Transport de matières dangereuses : 65 000 immeubles vulnérables

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Un niveau de risque inacceptable

Une cinquantaine de villes du Québec comptent une plus forte concentration d'immeubles résidentiels à proximité d'une voie ferrée que Lac-Mégantic où est survenue la terrible tragédie du 6 juillet. Ces collectivités à risque sont rattrapées par l'actualité. Une réflexion s'impose au sujet de la présence du rail au coeur des quartiers résidentiels.
Pas moins de 65 000 bâtiments résidentiels sont situés à moins de 100 mètres d'une voie ferrée sur l'ensemble du territoire québécois, selon des données que La Presse Affaires a consultées. Quelque 16 500 bâtiments sont situés dans la ville de Montréal, 3800 dans l'agglomération de Longueuil et 1700 à Laval.
Qui plus est, on recense 2 hôpitaux, 69 écoles et 94 résidences et foyers pour personnes âgées à proximité d'un chemin de fer au Québec.
Vaste territoire, le Québec est sillonné par plus de 7111 kilomètres de voies ferrées. Du nombre, 1800 kilomètres appartiennent au Canadien National.
Les données sur les bâtiments proviennent de JLR Recherche immobilière, une entreprise montréalaise spécialisée dans des données relatives au territoire et au registre foncier.
Prenez note que l'étude de JLR traite toutes les voies ferrées sur un pied d'égalité. Dans la réalité, certaines voies ferrées constituent des corridors ferroviaires d'importance, tandis que d'autres fois, ce sont de simples voies de raccordement.
La professeure Danielle Pilette, du département d'études urbaines et touristiques de l'École des sciences de la gestion de l'UQAM, n'est pas surprise de voir pareille concentration résidentielle le long des voies ferrées. La raison étant que les chemins de fer ne sont pas considérés comme des zones à risque dans les schémas d'aménagement des municipalités régionales de comté et des grandes villes du Québec. Aucune zone tampon ne s'applique aux voies ferrées pour le moment, à sa connaissance.
«Ce n'est pas pour rien qu'aujourd'hui, il y a des résidences pour personnes âgées. La municipalité, par l'entremise de l'Office municipal d'habitation, se sert de ces terrains pour y construire des habitations à faible revenu», souligne l'universitaire.
Appel à la mobilisation
Le 11 juillet, l'Union des municipalités du Québec a lancé un appel à la mobilisation au sein d'une Coalition municipale transfrontalière pour la sécurité ferroviaire. Elle souhaite que la Coalition revendique la modernisation et le renforcement des normes qui encadrent les activités des sociétés ferroviaires et qu'elle réclame des mesures de sécurité immédiates pour garantir la sécurité dans les municipalités traversées par des voies ferrées.
Par exemple, la Commission de la sécurité publique de l'agglomération de Longueuil a traité de la question de la sécurité du transport ferroviaire à sa rencontre du 17 juillet. On y a discuté des 11 recommandations récemment mises en place pour prévenir les accidents ferroviaires. «Les recommandations ne sont pas publiques pour l'instant», a dit Alexandrine Coutu, de la direction des communications de la Ville de Longueuil.
Plus de 160 000 wagons de marchandises dangereuses par année circulent sur le territoire de l'agglomération de Longueuil, selon des données de 2007. Le chemin de fer traverse les villes de Saint-Bruno, Saint-Lambert, Longueuil, Brossard et Boucherville, avec 3800 bâtiments résidentiels à moins de 100 mètres des voies.
Pour la professeure Pilette, les villes pourraient aller plus loin en déclarant les voies ferrées comme zone à risque dans le schéma d'aménagement. «On pourrait mettre des distances séparatrices et faire en sorte que les voies ferrées soient vraiment isolées», dit-elle. Évidemment, les bâtiments actuels jouiraient de droits acquis, mais à tout le moins, leur propriétaire ne pourrait pas, à l'avenir, densifier l'occupation des lots visés en construisant, par exemple, des résidences pour personnes âgées.
L'UMQ va créer au début du mois d'août un comité interne sur la sécurité du transport ferroviaire de marchandises en milieu urbain. «Toutes les pistes de solution seront étudiées, y compris la question de l'aménagement du territoire et des zones tampons», assure François Sormany, directeur des communications de l'Union.
Selon la professeure Pilette, cette solution s'imposera d'elle-même dans les prochaines années. «Maintenant que les compagnies d'assurance ont pris conscience du risque, elles imposeront une telle pression sur les municipalités que celles-ci n'auront d'autre choix que de déclarer les voies ferrées comme zone à risque», croit-elle.


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