LANGUE FRANÇAISE

Un détournement de la mission de l’OQLF

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Retour à 1960 !

En vertu de la mission que lui confère la Charte de la langue française, l’Office doit orienter l’usage du français parlé et écrit au Québec.



La nouvelle politique de l’emprunt linguistique (dont faisait état Le Devoir le 18 septembre) a été adoptée par l’OQLF le 31 janvier 2017 sans réelle consultation du milieu ; elle n’a fait l’objet d’aucun communiqué, d’aucune diffusion dans les médias. Elle a été discrètement mise en ligne dans le site Internet de l’organisme sous l’onglet « Politiques et guides ».



N’eût été la vigilance de Jacques Maurais, qui a dénoncé l’assouplissement des nouveaux critères d’acceptabilité des emprunts dans son excellent blogue Linguistique correct, nous n’en aurions pas été informés. À titre d’ancien coordonnateur de la recherche à l’OQLF, puis au Conseil supérieur de la langue française (CSLF), le linguiste Jacques Maurais parle en connaissance de cause.



Voici ce qu’il écrit sous le titre de « Démission de l’Office québécois de la langue française » : « […] le Québec a connu dans son histoire une vague d’emprunts massifs à l’anglais et le législateur a voulu y réagir. Et c’est pourquoi il a confié à l’Office québécois de la langue française le mandat de franciser le Québec et de déterminer quels mots anglais étaient acceptables dans la langue officielle. Il n’était sûrement pas dans son intention en 1977 de lui demander d’ouvrir les vannes à l’accueil des anglicismes. »



La politique de l’emprunt linguistique n’est pas destinée au grand public, affirme Danielle Turcotte, directrice générale des services linguistiques de l’OQLF, citée dans Le Devoir du 18 septembre. Si ce document est quelque peu technique, son application concerne cependant toute la population. En effet, la diffusion des termes acceptés dans le Grand Dictionnaire terminologique (GDT) influencera les diverses communications de l’Administration et des entreprises, dont l’étiquetage des produits, l’affichage commercial, les menus des restaurants, les sites Internet, pour ne citer que ces exemples. Les millions de termes figurant dans le GDT touchent tous les domaines d’activité.



Le traitement des emprunts à l’anglais



Le traitement des anglicismes est une composante essentielle de la mission de l’OQLF. La politique qui définit les critères d’acceptabilité des emprunts linguistiques a d’abord été publiée en 1980, puis en 2007 et enfin en janvier 2017. Dans le préambule de sa nouvelle politique, l’OQLF écrit : « La langue et la dynamique sociolinguistique étant en évolution constante, l’Office se doit de mettre sa politique à jour régulièrement afin que ses objectifs en matière de traitement des emprunts soient le plus possible au diapason de cette évolution. » La situation linguistique québécoise a-t-elle progressé au point qu’il soit maintenant justifié d’assouplir les critères d’acceptation des anglicismes ? Poser la question, c’est y répondre.



Quand l’OQLF juge acceptable le calque de l’anglais « pâte à dents » sous prétexte qu’il s’agit d’un calque non récent, généralisé, implanté, légitimé, et qu’il est intégrable au système linguistique du français (critères d’acceptabilité des calques), il ouvre la porte à quantité de traductions littérales d’expressions anglaises. Le terme français « dentifrice » est courant et figure sur tous les emballages de ce produit. Se fondant sur la fiche du GDT, les entreprises de production et de distribution de ce produit pourront désormais employer le terme « pâte à dents » dans l’étiquetage, dans l’affichage de ce produit et dans les messages publicitaires s’y rapportant.



Quand l’OQLF accepte le verbe « démoniser », inspiré de l’anglais, alors que le verbe « diaboliser » fait parfaitement l’affaire, le terme « papier sablé » alors que les termes « papier abrasif » ou « papier de verre » sont employés, il en résulte un appauvrissement du vocabulaire et tout le contraire d’un enrichissement des langues techniques.



La mission de l’organisme est d’assurer la définition et la diffusion par le GDT des terminologies françaises des différents domaines d’emploi. À cet égard, son rôle ne s’exerce pas dans tous les registres de langue : il se limite aux registres de la langue technique courante ou soutenue. Il n’entre pas dans les attributions de l’OQLF de décrire et de légitimer les emplois de registre familier.



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