropole multiculturelle où l'on entend parler en rue autant l'anglais que le français.
Dans un énorme scandale politique qui a vu le jour au milieu des années 1990, et qui continue à émouvoir maints Québécois, il apparaissait que l'état fédéral du Canada avait utilisé des fonds occultes et la naturalisation accélérée d'immigrants pour essayer d'influencer le résultat du référendum sur l'indépendance du Québec.
Il y a encore toujours de l'eau dans le gaz entre le Québec et Ottawa, la capitale fédérale et le c_ur politique de la fédération canadienne. « En fait il s'agit d'un conflit continu entre deux projets de construction de nation » nous dit le professeur Guy Laforest, « entre le nationalisme canadien et le nationalisme québécois, avec Montréal comme principal champ de bataille ». D'un coté Montréal, la métropole cosmopolite avec ses millions d'habitants, pour certains nationalistes une cause d'exaspération permanente, et de l'autre coté la ville de Québec, à majorité prépondérante d'habitants de race blanche, capitale de la province francophone et relativement homogènes du coté linguistique.
Il n'est pas possible de prédire lequel des deux projets de construction de nation l'emportera, nous dit Laforest. Mais il est certain que le Québec se trouve dans une impasse vu que la population a rejeté par deux fois le référendum sur l'indépendance, fait unique dans l'histoire de l'humanité. C'est en tout cas la conviction du professeur qui, lors du deuxième référendum était encore une des figures de proue du parti indépendantiste.
Le premier référendum concernant l'indépendance du Québec a eu lieu en 1980. Le « souveraineté-association-project» du premier ministre du moment, René Lévesque (le fondateur du Parti nationaliste Québécois) avait réussi à réunir 40% de la population. Le gouvernement fédéral canadien répondait deux ans plus tard par une nouvelle constitution d'inspiration « centraliste et nationaliste ». Cette réforme avait le soutient de la plupart des provinces canadiennes, mais pas du Québec. Les gouvernements successifs du Québec n'ont jamais voulu formellement reconnaître cette constitution, malgré qu'elle soit d'application au Québec, car le Québec fait partie de la fédération canadienne.
Pour Guy Laforest, la révision de la constitution de 1982 est le plus grand fait politique du dernier quart de siècle au Canada. « De par cette révision, le centralisme et le nationalisme canadien sont beaucoup plus ancrés dans les esprits qu'ils ne l'étaient dans le passé » explique le professeur. Il pense également que la constitution de 1982 ne sert pas les intérêts du Québec. « Si le Canada veut devenir une vrai fédération alors nous devrons toucher à cette sacro sainte constitution mais j'ignore si je serai encore pour le vivre! » Lors du deuxième referendum qui s'est déroulé en 1995, le c_ur des partisans d'un « Québec libre » a encore battu. Mais finalement l'indépendance a été rejetée avec 50.6% des voix contre. Près de 94% des québécois étaient alors allés voter. « Parler du futur du Québec suscite une passion » confirme Guy Laforest qui compare les deux referendums à une révolte ratée. « Les partisans du souverainisme ont, par deux fois, essayé de s'extraire du Canada, sans succès. Ils s'en sont d'ailleurs trouvés très affaiblis. »
Et pourtant. En 1995, la différence entre vainqueurs et perdants était réduite à 30.000 voix. Les défenseurs de l'indépendance ont vu dans ces chiffres un espoir, Guy Laforest a une autre lecture des faits. « Je suis arrivé à la conclusion qu'une déclaration d'indépendance du Québec ne conduira pas à l'indépendance. Il y a pour cela des obstacles, nationaux et internationaux. Le plus grand est le manque de soutien de la population. Une déclaration d'indépendance conduirait tout au plus à une crise du régime. »d'après Laforest « Le referendum de 1995 n'était pas `presque une victoire' des souverainistes mais une lourde défaite ».
Les fédéralistes, représenté par le Parti Libéral Québécois n'ont pas remporté un grand succès. Les négociations avec le gouvernement central pour adapter certains points de la constitution tant contestée, n'ont pas apporté de résultats.
Avec ce double échec, tant les opposants que des partisans de l'indépendance éprouvent des difficultés à mettre aujourd'hui les institutions politiques sur le bon chemin. Les rouages politiques sont au point mort, clame Laforest « Le Québec ne participe pas complètement à la fédération canadienne parce que l'on a jamais voulu ratifier la constitution. »
Depuis avril 2003, le Parti Libéral Québécois (PLQ) de Jean Charest est à nouveau au pouvoir. Ces partisans d'une collaboration avec Canada reçoivent le soutien du milieu des affaires. Le PLQ a dans un premier temps tenté de réduire la dette publique, colossale, du Québec, laissant de côté la question d'identité. Au printemps prochain, il y aura des élections au Québec, au vu de la position des deux partis au Québec et du manque de popularité de Charest, il se peut que le Parti Québécois (PQ) remporte la mise. Si cela devait se produire, le PQ (soutenu par la jeunesse, les syndicats et les universitaires) promet un nouveau referendum. « J'ai confiance » explique François Rebello, le stratège politique du Parti Québécois qui prône le séparatisme « Même The Economist qui n'est pas spécialement pro Québec, écrit dans un cahier spécial qu'il existe dans la cohabitation avec le Québec une force tranquille qui se dirige vers l'indépendance. »
CE REPORTAGE A PU SE DEROULER DANS LE CADRE D'UN PROJET D'ECHANGE DE JOURNALISTES ENTRE LE GOUVERNEMENT FLAMAND ET LE GOUVERNEMENT DU QUEBEC


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