PERSPECTIVES

Tout ça pour ça?

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La commission Godbout n’a pas cherché le moyen de réduire le poids global des impôts, mais de quelle façon on pourrait aller chercher cet argent le plus efficacement

La fiscalité est une question importante, mais aride et complexe, où les grandes révolutions sont rares et les préjugés tenaces.
On voit couramment les menaces de hausse de taxes ou les promesses de baisse d’impôts défrayer la manchette des journaux, mais on n’a pas souvent l’occasion de faire le point sur l’état et la logique générale de notre régime fiscal comme nous invite à le faire le rapport de la commission Godbout dévoilé jeudi.

Précédé de consultations publiques et de forums citoyens, et accompagnées de plusieurs dizaines d’études d’experts et de mémoires soumis par toute sorte de groupes et de gens, ce rapport de plus de 700 pages constitue d’abord un impressionnant portrait d’ensemble de la situation.

Bien que d’un ennui mortel et reposant sur beaucoup plus de chiffres que peut en ingérer un esprit normalement constitué, ces questions sont essentielles. La fiscalité détermine les revenus de nos États modernes. Elle joue aussi un rôle dans le partage de la richesse, en plus d’être un puissant moyen de modeler les règles de fonctionnement de nos sociétés et d’influencer les comportements des individus.

La commission Godbout n’a pas cherché le moyen de réduire le poids global des impôts, mais de quelle façon on pourrait aller chercher cet argent le plus efficacement et avec le moins de dommages pour la croissance économique et l’équité du système possible. Elle a accepté comme un prérequis la plus grande tendance au Québec qu’ailleurs en Amérique du Nord à favoriser un plus grand repartage de la richesse entre mieux et moins nantis, ainsi que la répartition actuelle du fardeau fiscal entre les particuliers et les entreprises.

Sa recommandation principale est de très légèrement réduire les impôts sur le revenu des uns et des autres et de compenser ces pertes par une hausse de 10 % à 11 % de la taxe à la consommation, l’augmentation d’autres tarifs, notamment de l’électricité, et une réduction de toutes sortes de crédits d’impôt. Elle propose, à plus long terme, qu’on s’inspire du modèle en vogue chez les experts appelé « imposition duale du revenu » l’on applique un impôt progressif aux facteurs les moins mobiles (revenu de travail, consommation…) et un taux fixe plus bas sur les facteurs plus mobiles (profits, gains de capital…).

Pas de révolution

Le rapport de la commission est largement en phase avec ce qu’on entend, ces temps-ci, de la part de la part des grandes institutions comme l’OCDE et autres experts internationaux, à une exception près. On y fait relativement peu de cas du virage vers l’écofiscalité fortement recommandé un peu partout, si l’on exclut la hausse des tarifs d’électricité et de la taxe d’essence.

On a aussi choisi de botter en touche certaines questions délicates comme le principe d’utilisateur-payeur en santé et les frais de scolarité dans les universités.

La commission Godbout estime que tous les changements qu’elle propose rapporteraient au Québec, à terme, 600 millions d’investissements supplémentaires, 20 000 emplois de plus pour un ajout de 2 milliards à son produit intérieur brut (PIB). Ce ne serait pas si mal, mais quand même moins de 1 % du PIB.

La commission Godbout se défend en disant qu’elle s’est fiée au modèle de simulation du gouvernement et a préféré se faire conservatrice. D’autres estimations de l’OCDE feraient miroiter un gain de 1,2 % à 4,6 % du PIB.

Elle ajoute que l’impact du repartage de l’assiette fiscale aurait pu être plus grand si le Québec avait disposé de plus de marge de manoeuvre pour augmenter les taxes à des endroits et les baisser ailleurs. Mais comme presque toutes ses taxes sont parmi les plus élevées en Amérique du Nord, il ne peut presque plus les augmenter nulle part.

La cassette

Le rapport Godbout n’avait pas encore été imprimé qu’on y réagissait déjà avec des arguments usés à la corde.

Les uns répètent sans cesse, par exemple, que les taxes, les dépenses publiques et la dette dépassent toute mesure au Québec et sont le fruit d’un interventionnisme débridé. Or, à défaut d’entendre les nuances apportées à ce sujet par la commission, ces voix donneront peut-être crédit à l’étude qu’elle a commandée au FMI et où l’on observe que ce sont surtout le reste du Canada et les États-Unis qui se démarquent des autres pays développés à ce chapitre.

Les autres radotent qu’une baisse des impôts en échange d’une hausse des taxes à la consommation conduira nécessairement à un régime fiscal plus régressif, alors que pas plus tard que mardi, une étude commandée à l’IREC par la Centrale des syndicats du Québec rappelait, pour une énième fois, que c’est exactement le contraire qui s’est produit au Québec les 15 dernières années, grâce notamment aux transferts sociaux aux plus démunis que le rapport Godbout propose aussi d’augmenter.

Finalement, la plus grande contribution — et le plus grand défi — de ce rapport ne sera peut-être pas là où on le croit. Ce serait déjà bien s’il permettait de lancer sur de meilleures bases factuelles un débat ouvert et éclairé sur l’enjeu ennuyant mais important de notre régime fiscal.


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