Trente ans après un référendum

Chronique d'André Savard

Pour les trente ans du premier référendum au Quebec portant sur un “mandat de négocier”, on a reproduit à maintes reprises la question qui devait se mériter un “oui” et un “non”. Les analyses dans l’ensemble ont beaucoup moins insisté sur la signification que l’on prêtait à cette question.
Comme le disait Camil Samson, un député fédéraliste de l’époque, dire “oui”, cela équivalait “à se jeter du haut d’un précipice tout en se disant si ça ne marche pas je ferai marche arrière”. La population se fit aussi dire et redire que l’on essayait de lui “extorquer un consentement”. L’Expression fut une nouvelle fois reprise par le chef du camp du “Non”, dans son discours de la victoire.
Dans les faits, comme Claude Ryan en a fait l’aveu à l’approche de la mort, son livre beige qui promettait un statut particulier pour le Quebec avait été réfuté sans ambages par Trudeau lors d’une conversation privée. Ryan a choisi alors de suivre la consigne du silence même si le premier ministre du Canada lui avait dit que la reconfiguration de la fédération canadienne qu’il disait souhaiter n’aurait pas lieu.
Aussi la fameuse déclaration de Ryan selon laquelle ce “non” émanait d’une population qui refuse qu’on lui extorque un consentement a-t-elle un goût amer. Il était déjà décidé, avant même l’issue du référendum officialisée, que Ryan devrait quitter. Comme on le lui disait souvent dans les cercles fédéralistes, “tu en donnes trop, plus que ce que le client en demande”.
Dans les cercles fédéralistes, il était d’usage de penser que le Quebec ne pouvait pas vouloir autre chose que le Canada à moins de le leurrer. Encore aujourd’hui, les mêmes cercles pensent que ce Canada avec ses techniques de pouvoir, ses paliers gouvernementaux et ses règlements, est si hautement désirable que seule un tissu d’idées fausses, quelque mystification, peut expliquer qu’on puisse vouloir autre chose.
Au moment où la loi sur la clarté fut promulguée, pour se justifier, le législateur Stéphane Dion fit valoir que le Québécois ne pouvait pas vouloir en vérité l’indépendance. Il en voulait pour preuve tel ou tel sondage où les répondants du Quebec disaient croire qu’advenant l’indépendance, le Quebec souverain continuerait d’appartenir à un système plus vaste, inclusif, et intégrateur. Si les répondants québécois croyaient cela, de conclure Stéphane Dion, forcément ils avaient été dupés.
Comme tel, le discours sur l’extorsion du consentement porte. Vu la crise de la crédibilité, dites: “Attention là, vous allez vous faire avoir”, et vous aurez facilement une oreille attentive. La loi dite de la clarté fut donc présentée comme la loi contre l’extorsion du consentement. Dans cette perspective, il passa avec une déroutante facilité, la population du Quebec l’accueillant avec une mollesse consentante.
Aujourd’hui la nation québécoise ne nourrit pas même l’idée qu’elle détient des droits inaliénables qui dépassent le système politique auquel elle appartient.
Elle n’affirme rien unilatéralement. Elle n’a aucune Constitution où elle dit qu’elle possède son territoire et que l’Etat québécois à titre d’Etat national détient une primauté décisionnelle sur toute question engageant le devenir de la nation.
Les indépendantistes eux-mêmes se montrent peu sympathiques à ce genre d’initiatives sous prétexte que c’est une perte d’énergie. Pendant ce temps, le mouvement fédéraliste a été “professionnalisé”. Loin de lutter pour un hypothétique statut particulier, ce mouvement ferme le jeu. Tout fédéraliste qui fait carrière aujourd’hui vous dira que le Canada a ses techniques de pouvoir qui connaissent une évolution normale sous la protection de balises judiciaires qui sont une police d’assurances contre toute volonté indue.
Autrement dit, cessez de vouloir. Ne vous demandez même pas en vertu de quel beau principe vous pourriez vouloir. Tous les beaux principes seront défendus en leur lieu et place par le truchement des instances existantes, provinces, tribunaux et, comme tutelle ultime, le Fédéral.
On comprend l’engouement pour le hockey. Trente ans après le premier référendum, on pouvait rêver de la coupe Stanley à Montréal.
André Savard


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    26 mai 2010

    Monsieur Savard
    Pas surprenant suite à ce que vous venez de relater dans votre article que tout ait foiré surtout avec la classe de politiciens que nous avons au Québec. À part Parizeau, je n'ai jamais senti de la part des politiciens du PQ, depuis son existence, une volonté réelle de faire l'indépendance du Québec. Présentement, regardez aller PQ Marois et ses députés; ils se comportent en p'tits provincialistes sans autre vision du Québec que celle de reprendre le pouvoir. Ils ne réussissent même pas à renverser le gouvernement pourri qui nous dirige actuellement; c'est désolant! Moi, je pense de plus en plus que les Québécois ont abdiqué et qu'ils préfèrent se minoriser et s'assimiler à petit feu dans le Canada plutôt que de se prendre en main. Avec la mentalité de "loosers" que nos politiciens leur inculquent en permanence en maintenant ce statu quo débile dans la fédération canadienne, ce n'est pas très stimulant ni surprenant! Nous manquons de modèles de politiciens forts et déterminés en qui la population pourrait s'identifier mais je n'en vois aucun se pointer actuellement à l'horizon; c'est déprimant à la longue! Pas surprenant que les Québécois s'identifient au club de hockey les Canadiens de Montréal, c'est la seule soupape disponible pour avoir une victoire quand même très mitigée mais palpable tout de même. Il m'a fait plaisir.
    André Gignac le 26 mai 2010

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    25 mai 2010

    @ André Savard:
    «Aujourd’hui la nation québécoise ne nourrit pas même l’idée qu’elle détient des droits inaliénables qui dépassent le système politique auquel elle appartient. Elle n’affirme rien unilatéralement.»
    Effectivement! Et c'est pourquoi les Québécois se laissent dire, et faire, des choses que d'autres n'accepteraient pas.
    On dirait que le Québécois moyen a vraiment, bêtement accepté sa condition (en demeurant à l'intérieur du Canada) de minoritaire en voie d'assimilation, à qui on témoigne pas ou peu de respect en attendant...
    Le simple fait qu'on ait réussi à nous passer un personnage tel que Charest, comme premier ministre, travaillant de façon assez évidente contre les intérêts de notre nation, cela en dit long, je pense.