DES MYTHES DÉBOULONNÉS

Un ex-ministre raconte à son tour la Crise d'octobre

17. Actualité archives 2007


Un ancien ministre du gouvernement Bourassa relance le débat sur les dessous de la Crise d'octobre, 36 ans plus tard.
William Tetley, qui a été ministre du Revenu et des Institutions financières de 1970 à 1976 dans le cabinet de Robert Bourassa, vient en effet de publier en anglais The October Crisis 1970 aux Presses universitaires McGill-Queen's. Le livre sera bientôt traduit en français.
«Je le fais pour corriger certaines erreurs et pour débattre de deux sujets tabous: l'attitude du Parti québécois pendant cette période et le révisionnisme historique qui a émergé depuis 1970», a expliqué M. Tetley en entrevue accordée à la Presse Canadienne.
Le chef du Parti québécois René Lévesque s'est contenté de blâmer le gouvernement fédéral pour la suspension des libertés civiles à la suite de la Loi des mesures de guerre, croit William Tetley. Le Parti québécois n'a pas suffisamment condamné la violence prônée par les membres du Front de libération du Québec (FLQ).
«En ce temps-là, René Lévesque n'était pas à son meilleur. Je sais que c'est difficile pour un Anglo-Québécois de critiquer un héros comme René Lévesque. Mais je prends le risque», a dit M. Tetley.
Il raconte que le 15 octobre 1970, le chef parlementaire du Parti québécois, Camille Laurin, avait approuvé l'appel lancé à l'armée canadienne pour prendre la relève de la Sûreté du Québec dont les membres étaient épuisés. Mais quelques heures plus tard, «apparemment à la suite d'une conversation avec René Lévesque et de pressions des militants péquistes», Camille Laurin changeait son fusil d'épaule.
L'ancien ministre Tetley reproche aussi à René Lévesque d'avoir utilisé l'expression «prisonniers politiques» pour désigner les felquistes emprisonnés, dont les ravisseurs de Richard Cross et de Pierre Laporte réclamaient la libération en échange de leurs otages. M. Tetley soutient qu'on devrait plutôt désigner ces gens comme des criminels puisqu'ils avaient été reconnus coupables de divers crimes par les tribunaux.
M. Tetley attribue les «erreurs» du Parti québécois au fait qu'il s'agissait d'une nouvelle formation politique créée deux ans auparavant, sans aucune expérience parlementaire, composée de néophytes qui travaillaient fort, mais qui s'opposaient systématiquement à toutes les mesures du gouvernement libéral de Robert Bourassa.
Le Parti québécois avait trois problèmes, raconte William Tetley. Il voulait que la crise soit gérée uniquement par le Québec, sans intervention fédérale, ignorant qu'en vertu de la Constitution canadienne, le gouvernement fédéral a un rôle en matière de justice, de relaxation de prisonniers ou de gestion de l'armée.
Deuxièmement, tout en s'opposant à la violence, le Parti québécois voulait éviter de critiquer trop ouvertement le FLQ qui partageait avec lui l'idéal de l'indépendance du Québec.
Enfin, le Parti québécois voulait conserver l'appui des jeunes et ne voulait pas heurter de front les étudiants qui manifestaient nombreux en faveur du FLQ.
Des adversaires
William Tetley regrette que ce soit surtout des adversaires du gouvernement qui ont écrit sur la Crise d'octobre depuis trente-six ans. Ainsi, l'avocat Robert Demers, qui agissait au nom du gouvernement Bourassa dans les négociations avec l'avocat du FLQ Robert Lemieux, n'a jamais parlé avant 2002 des événements auxquels il a été mêlé de très près.
L'ancien ministre en profite pour rétablir certains faits erronés qui ont la vie dure. En voici quatre exemples:
- le ministre assassiné Pierre Laporte est toujours présenté comme le vice-premier ministre du gouvernement Bourassa. C'est faux. Robert Bourassa avait pris soin de ne pas désigner de vice-premier ministre dans son premier cabinet formé en avril 1970;
- ce n'est pas le premier ministre canadien Pierre Elliott Trudeau qui a imposé la Loi des mesures de guerre. Cette disposition avait été exigée dès le 15 octobre 1970 par les autorités municipales de Montréal, puis le lendemain par le gouvernement du Québec;
- cette Loi des mesures de guerre ne restreignait pas toutes les libertés civiles. Le droit de tenir des assemblées publiques, d'organiser des manifestations ou de faire des déclarations hostiles au gouvernement était maintenu;
- Ottawa n'avait pas réduit à néant les pouvoirs du Québec pendant la Crise. Ainsi, c'est le chef de la Sûreté du Québec qui avait les pleins pouvoirs en matière de sécurité, et qui dirigeait à la fois la Sûreté du Québec, la police de Montréal, la Gendarmerie fédérale et l'armée canadienne envoyée en renfort au Québec.
D'autre part, William Tetley analyse longuement et critique sévèrement dans son ouvrage le rôle joué pendant la Crise par l'éditorialiste du Devoir, Claude Ryan et par le groupe de 16 intellectuels qui ont pris position dans une déclaration publique faite le 14 octobre 1970.
Ces 16 intellectuels, dont Claude Ryan, René Lévesque, Jacques Parizeau et les principaux leaders syndicaux, avait (sic) invité le gouvernement à accepter les conditions formulées par le FLQ pour libérer les deux otages.
Quand les historiens parlent de la Crise d'octobre, il (sic) la voit (sic) comme une attaque contre les droits de la personne et les libertés. Le livre de William Tetley, aujourd'hui professeur de droit à l'Université McGill, contredit ce point de vue et soutient que ces droits n'ont pas été réduits d'une façon injustifiée.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé