Un bel événement indépendantiste

Chronique de Patrice Boileau


Car il en s’agit bien d’un, comme l’ont affirmé Sam Hamad et Jean Charest, fédéralistes notoires d’un gouvernement qui l’est tout autant, à Québec. En décidant de boycotter le Moulin à paroles, ces serviteurs de l’État canadian ont néanmoins démontré que leur administration n’est pas au service de tous les Québécois. (...)
Il leur fallait pourtant s’inspirer des instigateurs qui ont imaginé ce Moulin à paroles, pour commémorer le 250e anniversaire de la bataille des plaines d’Abraham. Ces personnes ont multiplié les efforts pour rendre la cérémonie inclusive. Des fédéralistes modérés ont heureusement répondu à l’appel. Il faut saluer le courage de ces derniers car l’événement historique qui fut souligné ne signale en rien le début d’une ère favorable au peuple de langue française qui fut conquis, bien au contraire.
Et c’est assurément ce qui embarrasse le plus les fédéralistes purs et durs, comme on en retrouve dans le gouvernement Charest. Car chaque fois que cette bataille est évoquée, elle gifle magistralement tous les tenants de la tutelle canadian. Il y en a, malgré tout, tel l’éditorialiste en chef du quotidien La Presse, qui se sont abaissés au point de dénoncer l’annulation du projet de reconstitution de l’affrontement armé, combat que l’on voulait insidieusement dépeindre comme un pique-nique organisé par deux généraux représentant des métropoles en guerre! Une belle fête à l’image de celle à laquelle participent depuis les deux nations du Canada! Ce qu’André Pratte ne dit pas fallacieusement est que l’une dévore l’autre, suite à l’agression.
Sa comparse qui sévit dans la même feuille de chou rampe avec la même malhonnêteté intellectuelle. Son défi lancé aux organisateurs de sélectionner un discours que Pierre-Elliott Trudeau a prononcé durant la campagne référendaire de 1980, montre que Lysiane Gagnon délire profondément. Sans doute voulait-elle que les gens réunis à Québec entendent de nouveau la fausse promesse de changement qu’il a formulée, celle qui mettait des sièges en jeu, à Ottawa! Un serment de Pierre-Elliott Trudeau qui s’est traduit par le coup de force de 1982! La Presse en avait alors remis en tenant René Lévesque responsable du rapatriement unilatéral de la constitution : quelle idée saugrenue de sa part de faire confiance à ses interlocuteurs canadian et d’aller ainsi dormir dans un hôtel de Gatineau, au lieu de les surveiller étroitement! Une autre chimère médiatique que le journal fédéraliste a réussi efficacement à propager dans la tête de nombreux Québécois, dont celles de Gagnon et Pratte…
Les indépendantistes ne jouissent pas des mêmes moyens médiatiques que leurs adversaires. Ni du puissant financement que ces derniers obtiennent de grosses entreprises comme Bombardier, une firme qui a eu sa chance grâce au gouvernement québécois qui lui a octroyé le contrat de construction des wagons du métro de Montréal, dans les années soixante. Une compagnie qui a « invité » ses employés à voter NON, même si ce sont ces deniers qui l’ont grandement aidée... Rares sont donc les occasions de jouir d’une attention médiatique digne de celle qui a été réservée au Moulin à paroles, un happening souverainiste unique, historique et pacifique.
C’est une victoire néanmoins précaire. Des événements comme celui que nous venons de vivre doivent survenir plus fréquemment, afin d’attiser une flamme indépendantiste plutôt fragile présentement. Déjà, l’adversaire canadian prépare la contre-attaque par le biais de l’élection fédérale qui pointe à l’horizon. Un scrutin où l’on tentera de discréditer la présence du Bloc québécois à Ottawa, « condamné à l’opposition éternelle. » Quel creux discours! Voilà pourtant l’instrument politique le plus efficace dont nous disposons pour obliger l’État canadian à écouter les demandes du Québec, en attendant que nos compatriotes comprennent que le quémandage perpétuel est un exercice fatal.
Pour changer la donne, il faudra à nouveau qu’un mouvement de fond origine d’un élan citoyen, pareil à celui qui a été observé dans le cas du Moulin à paroles. Les instigateurs de l’événement ont courageusement refusé de s’effondrer et de prendre leurs jambes à leur cou, face à l’intimidation de leur propre gouvernement! Même sang-froid remarquable devant les attaques des grands pontifes de la presse écrite qui ont toujours dicté à la population le modèle de soumission fédéraliste. Nombre d’épouvantails ont ainsi été agités, dont ceux de l’intolérance, de l’extrémisme et du terrorisme. Au contraire de « l’élite souverainiste » qui siège à Québec, celle qui a abandonné dernièrement certains de leurs alliés, les responsables du Moulin à paroles ne se sont pas laissés intimider. Quel bel exemple de bravoure.
Les gens présents à l’événement ont avoué avoir été transportés par la lecture des textes. Ragaillardis par ce rassemblement de Québécois solidaires et assoiffés de liberté! Je me souviens avoir ressenti pareil sentiment d’enivrement. J’étais au Colisée Jean-Béliveau de Longueuil, bondé alors d’indépendantistes venus écouter des discours de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, quelques jours à peine avant le vote référendaire de 1995. Spontanément, les personnes qui quittaient l’endroit se sont mises à klaxonner. Le tintamarre était joyeux et avait rapidement gagné toutes les rues! J’avais l’impression qu’enfin, tous mes compatriotes avaient compris qu’en s’unissant, rien ne pourrait empêcher la libération du Québec.
Je n’ai jamais depuis savouré de nouveau cette formidable sensation. Qu’il devait être bon de renouer momentanément avec celle-ci, sur les plaines d’Abraham, la fin de semaine dernière. Une émotion à des années lumières de celle que ma belle-sœur a éprouvée, lors d’une escale à l’aéroport Lester B. Pearson de Toronto, voilà deux semaines. Celle qui est originaire d’Argentine s’est alors faite répondre vertement « I dont speak that », par une préposée qui réalisait que la requête n’était pas formulée en langue espagnole, mais bien en français…
Patrice Boileau




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