FUTURE POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE

Un début de réflexion en toute discrétion

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Une démarche qui n'augure rien de bon, inspirée par l'Empire Desmarais

Le gouvernement Couillard a décidé de lancer en plein temps des Fêtes la réflexion devant mener à l’élaboration de la future politique énergétique du Québec. Cette annonce passée inaperçue revêt une importance certaine, puisque la politique à venir en 2015 influencera durablement l’avenir de la province.

Les libéraux, qui se sont fait élire en promettant de faire preuve de « transparence », ont lancé le 22 décembre le site Web consacré à la future politique énergétique du Québec, a constaté Le Devoir.

Même si cette annonce n’a fait l’objet d’aucune attention médiatique, il s’agit d’une étape importante en vue des travaux à venir au cours des prochains mois. Le site en question définit en effet « la démarche » du gouvernement, présente « les thèmes » abordés et explique comment les citoyens pourront participer aux consultations publiques.

Le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN) précise ainsi que pour mener à bien cette démarche « rigoureuse, rassembleuse et ambitieuse », trois tables rondes d’experts se tiendront d’ici mai. On ne révèle pas l’identité des experts choisis par le gouvernement Couillard. Le public pourra y assister, à condition de s’inscrire à l’avance. Chaque table ronde sera suivie, le soir même, d’une consultation publique. Les gens qui s’inscrivent au préalable pourront alors prendre la parole pour une durée de cinq minutes.

La première table ronde, intitulée « Efficacité et innovation énergétiques », doit d’ailleurs avoir lieu dès janvier. Québec ne précise toutefois pas la date. Celle portant sur les « énergies renouvelables » se tiendra en mars. La dernière, concernant les « hydrocarbures fossiles », aura lieu en mai.

Délais courts

Tout indique par ailleurs que les travaux des prochains mois seront particulièrement intensifs, alors que la politique énergétique 2016-2025 doit être prête pour l’automne 2015. Le gouvernement Couillard doit en effet inclure des « démarches complémentaires » au processus, dont l’évaluation environnementale stratégique (EES) sur les hydrocarbures et celle sur Anticosti.

L’EES sur les hydrocarbures doit inclure le gaz de schiste, le pétrole qui se trouverait en Gaspésie et celui du golfe du Saint-Laurent. Et dans le cas d’Anticosti, les travaux d’exploration ont pris beaucoup de retard. Seuls 6 des 18 forages prévus en 2014 ont pu être complétés. Les autres doivent l’être en 2015. Impossible cependant de connaître les délais, donc de savoir quand l’EES sera terminée.

Pour Sylvain Archambault, de la Coalition Saint-Laurent, les délais prévus pour la réalisation des EES sur les énergies fossiles sont tout simplement « irréalistes ». Il rappelle ainsi qu’uniquement dans le cas du golfe, l’EES menée par la firme Genivar à la demande des libéraux a nécessité plus de trois ans de travaux. Le gouvernement estime toutefois que toutes les EES seront complétées à l’automne 2015, à temps pour le dépôt d’un projet de loi censé encadrer l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures.

Le MERN a d’ailleurs profité du lancement du site sur la future politique énergétique pour publier les deux premiers « fascicules » faisant partie des cinq documents « d’aide à la réflexion ». Dans le premier, consacré aux « tendances mondiales et continentales », il explique le rôle qu’il entend donner aux EES. « Le but de ces études est de déterminer les conditions adéquates à mettre en place pour une exploitation responsable des hydrocarbures », affirme-t-il clairement.

Dans ce même fascicule de 55 pages, le gouvernement Couillard prédit que l’oléoduc 9B d’Enbridge fera couler 300 000 barils de brut de l’Ouest vers Montréal en 2015. Il estime du même coup que « tout le pétrole raffiné au Québec serait canadien ou américain d’ici à la fin de l’année » 2015. Or, l’autorisation de l’inversion du flux dans ce tuyau de 40 ans est toujours contestée par la Communauté métropolitaine de Montréal. Celle-ci redoute les risques pour les cours d’eau de la région, en plus de se questionner sur les mesures d’urgence en cas de déversement.

Rapport tabletté ?

En relançant la réflexion sur l’avenir énergétique, le gouvernement Couillard reprend en partie depuis le début le travail effectué l’an dernier par la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec mise sur pied par le Parti québécois.

Son rapport, intitulé « Maîtriser notre avenir énergétique », avait été dévoilé en février par Le Devoir. Fruit de consultations publiques et de l’analyse de plus de 460 mémoires, ce document de 310 pages proposait un virage très ambitieux dans notre façon de consommer l’énergie, un changement qui passerait par une réduction draconienne de notre dépendance aux énergies fossiles.

Selon les auteurs du rapport, Québec devrait aussi absolument revoir en profondeur la stratégie de développement d’Hydro-Québec et freiner les projets hydroélectriques, mais aussi l’éolien, qui font perdre des milliards de dollars à l’État. Au total, les pertes dues à tous les moyens de production d’électricité mis en service depuis 2008 s’élèvent à 1,2 milliard de dollars par année, selon la Commission sur les enjeux énergétiques. Elles doivent atteindre deux milliards en 2025.

À la lecture des premiers fascicules publiés par le MERN, le coprésident de la défunte commission, Normand Mousseau, estime toutefois que les principales conclusions de son rapport ont été mises de côté par les libéraux.

Selon lui, la question de l’approvisionnement énergétique, largement abordée dans le fascicule, ne pose pas de réel problème au Québec. Il estime plus urgent de se questionner concrètement sur les moyens qui seront nécessaires pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. « Il sera difficile, selon ce qu’on voit, d’atteindre nos objectifs de réduction pour 2020 », prévient-il. « Il faut aussi se demander ce qu’on doit faire avec les importants surplus d’Hydro-Québec et analyser les coûts et les bénéfices de toute éventuelle exploitation pétrolière. »

M. Mousseau souligne en outre l’idée d’élaborer une politique énergétique qui puisse se déployer sur plus de 10 ans, mais aussi de mettre en place une véritable structure de gouvernance des questions énergétiques. Il est également impératif de se doter de politiques d’efficacité énergétique ambitieuses. Selon M. Mousseau, le gouvernement devrait s’inspirer d’exemples tirés d’autres États pour mener à bien l’ensemble de ses réflexions.


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