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Un certain quinze novembre...

Par Pierre Gravel

15 novembre 1976 - 2007 : un bilan

«C'est le début d'un temps nouveau» claironnaient volontiers bien des Québécois qui, il y a vingt-cinq ans aujourd'hui, venaient de surprendre tout le monde, y compris les vainqueurs, en portant le PQ au pouvoir. S'ils avaient raison à maints égards, peu d'entre eux pouvaient cependant s'imaginer que, en ce qui a trait à l'objectif principal de ce parti, c'était aussi le commencement de la fin.
L'arrivée de ce gouvernement d'orientation résolument socio-démocrate allait en effet modifier en profondeur plusieurs volets importants de la réalité québécoise. On n'a qu'à penser au dossier linguistique, enfin abordé de front dans la loi 101, à la protection du territoire agricole, à l'assurance automobile, au financement des partis politiques, à la politique d'achats publics et d'attribution de contrats par l'État, à la disparition des clubs de chasse et pêche privés, à l'interdiction des briseurs de grève, à bien d'autres mesures aujourd'hui considérées comme allant de soi, pour conclure qu'il s'agissait presque de la deuxième phase d'une Révolution tranquille amorcée quinze ans auparavant.
L'objectif ultime de la souveraineté politique, par contre, n'allait pas devenir plus accessible en dépit des succès remportés par un parti dont c'était pourtant le but premier. Un projet qui, en dépit d'appuis aussi stables qu'indiscutables enregistrées lors des deux référendums qui ont suivi, n'a jamais paru aussi hors de portée que maintenant. Même à ceux qui voudraient bien continuer à y croire. Plusieurs facteurs expliquent cette impasse que bien peu d'observateurs auraient osé prédire au lendemain du 15 novembre 1976.
Au nombre de ces explications, on a déjà longuement évoqué un réflexe de peur - ou de prudence, selon le point de vue - qui a amené de nombreux électeurs à croire qu'on leur proposait de troquer la proie pour l'ombre. Et qui ont donc refusé de suivre le PQ sur ce terrain pour des considérations strictement économiques. Sans parler des changements majeurs survenus, depuis, dans le monde des affaires, qu'on disait jusqu'alors interdit aux Québécois francophones. Ce phénomène spectaculaire, désigné comme celui du «Québec Inc.», auquel les gouvernements péquistes ont contribué, aura cependant eu un impact paradoxal. Ces succès seront en effet souvent soulignés par les adversaires du PQ comme la démonstration que l'indépendance et les risques qu'elle comporte ne sont pas vraiment nécessaires pour assurer l'épanouissement du Québec sur ce plan.
De la même façon, il est clair que les progrès réalisés dans d'autres domaines ont aussi eu comme conséquence de faire paraître moins impérieuse cette démarche proposée par des militants souverainistes devenus de moins en moins convaincants quand il fallait expliquer pourquoi s'y engager. Pour protéger le caractère francophone plus encore qu'on y arrive avec la loi 101? Faire admettre aux Bill Johnson et autres dinosaures d'Alliance Québec qu'ils font partie d'une minorité? Mieux intégrer les immigrants à la majorité? Démontrer qu'on peut se présenter comme un authentique Québécois sans être nécessairement «de souche», blanc, catholique et francophone? tre connu et reconnu à l'étranger uniquement pour son talent, sa compétence ou sa réussite même si on s'appelle Céline Dion, Plamondon ou Bombardier? Modifier son armature industrielle pour qu'elle ne repose plus seulement sur des secteurs «mou » mais sur des technologies de pointe?
On peut cependant aussi penser que le 15 novembre 1976 aura été un des derniers remous provoqués par un raz-de-marée international de la décolonisation qui a longtemps porté le mouvement souverainiste québécois. Un mouvement dont les penseurs s'étaient abondamment nourris aux écrits des Franz Fanon, Albert Memmi ou Jacques Berque, qui les ont amenés à s'identifier aux Algériens et à tous les autres colonisés de la terre. Et à se considérer comme des Nègres blancs... Une image qui peut faire sourire aujourd'hui mais qui correspondait sans doute à une réalité, un certain 15 novembre...


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