Un marché de 500 millions de consommateurs à portée de la main

Destination Europe : Québec cible en priorité le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie, la France, l'Espagne et la Russie

Le Québec économique


Les efforts consentis par le gouvernement du Québec au cours des dernières années, afin de jeter des ponts sur le plan de l'économie et de la main-d'oeuvre avec le Vieux Continent, sont largement salués par la communauté économique de la province. Regard sur un enjeu de toute première importance pour l'avenir de nos PME.
Les premières poignées de main qui ont eu lieu en fin de semaine dernière lors du Sommet Canada-Union européenne, en vue d'une éventuelle entente de partenariat visant le renforcement d'une intégration économique, ne sont pas étrangères aux efforts et aux jeux de coulisses conduits par le gouvernement du Québec, au premier chef le premier ministre Jean Charest, au cours des deux dernières années. Mais voilà, avant que ces accolades et autres échanges verbaux entre hauts responsables ne se traduisent en signatures officielles gravées dans le cuivre, beaucoup d'eau coulera encore sous les ponts économiques souhaités.
Pour l'heure, on le sait, il a été convenu par les corps politiques de définir des mandats officiels dans les prochains mois en vue d'entamer des négociations en 2009 afin d'établir un partenariat économique. C'est large comme démarche, mais n'empêche, le départ est donné et la patience est de mise. Une patience qui se compte en années, vous diront les experts.
Jeux de coulisses
Cela dit, Jean-Pierre Arseneault, directeur du secteur Europe au ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, rappelle que Jean Charest est l'instigateur de cette rencontre au sommet à Québec, un sommet Canada-Union européenne qui avait été annulé par le gouvernement canadien en 2006. «Écoutez, dit-il, ça fait deux ans qu'on travaille là-dessus. Une fois annulé le sommet de 2006, c'est le Québec qui a pris le leadership de ce dossier en vue d'un accord éventuel en faisant des démarches auprès du gouvernement canadien et des provinces, en plus du travail diplomatique fait sur le terrain en Europe par l'entremise de la délégation générale du Québec à Bruxelles auprès de la Commission européenne. Il y a eu aussi des interventions qui ont été faites par le réseau des délégations générales du Québec auprès des États membres de l'Union européenne.»
Puisque ceci explique cela, le gouvernement Charest n'a pas attendu que le sommet Canada-UE ait lieu pour mettre de l'avant, en mars dernier, son «nouvel espace économique pour le Québec», dont l'un des éléments-clés est l'entente France-Québec sur la reconnaissance mutuelle des compétences des travailleurs qualifiés qui vient d'être signée. Donc, un pas de plus vient d'être franchi pour offrir à nos PME et à leur main-d'oeuvre qualifiée l'espace économique européen comme terrain de jeu pour faire des affaires.
Bons baisers de Russie
Concrètement, poursuit M. Arseneault, l'Europe «est constituée de 500 millions de consommateurs de produits de niche. Il faut comprendre aussi que, traditionnellement,
85 % de nos exportations prennent le chemin des États-Unis. Sauf qu'on constate depuis quelques années que les États-Unis sont passés d'un ralentissement économique à une crise économique et, plus récemment, on parle d'une crise financière. Ce pays vit une période de déclin qui va se poursuivre», dit-il, ajoutant que le marché européen est une planche de salut pour nos PME. À noter que la part des exportations québécoises vers les États-Unis est passée de 85 % au tournant des années 2000 à 76 % l'an dernier et que la part des exportations vers l'Europe est passée de 6,4 milliards de dollars en 2005 à 9 milliards de dollars en 2007.
