Un exercice «de Blancs pour des Blancs»

Des immigrants s'inquiètent de la tournure de la commission Bouchard-Taylor

Accommodements - Commission Bouchard-Taylor

Des immigrants s'inquiètent de la tournure de la commission Bouchard-Taylor et se sentent menacés par cet exercice «fait par des Blancs pour des Blancs».
C'est le message qu'a livré May Chiu, ex-candidate et militante du Bloc québécois ainsi qu'organisatrice communautaire auprès des personnes issues de l'immigration dans Côte-des-Neiges, aux coprésidents de la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles, Gérard Bouchard et Charles Taylor. Mme Chiu a mentionné les inquiétudes exprimées par plusieurs immigrants qu'elle aide dans le cadre de son travail lors d'une rencontre élargie entre MM. Bouchard et Taylor et le Conseil des relations interculturelles tenue mardi.
«Je leur ai dit que c'est une commission faite par des Blancs pour des Blancs. C'est un commentaire personnel, mais c'est une réalité. Ce sont deux hommes blancs qui ont reconnu que leur document de consultation est destiné aux francophones pour avoir leur avis sur la diversité. Cela s'adresse donc aux Blancs», a relaté au Devoir Mme Chiu. «Ma peur, c'est que cela nourrisse la méfiance des Québécois envers les immigrants», a-t-elle ajouté.
Mme Chiu, qui a été candidate du Bloc québécois lors des élections générales de 2005, est également membre du comité bloquiste qui doit rédiger le mémoire destiné à la commission Bouchard-Taylor. «Je suis là parce que je ne veux pas que le discours du "nous" de Pauline Marois soit repris par le Bloc. Si je suis souverainiste, c'est pour un souverainisme d'ouverture, sans distinction», a expliqué May Chiu.
Depuis 2000, le Bloc québécois a développé un discours sur le nationalisme civique où un Québécois est défini comme toute personne qui habite le Québec, quels que soient son origine, sa culture ou sa couleur. Or, comme l'a appris Le Devoir, le Bloc québécois est confronté au virage identitaire effectué il y a quelques jours par la chef du Parti québécois, Pauline Marois. Cette dernière a réhabilité le «nous», se référant à la majorité francophone qui, selon elle, est le noyau de la nation québécoise.
La militante souverainiste s'inquiète. «Il ne faut pas retourner au nationalisme basé sur l'ethnicité. La démocratie, les droits de la personne, l'égalité, cela compte.
Utiliser le "nous", c'est divisif», a soutenu May Chiu. Au scrutin fédéral d'il y a deux ans, elle était l'une des huit candidats ethnoculturels du Bloc qui permettaient de démontrer l'ouverture pluraliste du parti de Gilles Duceppe. Mme Chiu était alors menacée de congédiement par son employeur pour ses idées politiques, ce que le chef bloquiste a dénoncé haut et fort.
Quant au malaise de Mme Chiu devant la commission Bouchard-Taylor, il semble partagé par d'autres personnes issues de l'immigration. D'autres intervenants du secteur de l'immigration ont également fait état des craintes que suscite la commission auprès de leur clientèle et des effets potentiels sur les services de soutien et d'accompagnement des immigrants.
Il ne semble toutefois pas que la participation populaire à la commission en sera affectée. Selon TVA, les inscriptions sont complètes pour le premier forum de citoyens prévu lundi prochain à Gatineau.
L'inquiétude de certains immigrants n'en est pas moins importante, notamment dans la communauté chinoise, a souligné Mme Chiu, qui travaille dans le quartier multiethnique de Côte-des-Neiges, à Montréal. «De jeunes professionnels, tous trilingues et même plus, organisent une réunion dans deux semaines pour en discuter. Être immigrant, ç'a toujours été un défi, mais tout à coup, ils se sentent vulnérables. Est-ce qu'ils prennent trop de place, est-ce qu'on donne trop aux immigrants? Ils ont lu le document de consultation de la commission et il y a là des éléments de provocation», a affirmé Mme Chiu.
Par exemple, les commissaires s'interrogent sur «l'organisation du leadership dans certains groupes ethniques». «Certains y voient un problème de représentativité. Qu'en pensez-vous?», peut-on lire dans le document.
Par ailleurs, le premier ministre Jean Charest a renouvelé hier son appui à la commission Bouchard-Taylor, commission régulièrement mise sur la sellette par ses adversaires politiques en général et par Mario Dumont en particulier, lequel dénonce depuis quelques jours l'obtention d'une bourse controversée par le philosophe Charles Taylor.
«M. Dumont, dans son rôle de girouette, cherche à flairer l'actualité, a résumé le premier ministre. On ne fera pas une commission sur la commission. On va permettre à la commission de faire son travail. Ils vont sur le terrain écouter les Québécois. Ils vont nous revenir avec leurs recommandations. C'est une façon pour nous d'organiser un dialogue, de prendre un peu de recul. Et ensuite, ce sera aux Québécois de faire la part des choses.»
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Avec la collaboration de Fabien Deglise


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