Le salut par l'Alberta

Chronique d'André Savard

Chapitre Un
[L’Alberta]
Il était certainement pertinent que le Bloc Québécois se penche sur l’état de l’opinion au Canada à propos de la question québécoise. Les résultats ont une vertu pédagogique pour la population en général.
Plus inquiétant est de voir que la mouvance fédéraliste du Quebec ne se distingue plus du “red neck” que par sa connaissance du français. Les principales têtes du fédéralisme au Quebec ont cessé de croire dans le renouveau du fédéralisme conçu comme un fruit de l’évolution provoquée par les demandes québécoises.
Aujourd’hui, les milieux fédéralistes au Quebec préfèrent dire que le Quebec n’est pas seul ou qu’il le sera moins en raisons de compatibilités transcanadiennes naissantes. Ainsi l’Alberta voudrait aussi sa propre commission des valeurs mobilières. L’Alberta ayant une plus grande force économique et tant de crédibilité, ses chances d’exercer des pressions avec succès sont bonnes. Le Quebec n’aura qu’à exiger la parité à chaque fois que des provinces comme l’Alberta parviendront à des ententes.
Il y a longtemps que les milieux fédéralistes au Quebec ont élagué les velléités nationalises d’antan dans leurs milieux. Ils se sont platement ajustés sans s’excuser d’avoir leurré le Quebec avec ledit fédéralisme renouvelé. On ne souffrira pas au Québec d’une absence de droit politique puisque le droit politique de l’Alberta ira en croissant. Si le Quebec n’est pas libre de vouloir pour lui-même, il pourra désormais profiter de la politique d’égalité avec des provinces comme l’Alberta qui, elle, saura avoir une volonté propre.
À ce compte, est-ce que ça vaut encore la peine de voter au Quebec? Ne devrions-nous pas tous déménager et aller voter en Alberta? Si absurde que soit cette question, elle est le corollaire de cette prétention de ne plus rien vouloir à l’échelle du Quebec. C’est le seul tableau possible quand on ne conserve plus la moindre illusion et qu’on demeure décidé d’appartenir au système canadien.
Souhaitons donc que l’Alberta sera capable de conquêtes immenses. Le Quebec sera là après pour dire qu’un droit égal ne saurait être un mauvais droit. Souhaitons que son champ de préoccupations présentera des croisements avec celui du Quebec. La représentation internationale? L’Électrification du parc automobile? La francophonie? Mettons ça en jachère, le temps que l’Alberta pense à quelque chose pour nous sur ces épineux sujets.
Sur une telle lancée, on peut bien déplorer l’absence de “grands projets” au Québec. Souvent ceux qui nous invitent à en inventer nous préviennent qu’on ne doit pas regarder à fond la mécanique du système canadien. Or, des grands projets ne naissent pas au sein d’une nation timorée qui évoque les transformations successives que provoquerait le renforcement de la structure de quelques autres provinces comme grand plan d’amélioration pouvant la concerner.
Mine de rien le Québec a délaissé le sillon qu’il suivait depuis la révolution tranquille. Plus de “maître chez nous”, juste cette moche idée que le moule des provinces est aussi le nôtre.
André Savard


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    18 mai 2010

    Pendant des années le Canada se demandait.. WHAT DOES QUEBEC WANT??
    Maintenant la réponse est claire. Le Québec veut laisser les canadiens faire la job pour eux. Trop mous et trop peureux pour faire la job soi-même, on laisse l ennemi prendre les reines.

  • Archives de Vigile Répondre

    18 mai 2010

    Vous avez ouvert un volet de réflexion qui est porteur: La volonté d'émancipation du Québec se bute au mur du ROC, hors le Canada s'est transformé sans que l'on y prête garde. La monté en puissance de l'Alberta change la donne. Vous l'avez bien compris, c'est maintenant l'Alberta qui dicte ses volontés à Ottawa et non le contraire: Nous sommes à la fin du Canada de Trudeau. J'explique ici les temps forts qui y ont mené:
    http://www.vigile.net/La-fin-du-Canada-de-Trudeau
    Dans ce contexte il importe de comprendre en quoi cela sert notre cause.
    Premièrement il faut comprendre que le fédéral est un État de convenance arbitraire;et , que les provinces sont des États naturels. Que la monté en puissance de l'Alberta finira par remettre en cause la pertinence de cet État fédéral. C'est en prévision de cette confrontation inévitable que l'Alberta veut se donner les assises d'un État capable de remplacer Ottawa dans plusieurs fonctions clé de l'État (Alberta's agenda):
    .......
    "Le réveil de l'Alberta
    À l'image du Québec, la plus riche des provinces canadiennes sera plus revendicatrice et autonomiste... quitte à augmenter les tensions avec Ottawa et le reste du pays"
    (...)
    Virage autonomiste
    La réforme de la péréquation a beau être importante, l'Alberta entend ouvrir d'autres fronts avec Ottawa. Le prochain: créer son propre système de retraite, comme au Québec. Les pensions de la province sont actuellement gérées par Ottawa. «La forme n'est pas arrêtée encore, mais on va mettre en place quelque chose géré par les Albertains, dit le ministre des Finances. On va être plus en contrôle de nos affaires, de notre futur.»
    Cette dernière phrase n'est pas anodine. Elle est lâchée par Ted Morton avec le sourire carnassier de celui qui se prépare à attaquer. Il faut dire que le courant en faveur d'une plus grande autonomie de l'Alberta dans le cadre canadien est de plus en plus fort. Dans les rues d'Edmonton et de Calgary, les citoyens rencontrés par Le Devoir ont le sentiment de pouvoir mieux gérer certains programmes que le gouvernement fédéral.
    (...)
    http://www.ledevoir.com/politique/canada/288636/le-reveil-de-l-alberta
    ......
    Et que ce passera t il si Harper résiste à la volonté d'affranchissement de l'Alberta: La création du Bloc Alberta peut être:
    "How long until disenchanted Alberta Conservatives, inspired by the growing popularity of Wildrose and dismayed by Harper’s move to the centre, pull their own “Bloc Quebecois?” And what happens if Harper is eventually replaced by an eastern conservative with a more centrist tilt?"
    http://www.calgarysun.com/comment/editorial/2010/04/30/13778261.html
    ........
    Avec l'arrivé dans le décors du Wildrose Alliance Party, lequel devance le Parti conservateurs de la province dans les sondages, la dynamique autonomiste de l'Alberta ne fait que commencer. On a intérêt a prendre note, car à la limite cette dynamique a le potentiel de faire sauter le statu quo; et nous ouvrir la cage à castor canadienne.
    Sommes nous prêt. Pendant que les roses sauvages poussent dans le bitume en Alberta, ici au Québec le lys se fane.
    Pour conclure, il importe d'apprécier le contexte (premier principe de la géopolitique) : l'Alberta est un allié objectif du Québec dans sa volonté de faire sauté le statu quo. À nous d'en prendre note et voir comment on peut en tirer partie.
    JCPomerleau
    P.s Merci pour votre analyse M Savard

  • Gilles Bousquet Répondre

    17 mai 2010

    Un nouveau mantra souverainiste : Pourquoi voter puisque le PQ ce n'est pas mieux que le PLQ.
    En plus d'être faux, ça aide le PLQ à se faire réélire. Pas fort, pas fort. Avec ce genre de raisonnement, nous ne sommes pas sortis du bois ni du Canada.