Dans le but de mieux accompagner nos entreprises vers le marché européen, le ministère de M. Arseneault a ciblé, pour l'instant, six pays, soit le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie, la France, l'Espagne et la Russie. La Russie? «Pour ce pays, qui fait partie des pays émergents, on parle du secteur de l'aéronautique, puisqu'il est question d'y renouveler la flotte aérienne. On y cible aussi le secteur forestier, nous avons beaucoup d'expertise dans ce domaine. Et puis, on cible le volet des infrastructures parce que tout est à refaire là-bas: les routes, les ports, les aéroports... Vous savez qu'il n'y a pas d'autoroute entre Saint-Pétersbourg et Moscou.» Distance? «Je ne saurais vous dire, mais en avion ça prend deux heures!»
Reste que M. Arseneault tient à lancer ce message aux PME: «Il faut que nos entreprises persévèrent en matière d'exportation, car ce qui arrive parfois, c'est qu'on est capable de les emmener en Europe, mais aussitôt qu'il fait beau aux États-Unis, elles veulent y retourner et les entreprises finissent par délaisser l'Europe.»
Salutations au premier ministre !
Qu'en pense le président du Conseil du patronat du Québec, Michel Kelly-Gagnon? «Certes, les gens d'affaires québécois se reconnaissent plus facilement avec les États-Unis. Je ne dis pas cela pour dénigrer les percées en Europe, mais simplement pour expliquer qu'il existe avec les États-Unis une attirance, un lien géographique et une culture d'affaires qui fait que le réflexe de retourner vers le marché des États-Unis demeure et va demeurer très fort.»
Dans une plus large perspective, Michel Kelly-Gagnon tient à saluer, en toute franchise, les efforts consentis par le gouvernement Charest qui visent à rapprocher et à faciliter les échanges économiques entre le Canada et les États européens, malgré un scepticisme qu'il affichait voilà peu. «Au départ, et pendant pas mal de temps, j'ai été assez sceptique pour tout cela. Mais, récemment, j'ai eu une conversation avec Christos Sirros, le délégué général du Québec à Bruxelles. Et je vous dirais que M. Sirros a réussi à me convaincre que c'est du sérieux. Si vous m'aviez parlé il y a de cela trois ou quatre semaines, je vous aurais peut-être répondu que tout cela n'était qu'un château en Espagne. Aujourd'hui, j'ai un peu changé d'opinion et je pense que c'est réalisable. M. Charest a fait preuve de leadership et rendons à César ce qui appartient à César.»
«Et même si, en bout de piste, poursuit-il, tout cela n'aboutissait pas à court ou à moyen terme, il y a eu des efforts sérieux et crédibles qui ont été faits et le jeu en vaut la chandelle.»
Nécessaire préparation
On est du même avis du côté de Manufacturiers et exportateurs du Québec, alors que leur président-directeur général, Jean-Luc Trahan, souligne que «le timing est parfait pour ouvrir des nouveaux marchés pour nos entreprises. Je parlais justement à un de nos membres qui, à la lumière de ce qui se passe aux États-Unis, a décidé de diversifier ses marchés à l'échelle canadienne, où il a augmenté ses ventes de 10 %, tout en misant sur l'Europe, où il a également augmenté son chiffre d'affaires de 10 %.»
C'est bien de miser sur l'échiquier économique européen, mais encore faut-il préparer nos PME à y prendre place durablement, ajoute M. Trahan. «On ne peut pas juste y aller et se dire: "Eh bien, dès que je vais descendre de l'avion, on va venir me voir en me disant: 'On vous attendait'!" Il faut faire des études de marché, être au fait des forces et des faiblesses, regarder de plus près les marchés de niche pour un produit donné et mettre sur pied un plan d'affaires solide.»
Même son de cloche et autres salutations sincères au gouvernement Charest, du côté de Françoise Bertrand, présidente-directrice générale de la Fédération des chambres de commerce du Québec.
«Tous ces efforts sont d'excellentes nouvelles. Il est clair que, si on diminue les barrières tarifaires, on fait en sorte que les relations d'affaires soient plus faciles; ce qui, à terme, nous permettra d'être dans une meilleure posture en vue d'accroître nos échanges et donc d'améliorer éventuellement notre balance commerciale. On l'a toujours dit, la diversification des marchés est la voie de l'avenir sur le plan du développement économique», précise Mme Bertrand, elle qui «rêve» maintenant d'ouvrir des corridors de commerce sur le Vieux Continent.


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