À moins de s’entendre sur le sens, la signification, la portée et la dynamique des mots, on ne peut régler les affaires de l’État.
Confucius
Je lis encore un peu partout des textes parfois « savants » qui parlent de la nation québécoise comme d’une « théorie » et de l’État comme une « idéologie ». Et comme chacun et chacune a son opinion et a droit à son opinion, il n’y a pas lieu d’exercer la moindre critique à de tels épithètes gratuits. On est cartésien ou on ne l’est pas.
Ni théorie ni idéologie, selon la géographie et sa branche géopolitique, qui sont des disciplines concrètes et relationnelles, parce qu’existentielles et que l’existence est relation en acte et en puissance, une nation est une société territoriale, une société qui possède un territoire, effectivement son territoire, duquel elle tire la subsistance, l’identité et la raison de vivre.
Posséder est un terme relationnel et actif qui signifie aptitude et capacité d’utiliser le territoire jusqu’au maximum de ses possibilités.
Avoir et posséder n’ont pas le même sens. Avoir est auxiliaire et posséder relationnel et actif.
Comparons sommairement cette définition avec d’autres champs d’activité. Par exemple, je peux avoir un violon sans posséder le violon et l’inverse est aussi vrai. Si je possède le métier de charpentier, c’est que je puis, avec l’équipement nécessaire, construire des structures et des charpentes solides qui vont durer longtemps.
De même en matière territoriale, on peut occuper un territoire sans le posséder, comme les enfants de la nature qui y vivent mais n’investissement aucun effort pour l’aménager et le mettre en valeur.
Les pouvoirs en place aussi peuvent AVOIR un territoire sans le posséder, comme les monarchies qui possèdent les titres sur des territoires mais ne les possèdent pas activement.
La prise de possession d’un territoire peut se faire d’un coup, par une guerre ou un coup de force. Elle peut se faire aussi par osmose, par exploration, développement et mise en valeur.
C’est ce que nous avons fait, nous, Québécois, descendants des colons de Nouvelle France. Nous avons pris possession d’abord de la vallée du Saint Laurent, non par violence armée mais par le dur travail de défrichement d’un sol ingrat, probablement le plus dur et le plus inhabitable du monde. Par notre travail acharné, nous avons transformé ce milieu impitoyable pour en faire un beau pays.
Nous avons également aidé la France, puis l’Angleterre, à explorer les régions situées plus à l’ouest dans le Saint Laurent jusqu’aux grands Lacs. C’est grâce aux possibilités offertes par les basses terres des Grands Lacs que l’Angleterre et les États-Unis sont entrés en guerre après la guerre de l’indépendance américaine.
En stratégie de guerre comme en stratégie d’État, comme en stratégie de commerce, on s’empare des terres basses, celles qui offrent le plus de possibilités d’aménagements et de communications et le reste tombe par la suite.
Les Anglais le savaient et le savent encore, (ils me l’ont appris). Les Français et les Américains aussi le savent. Toutes les guerres ont pour enjeu la possession des basses terres et des carrefours de communications. Le reste vient ensuite.
Autre facteur de conquête territoriale : le simple achat de propriétés, sites et domaines. C’est aussi ce que nous avons fait.
Rappelez-vous les FAITS HISTORIQUES LES PLUS PERTINENTS DE NOTRE HISTOIRE, DES FAITS, NON DES THÉORIES.
Premier FAIT :
Premier aménagement de l’axe du Saint Laurent, travail exténuant qui a duré de la fondation de Québec en 1608, jusqu’en 1763, lorsque l’Angleterre prit possession de jure mais non de facto du territoire qui avait été la Nouvelle France. Dans ce milieu difficile. Les colons de Nouvelle France avaient accompli une première osmose territoriale apte à assurer leur continuité malgré la présence anglaise.
C’est par un acte diplomatique, en l’occurrence le traité de Paris du 10 février 1763, non par les batailles, dont celle des plaines d’Abraham et de Sainte Foy, que le territoire de la Nouvelle France a passé aux Anglais. Les motifs qui entourent ce traité ne sont écrits nulle part sauf dans les FAITS PERTINENTS de l’époque. Entre autres :
1. Les Anglais n’étaient nulle part en position géopolitique de force. Les Yankees de Nouvelle Angleterre, forts de leur deux millions de membres, se préparaient pour une guerre d’indépendance avec l’aide militaire et logistique de la France. En Europe, l’Angleterre était impliquée dans les détroits scandinaves, dans la Baltique, la Méditerranée et la mer Noire. Partout sur la Planète, les Anglais poursuivaient leurs guerres coloniales. Pas si simple l’Histoire.
2. Pour les Anglais, le Saint-Laurent, c’était la voie stratégique et logistique, la tête de pont naturelle vers la Nouvelle Angleterre. En cas de défaite, le Saint-Laurent pouvait servir de dernière redoute en attendant d’avoir les moyens de reprendre et poursuivre la guerre contre les Yankees. L’Angleterre ne pouvait se permettre de perdre une colonie aussi riche, la plus riche de l’Empire.
3. Comme le Saint Laurent est presqu’inhabité parce qu’inhabitable, les Anglais ont besoin des colons de Nouvelle France pour en obtenir une aide logistique et militaire contre les Yankees de Nouvelle Angleterre.
C’est ce qui explique l’Acte de Québec de 1774. Sans le savoir, les colons du Saint-Laurent sont en position de force. Leur expansion territoriale d’est en ouest se poursuit. Ce contexte particulier se maintient jusqu’en 1860, année des chemins de fer et de l’ouverture du pont Victoria. Apparition des classes moyennes chez les descendants des colons de Nouvelle France.
Deuxième FAIT :
Conquête territoriale par achats successifs de propriétés, sites et domaines appartenant aux Loyalistes par les Québécois descendants des colons de Nouvelle France.
Deux facteurs majeurs sont en cause dans cette conquête :
1. La construction des chemins de fer par les Anglais, toujours en guerre contre les Yankees. Depuis Halifax jusqu’au pont Victoria et vers l’Ontario méridional et l’Ouest, le chemin de fer des Anglais a pour objet de fournir la logistique nécessaire à la poursuite de la guerre contre les Américains.
2. L’ouverture du canal Érié reliant New York aux grands Lacs, qui assure aux Américains une première hégémonie sur les grands Lacs.
Encore une fois, les Anglais ont besoin de nous. Nous en profitons pour acheter les propriétés des Loyalistes qui déménagement du Québec vers l’Ontario méridional. Cette conquête est achevée aux débuts de la révolution tranquille en 1960.
Troisième FAIT :
Aménagement des autoroutes, progrès de la technologie et consolidations territoriales avec le développement des nouvelles connaissances. Le Québec s’oriente vers l’État, qui n’est pas une idée mais une société architectonique et ontologique.
La nation est UN FAIT ACCOMPLI, ET NON UNE SIMPLE VUE DE L'ESPRIT.
Le moment est venu pour nous de changer de mentalité et de définir rigoureusement nos termes pour l’action à entreprendre dans l’avenir.
Les principes qui gouvernent l’agir d’envergure sont intangibles et inorganiques. Ils ne sont pas des théories creuses et encore moins des idéologies.
JRMS
Théorie c. Intangible et Inorganique
La nation est un fait accompli et non une simple vue de l'esprit
Tribune libre
René Marcel Sauvé217 articles
J. René Marcel Sauvé, géographe spécialisé en géopolitique et en polémologie, a fait ses études de base à l’institut de géographie de l’Université de Montréal. En même temps, il entreprit dans l’armée canadienne une carrière de 28 ans qui le conduisit en E...
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J. René Marcel Sauvé, géographe spécialisé en géopolitique et en polémologie, a fait ses études de base à l’institut de géographie de l’Université de Montréal. En même temps, il entreprit dans l’armée canadienne une carrière de 28 ans qui le conduisit en Europe, en Afrique occidentale et au Moyen-Orient. Poursuivant études et carrière, il s’inscrivit au département d’histoire de l’Université de Londres et fit des études au Collège Métropolitain de Saint-Albans. Il fréquenta aussi l’Université de Vienne et le Geschwitzer Scholl Institut Für Politische Wissenschaft à Munich. Il est l'auteur de [{Géopolitique et avenir du Québec et Québec, carrefour des empires}->http://www.quebeclibre.net/spip.php?article248].
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5 commentaires
Archives de Vigile Répondre
6 avril 2013Merci pour votre franchise. Je demeure très intéressé à connaître votre point de vue sur ces documents.
Archives de Vigile Répondre
5 avril 2013J'attache plus d'importance à la langue formelle, écrite parce que plus pertinente et relationnelle que le verbalisme des communications orales.
