Le Québec ne siègera pas à l'Unesco. Les éminences grise du Parti conservateur n'avaient pas pris la peine de vérifier si la chose était compatible avec les règles de l'organisme. Les éminences drabes qui s'activent à faire la promotion du Canada inconditionnel, chez Gesca ou au Parti libéral du Québec ne demandaient pas mieux que d'y croire et ne voyaient donc aucune raison d'aller aux sources. Quant à l'état-major du Bloc, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'a pas davantage impressionné là qu'il ne l'a fait dans le reste de cette campagne et depuis. Le Québec a pété de la broue tout au long de cette campagne électorale. Mais qu'à cela ne tienne !
Ce n'était pas le temps ni l'occasion d'en faire un coup d'envoi pour lancer l'offensive souverainiste. Ce pouvait donc toujours être le moment de se rafraîchir les mantras canadian. Un vent nouveau souffle donc sur le Qué-Can. Le premier ministre nous aime! et d'un amour véritable, à part ça. On ne pouvait en avoir meilleure preuve que cette visite à Québec. Ça c'est de l'amour, foi de maple leaf ! Prendre la peine de se déplacer au cœur de la bourgade pour venir dire que le Québec pourra prendre « part à toute future délégation canadienne à l'Unesco » (Le Devoir, 9 mars), il faut le faire. Il faut en avoir du respect et de la considération ! Le Canada va même jusqu'à envisager la possibilité de nous donner une permission occasionnelle d'avoir l'air de ce qu'il veut bien que nous montrions de nous-mêmes.
Décidément, notre premier sous-ministre avait de quoi bomber le torse, la maison-mère venait lui livrer les clés de l'avenir. C'était bien assez pour se mettre à vendre des morceaux de parc au nom du développement durable. Après tout, on est canadian ou on l'est pas : on dit une chose pour mieux consentir à son contraire. On parle pour tuer le langage et brouiller tous les repères. Il ne se passe rien mais ce rien est significatif. Les miettes deviennent un pactole. La réclamation pour le règlement du déséquilibre devient de plus en plus évanescente, l'important étant « que le Québec en reçoive plus que maintenan t». Harper prend son temps mais c'est la preuve que tout s'accélère.
On nous a donc dit que le fédéralisme d'ouverture tourne à plein régime : Jean Charest s'est fait dire d'attendre deux autres rapports et de repasser au printemps. Mais il était content, notre courtier. Harper va envoyer ses chèques aux parents, il n'y aura vraisemblablement pas d'ajustement compensatoire pour l'abandon de l'entente sur les garderies, mais il comprend que cela « provoque des difficultés pour le Québec ». Et c'est bien connu, c'est tout ce que réclame le Québec, un peu d'empathie, de la compréhension et si, possible - mais n'exagérons rien - quelques symboles creux pour mieux se convaincre que ses reculs ne sont pas si graves. Harper lui a promis qu'il attendrait jusqu'au printemps avant de commencer à attendre les résultats d'un long et difficile processus de négociation De quoi fouetter le sang, à notre premier sous-ministre ! De quoi lui donner toutes les audaces.
Ah ! il a été bien servi par Ottawa, notre conservateur de la nature. On répète même dans les chaumières qu'on l'a vu ce soir-là marcher sur la glace mince du lac Memphrémagog. La rumeur veut que ses conseillers aient dû le retenir de se lancer seul, et de nuit, à l'ascension du Mont-Orford pour aller y enterrer, au sommet, le rapport Coulombe sur le projet de Casino. C'est un endroit propice pour méditer, il y a tant et tant à vendre. Toute cette eau qui coule en vain vers la mer, tous ces paysages usés par des yeux non solvables. Et notre égarement national qui nous a tant fait rêver au-dessus de nos moyens. Si seulement, le Québec tout entier pouvait voir de là-haut tout ce que voit la clique du lac...
Il le portera donc sur ses épaules le mandat du ratatinement. Il le portera jusqu'aux pieds de Stephen Harper, jusqu'au comptoir du Mont-de-piété. Le fédéralisme d'ouverture lui a gonflé l'abnégation. Il fera tout le nécessaire pour ajuster les ambitions aux moyens de la province. La solitude des cimes, il connaît, lui, il sait les bienfaits de la raréfaction de l'oxygène.
Que tous les encanteurs se le tiennent pour dit, la province de Québec va tout mettre en œuvre pour faire profit de son environnement. C'est bien connu, le Canada des inconditionnels est une terre propice au sous-développement endurable. Maintenant que la soif de symbole est étanchée, la prochaine visite de Stephen Harper pourra avoir lieu au Mont-Orford, dans un condo loué par le gouvernement provincial dans le cadre d'un PPP. Là, au moins, l'élite sait faire en matière de prospérité.
D'ici là, il faudra faire évoluer les mentalités. Il y aura au cours des prochains mois publication de nombreux et savants sondages commandités par Gesca, une série de reportages sur les tendances porteuses dans l'immobilier haut de gamme, un rapport de l'Institut économique de Montréal sur le formidable potentiel des projets récréo-touristiques de classe mondiale, et un grand dîner-conférence donné à Magog par Claude Boulay ou quelqu'autre baron de la pub pour vanter les avantages économiques de la sujétion mercenaire. C'est le marché d'abord qui viendra au secours de la province. On peut toujours attendre qu'Ottawa veuille bien nous redonner une partie de nos impôts, mais ce serait irresponsable de ruiner l'avenir des générations futures en refusant de vendre maintenant les biens de famille. Le futur, c'est bien connu, se transige mieux dans le présent.
Harper a beau nous enfoncer dans les marécages, c'est la montagne qu'on nous met en vente. Et le Canada nous fera l'honneur de laisser cours légal à la monnaie de singe, celle avec laquelle on vend des pays pour que des goinfres achètent des parcs, celle avec laquelle on paie les chorales pour se faire donner l'hymne national et les rengaines du progrès.
A ceux-là qui ne l'auraient pas encore compris, l'actualité estrienne et provinciale vient redire que le Québec avance et d'un bon pas. Il fonce même dans son destin avec l'assurance d'un kamikaze. La médiocrité nous gagne. Le gouvernement Charest ne négligera rien pour en faire un horizon indépassable.
Stephen Harper au Mont Orford
Chronique de Robert Laplante
Robert Laplante173 articles
Robert Laplante est un sociologue et un journaliste québécois. Il est le directeur de la revue nationaliste [L'Action nationale->http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Action_nationale]. Il dirige aussi l'Institut de recherche en économie contemporaine.
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Robert Laplante est un sociologue et un journaliste québécois. Il est le directeur de la revue nationaliste [L'Action nationale->http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Action_nationale]. Il dirige aussi l'Institut de recherche en économie contemporaine.
Patriote de l'année 2008 - [Allocution de Robert Laplante->http://www.action-nationale.qc.ca/index.php?option=com_content&task=view&id=752&Itemid=182]
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