Tragédie grecque ou européenne?

D'un excès à l'autre, les eurosceptiques jubilent.

Crise de l'euro



Cette crise de la dette souveraine qui n'en finit plus et ce rapport de force entre l'austérité budgétaire et le chaos social ont atteint un point de contagion, dans l'Union européenne et au-delà. La crise grecque est devenue une crise de confiance envers l'euro, et de crédibilité envers l'Europe.
La valse-hésitation européenne ayant pour thème une tragédie grecque vieille d'un an maintenant crée un ras-le-bol généralisé hors de l'Europe. Cet appel à une voix unique venant des États-Unis — une économie qui croule sous le poids des déficits et d'un endettement record et qui risque la paralysie dans ce différend entre démocrates et républicains sur la hausse du plafonnement de la dette — en est un symbole navrant. La Grèce est devenue le terrain de jeu où le bon élève veut faire la leçon aux cancres; où gouvernements et agences de notation donnent dans la réplique revancharde; où FMI, BCE et autres acronymes se font l'apôtre de l'austérité «créatrice» mais aveugle, sans égard à la crise sociale qu'elle peut engendrer. Quant à l'esprit communautaire et mutualiste derrière la création de la zone euro, il se retrouve sacrifié sur l'autel des marchés misant sur la faillite de la Grèce, sur l'effet de contagion d'un défaut grec et sur l'échec maintes fois prophétisé d'un modèle de monnaie commune sans union politique.
Cela ne faisait pas très sérieux venant des États-Unis, mais voir le secrétaire au Trésor Timothy Geithner dénoncer la cacophonie européenne nous ramenait aux faiblesses de ce chantier inachevé qu'est la zone euro. Et aujourd'hui, l'incapacité communautaire à venir en aide à un de ses membres, même s'il est son plus mauvais élève, est devenue une préoccupation mondiale. Tant la Réserve fédérale américaine que le Comité européen des risques systémiques multiplient les mises en garde contre les risques potentiels d'une contagion. Selon Jean-Claude Trichet, président du Comité et également président de la Banque centrale européenne, «la plus sérieuse menace qui pèse sur la stabilité financière dans l'Union européenne vient de l'interaction entre les vulnérabilités des finances publiques dans certains États membres et le système bancaire, avec des effets de contagion potentiels dans l'Union et au-delà». Notamment par le jeu de l'interconnexion entre les institutions financières et des écarts de taux sur le marché obligataire.
Dans un coin, l'Allemagne intransigeante et entretenant la confusion, jadis grande bénéficiaire de l'euro, devenue le bon élève et le principal moteur de croissance de la zone, qui rechigne à payer pour les dérives grecques. De l'autre, la Grèce repentie mais en faillite, désormais grande bénéficiaire de l'euro, devenue le mauvais élève et la principale composante de ce qui a été qualifié de Club Med au sein de la même zone. Un bonnet d'âne d'autant plus mérité que le gouvernement grec précédent a maquillé les chiffres en cachant l'endettement véritable du pays lors de son entrée dans l'union. Aujourd'hui, Allemands et BCE aimeraient voir la Grèce remettre de l'ordre dans la demeure, notamment en s'attaquant à l'évasion fiscale endémique minant ses finances publiques et en pigeant dans un portefeuille où abondent les éléments d'actif et les sociétés d'État.
Entre les deux, on retrouve les autres bénéficiaires du plan d'aide que sont l'Irlande et le Portugal. Et la France, dont les banques sont très engagées dans la zone et exposées à la dette grecque, épaulée par ceux qui craignent une propagation de la crise, soit l'Espagne, l'Italie et la Belgique.
S'ajoutent à l'intransigeance de l'Allemagne des agences de notation, fortement critiquées par ces mêmes pays européens pour ne pas avoir vu venir la crise financière de 2008, qui s'amusent à multiplier les décotes et à miser sur les risques de défaut souverain. Et les marchés, comprenant les fameux spéculateurs maintes fois dénoncés par ces mêmes pays européens, qui voient dans la crise l'échec de la monnaie unique.
Ce mélange explosif est complété par un appel aux efforts budgétaires visant à endiguer un endettement public massif empruntant à l'austérité sans autre discernement, sans que ces pays puissent bénéficier d'un levier monétaire et du recours à la planche à billets. Tout cela, bien sûr, sans recourir à la restructuration de la dette ou à toute autre approche créative qui pourrait entraîner un «événement de crédit» susceptible d'être interprété par les agences de notation comme un défaut de paiement. On n'en sort pas.
L'ONU a ajouté hier sa voix aux critiques reprochant à l'Union européenne d'utiliser l'approche du bâton et de la carotte longtemps associée à la façon de faire du Fonds monétaire international. Les politiques économiques d'austérité peuvent engendrer un cercle vicieux «faible croissance-faible progrès social», a souligné l'ONU dans son rapport. Par ricochet, elles risquent d'exacerber et de prolonger les conséquences négatives d'une crise.
D'un excès à l'autre, les eurosceptiques jubilent.


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