Je suis convaincu que le courriel ira beaucoup plus loin que le cellulaire. Les disques durs aussi iront plus loin.
Étant trop occupé à rédiger mes propres ouvrages, je n'ai pas examiné les travaux de Monsieur Nantel. Je vais le faire pour vous communiquer mes impressions mais donnez-moi du temps. Vous savez que je ne saute pas rapidement sur les conclusions. Ce serait contre ma discipline.
JRMS
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Archives de Vigile Répondre
5 avril 2013L'émission "Point de mire" n'avait-elle pas contribué à secouer l'inertie de la situation québécoise à la fin des années 1950?
Vous dites : "L’arme qui fait tomber les États c’est l’écriture, mais à la condition de savoir s’en servir comme arme". Une série de vidéos n'est-ce pas justement l'écriture d'aujourd'hui ?
J'espérais de votre part une réflexion un peu plus directement appliquée à l'utilisation des documents de Monsieur Nantel comme arme pour secouer l'inertie ambiante.
Archives de Vigile Répondre
5 avril 2013Monsieur Bouthilier,
Monsieur Nantel est ingénieur, calculateur, technique,
rationnel et systématique.
Je suis géographe, pas technique du tout, pas rationnel mais relationnel, toujours en rapport avec la Réalité, non pas objective mais radicale et semelfactive.
En géopolitique, on m'a appris que la grande force qui mêne le monde, c'est L'INERTIE DES INSTITUTIONS EN PLACE.
J'ai fini par comprendre que l'inertie est la force qui mène les empires et les fait tomber. J'ai identifié cette force dans le cas des États Unis, qui vont tomber par inertie, ce qui veut dire que leur bureaucratie gigantesque ne pourra s'adapter aux conditions changeantes qui s'annoncent.
L'inertie, je l'ai bien connue comme officier d'État-major dans l'armée. C'est parce que j'ai pu l'identifier que j'ai pu faire changer quatre articles de la Loi militaire qui étaient mal rédigés et finalement faire tomber deux quartiers généraux: celui de la Force Mobile è Saint Hubert, devenu la mairie de Longueuil, et celui du 3530 Atwater à Montréal, devenu un complexe d'habitation.
Et maintenant, un secret à ne pas oublier: l'arme qui fait tomber les États, si vous voulez les faire tomber, ce n'est ni les canons, les bombes et les fusils: c'eat l'écriture, mais à la condition de savoir s'en servir comme arme. Elle doit être froide, sans émotion ni sentiment, seulement fondée sur les principes et factuelle. Je vous le dis par expérience.
Parce que le Canada n'est pas un grand État, il va survivre aux États Unis. Ne me croyez pas si vous voulez. Ce qui va faire tomber Ottawa, c'est la croissance naturelle des provinces vers le statut d'États neufs, dotés de leur propre inertie.
C'est pourquoi j'insiste sur l'histoire et le développement des communications comme facteur majeur de développement de nouevaux pouvoirs, y compris le nôtre.
L'inertie, par contre, on commence déjè à la voir apparaître dans la bureaucratie québécoise, avant même la naissance de l'État.
Tous les peuples des nouveaux États se plaignent de l'inertie de leur propre bureaucratie.
Dans l'Église catholique, alors que je suis resté pratiquant, j'ai néanmoins identifié l'inertie terrible de la bureaucratie vaticane. Aucun pape n'a rèellement réussi à la vaincre et je ne sais pas comment le nouvau pape y arrivera.
Je passe sous silence les grands maux engendrés par la force d'inertie des États en place, les moins graves provenant des petits États. C'est pourquoi tant d'auteurs parlent de la vertu des petits États...
Je poourrais vous donner des semaines de cours sur les facteurs et les vecteurs de l'inertie des États et comment il faut savoir écrire pour la vaincre.
Premier facteur: le libellé de la Loi, confronté à la Réalité et aux principes universaux de l'action et de la stratégie d'État, que peu de gens connaissent.
Salutations cordiales
JRMS
Archives de Vigile Répondre
5 avril 2013@ JRMS
À première vue votre présentation me paraît passablement éloignée de l'occupation du territoire québécois telle que présentée par Jean-Jacques Nantel dans ses vidéos.
Il serait intéressant de connaître votre opinion sur les faits tels que présentés dans ces vidéos.