Ces nationalismes régionaux qui font recette dans l’Union européenne

L’indépendance fait rêver, d’autant que six des douze nouveaux Etats membres n’existaient pas avant la chute du Mur.

Les "petites nations" dans le monde


Par Marc Semo - Et maintenant à qui le tour ? Si la Belgique est aujourd’hui le maillon faible et le plus menacé des 27 Etats membres de l’Union européenne, il n’est pas le seul. D’autant que le grand élargissement à l’Est a donné le mauvais exemple : six des nouveaux entrants depuis 2004 (Slovénie, République tchèque, Slovaquie, Lituanie, Lettonie et Estonie) n’étaient pas des Etats avant 1989.


Crise identitaire. D’où une tentation autonomiste croissante pour des régions riches avec un fort nationalisme identitaire, comme l’Ecosse, la Catalogne ou le Pays Basque. «Il est très frustrant pour elles de voir la Slovénie siéger au Conseil européen et ce n’est pas un hasard si aujourd’hui les Basques ou les Catalans veulent plus», soulignait Nicolas Levrat, professeur à l’Institut européen de Genève. ( Libération du 29 décembre 2005)
Il y a des statuts de pure façade. «L’Etat libre de Bavière» a depuis cinq ans sa propre représentation à Bruxelles, en face du parlement européen. L’intitulé est pompeux, mais cette région allemande, la seule avec la Saxe et la Thuringe à porter officiellement le titre de freistaat, ne dispose dans les faits de guère plus de pouvoirs que les autres länder, dont l’autonomie reste essentiellement limitée à la justice, la police, l’éducation et l’environnement. La grande coalition CDU-SPD d’Angela Merkel a en outre adopté une réforme pour «clarifier» les compétences des länder et resserrer les boulons.
En Grande-Bretagne, «Royaume-Uni toujours moins uni» selon l’expression du député européen Jean-Louis Bourlanges, les différentes nations bénéficient de forts attributs de souveraineté depuis la devolution lancée en 1997 par Tony Blair. Elles ont leur hymne et leur drapeau. Le pays de Galles a sa propre assemblée. L’Ecosse dispose d’un véritable parlement, héritier de celui qui existait en 1707 lors de l’unification, avec un exécutif dirigé par un Premier ministre responsable devant 129 députés qui peuvent décider de lois ou de règlements locaux. Mais leurs compétences restent très limitées en matière fiscale, au grand dam des nationalistes qui voudraient récupérer la manne du pétrole de la mer du Nord. Un tiers des Ecossais souhaitent l’indépendance et le SNP (Scottish National Party) promet un référendum pour 2010. Mais lors des élections de mai, il n’a battu que d’une très courte tête le Labour. L’Irlande du Nord a aussi son assemblée et un gouvernement semi-autonome. L’Angleterre se trouve maintenant en crise identitaire, car démunie de toute institution régionale spécifique.
L’Espagne constitue de loin l’Etat le plus décentralisé de l’Union. Les 17 «communautés autonomes» du pays gèrent 60 % des dépenses publiques, et les régions dites «historiques» (Pays Basque, Catalogne, Galice) ont des compétences encore plus étendues. En 2006, les Catalans ont approuvé un nouveau statut qui reconnaît la Catalogne comme «nation» et lui accorde la moitié des impôts levés dans cette riche région. Le Pays Basque, lui, disposait déjà depuis 1977 d’une indépendance fiscale quasi totale et de larges pouvoirs de police.
Dissuasion. Ces tendances centrifuges parcourent peu ou prou tous les pays de l’UE, y compris la France, qui reste néanmoins la plus prudente. Les compétences des départements, héritées de la Révolution, restent de fait aussi larges que celles des régions. L’Europe a certes pour effet d’affaiblir les Etats en rognant certaines de leurs prérogatives. Mais elle contribue aussi à désamorcer les micronationalismes. Les aides structurelles sont accordées aux régions les plus pauvres et non aux plus riches, les plus tentées par l’indépendance.
En Italie, la Ligue du Nord, en perte de vitesse, dénonce avec les mêmes accents le pouvoir de Rome et celui de Bruxelles. Dans la péninsule, les régions bénéficient déjà depuis plus de vingt ans d’une large décentralisation. Le projet de constitution prévoyant des «dévolutions» - élaboré par le gouvernement Berlusconi - a été rejeté lors d’un référendum l’an dernier.
« Le lien Europe-régionalisme est complexe, agissant dans les deux sens, mais je crois que l’Union a plutôt un rôle modérateur, car ce que veulent les régions est finalement moins l’indépendance que le droit de peser dans les choix politiques», affirme Nicolas Levrat, rappelant que «la région qui se séparerait de l’Etat auquel elle appartient sortirait aussi de l’Union européenne et devrait s’y faire réadmettre, en tant que nouvel Etat, à l’unanimité». Le veto est alors une puissante arme de dissuasion pour l’Etat lésé. S’il y a divorce, il doit se faire à l’amiable, avec le consentement des deux parties.
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