Deux fois plus de suicides en Grèce depuis fin 2008

Crise de l'euro



Par Guillaume Errard - À Thessalonique, un homme, âgé de 55 ans, s'immole à l'entrée d'une banque, après avoir demandé, en vain, selon la police, à l'établissement financier une renégociation de ses remboursements.
À Thessalonique, un homme, âgé de 55 ans, s'immole à l'entrée d'une banque, après avoir demandé, en vain, selon la police, à l'établissement financier une renégociation de ses remboursements.

Depuis le début de l'année, le ministère de la Santé grec a même recensé 40% de suicides en plus. En trois ans, le taux de chômage a doublé.
Les chiffres font froid dans le dos. Depuis le début de la crise en 2009, le nombre de personnes qui se sont données la mort a doublé en Grèce, selon les chiffres du ministère de la Santé repris par le Wall Street Journal. Sur les cinq premiers mois de l'année, il y aurait même eu 40% de suicides en plus par rapport à la même période l'an passé. Ces chiffres sont d'autant plus impressionnants que selon l'autorité statistique grecque, le taux de suicide de la Grèce figurait parmi les plus bas de l'Union européenne entre 1990 et 2009.
Chômage, incapacités à rembourser ses dettes sont autant d'explications à ces gestes du désespoir. Selon les chiffres de Banque nationale de Grèce, le taux de chômage a doublé en plus de deux ans, à plus de 16%. «C'est l'illustration que la rigueur n'est pas la solution pour relancer la Grèce, affirme Céline Antonin, économiste à l'Office français des conjonctures économiques. La rigueur mène à la récession puis à la crise sociale. En asphyxiant les ménages (hausse de la fiscalité, baisse des salaires…), le pays se prive d'un moteur pour relancer la croissance».
Une grève générale des transports a été déclenchée ce jeudi à Athènes. «L'aéroport grec n'est pas à vendre» peut-on lire.
Une grève générale des transports a été déclenchée ce jeudi à Athènes. «L'aéroport grec n'est pas à vendre» peut-on lire.
De 10 à 100 appels d'urgence par jour en trois ans
L'accumulation de mesures d'austérité prouve surtout que le pays n'arrive pas à sortir de la crise. Une nouvelle grève générale des transports a d'ailleurs été déclenchée ce jeudi à Athènes en réaction au nouveau train de mesures annoncé par le gouvernement grec mercredi. D'autres mouvements sont prévus le 19 octobre. Le pays a connu une crise financière, puis une crise économique, enfin une crise sociale. Va-t-on assister à une crise suicidaire en Grèce ? «Je ne sais pas si l'on peut parler de crise suicidaire, déclare un sociologue. Mais il est certain que si le gouvernement ne prend pas conscience qu'il est en train de «tuer» ses compatriotes, le taux de suicide pourrait sérieusement s'accroître. Les Grecs sont asphyxiés». Cela rejoint les propos du ministre polonais des Finances, Jacek Rostowski, qui craint une «guerre» au sein de la zone euro !
Certains entrepreneurs n'hésitent pas à profiter de la situation critique de certains résidents étranglés financièrement en recourant à des «loan sharks». Autrement dit des prêts risqués à des taux d'intérêt illégalement élevés. La plupart du temps, ces personnes ont recours à la violence pour réclamer le remboursement des prêts. «Sauf à effacer partiellement la dette grecque, je ne vois pas la Grèce revenir sur ses mesures d'austérité. C'est plutôt à l'Union européenne de prendre conscience de cette situation», déclare Céline Antonin.
Une organisation caritative grecque, Klimaka, a mis en place, selon le Wall Street Journal, une ligne téléphonique d'urgence pour prévenir les suicides. Les employés affirment recevoir 100 appels par jour contre 10 avant la crise. La catégorie la plus concernée ? Les hommes âgés entre 35 et 60 ans, financièrement ruinés. «Ces hommes ont perdu une part de leur identité en tant que mari et gagne-pain de la famille et ne se considèrent plus comme des hommes», raconte Aris Violatzis, psychologue de l'organisation.


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