Son combat contre l’ambiguïté et la peur

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L'Indépendantiste debout

Durant toute sa carrière politique, Jacques Parizeau fut en butte aux circonvolutions des étapistes, puis aux compromissions des promoteurs du « beau risque ». Après sa démission à la suite de la défaite référendaire, c’est avec les tenants des conditions gagnantes qu’il a eu maille à partir.


 

À l’automne de 1984, Jacques Parizeau, dans un mouvement qui entraîne six autres ministres et trois députés, abandonne ses fonctions de ministre des Finances et son siège de député, incapable de se rallier au virage de René Lévesque qui souhaite nouer une nouvelle entente avec le Canada. « La souveraineté est quelque chose de non seulement valable, mais nécessaire », déclare-t-il.


 

« Moi, je n’ai jamais aimé l’ambiguïté des concepts », explique-t-il à son biographe Pierre Duchesne. Il juge qu’en politique, « le court terme s’accommode très bien de l’ambiguïté », mais qu’à long terme, l’histoire n’en retient rien. Et s’il s’est mis au service de René Lévesque qui était « à l’image de la société dans laquelle il vivait, ambigu, incertain [vivant] avec beaucoup de frayeurs, beaucoup d’hésitations », c’est qu’il partageait avec lui le même objectif. Et pour espérer y arriver, Jacques Parizeau a avalé les couleuvres de l’étapisme, défendu par Claude Morin, et l’apparition du trait d’union rentre les mots souveraineté et association.


 

Si René Lévesque était sensible à l’insécurité atavique des Québécois, il en était tout autrement de Jacques Parizeau qui, coulé dans le moule de la haute bourgeoisie montréalaise, plein d’assurance, n’était pas né pour un petit pain. À ses conseillers qui lui demandaient de tenir compte de l’opinion exprimée par la majorité des électeurs dans les sondages, Jacques Parizeau avait cette réponse : « Au contraire, moi, je cherche à faire qu’une majorité de gens dérivent vers ma position. »


 

Offensive diplomatique à Paris et Washington


 

Pour lui, un référendum sur la souveraineté, ça se prépare de longue haleine. Élu chef du PQ en 1988, puis député l’année suivante, il s’attelle aux préparatifs de la consultation populaire mais planifie aussi les suites à donner à une victoire du Oui. Il mène une offensive diplomatique en France où, comme chef de l’opposition officielle, il rencontre le président français, François Mitterrand, pour discuter de la reconnaissance du nouvel État. Il se rend à Washington.


 

La franchise, souvent, lui tenait lieu de stratégie politique. Ainsi, en janvier 1993, il annonce à des militants que le Québec pourrait accéder à la souveraineté lors de la Saint-Jean-Baptiste en 1995. Il propose une question référendaire que l’on qualifierait aujourd’hui d’écossaise : « Acceptez-vous que le Québec devienne un pays souverain le 24 juin 1995 ? » Jacques Parizeau privilégiait une approche que d’aucuns jugeaient qu’elle n’était pas politicienne : il disait ce qu’il pensait.


 

Les résultats de l’élection du 12 septembre 1994 — 44,7 % pour le PQ et 44,4 % pour le PLQ — ne sont pas à la hauteur de ses attentes. Mais ils n’entament pas sa détermination.


 

Homme de décision, Jacques Parizeau se plie toutefois à la plate réalité politique. Ainsi, il reporte à l’automne le référendum qu’il avait prévu de tenir au printemps. Il accepte que la question porte sur la souveraineté mais assortie d’une offre de partenariat, un compromis qui permet de former cette coalition composée du PQ, du Bloc québécois, dont le chef Lucien Bouchard s’avère incertain et hésitant, et l’Action démocratique du Québec de Mario Dumont. Surtout, manifestant une grande abnégation durant la campagne référendaire, le chef péquiste cède le devant de la scène à Lucien Bouchard, qu’il nomme négociateur en chef en cas de victoire. Pour la cause et l’atteinte de son objectif, il met de côté ses susceptibilités personnelles.


 

La « belle-mère »


 

Après sa démission comme premier ministre, Jacques Parizeau intervient périodiquement sur la place publique. La « belle-mère », comme certains péquistes irrités qualifient l’ancien premier ministre, dérange.


 

Un an après le référendum, Jacques Parizeau critique l’obsession du déficit zéro de Lucien Bouchard. « La morosité est mauvaise conseillère, écrit-il dans Le Devoir. Il faut faire attention de ne pas se faire mal à soi-même, de ne pas nuire à sa cause et de ne pas faire perdre espoir à ceux dont l’avenir en dépend. »


 

En 2005, il révèle qu’il s’est esclaffé quand il a lu qu’André Boisclair avait déclaré qu’il avait le plus grand respect pour le programme que venait d’adopter le PQ, un programme farci de « conneries », selon lui.


 

En 2011, à deux semaines du congrès péquiste, Jacques Parizeau estime que le nouveau programme, préparé sous la gouverne de Pauline Marois, verse dans les « paroles verbales » quand il est question de la préparation du référendum sur la souveraineté. Il défend l’approche volontaire qui fut toujours la sienne : le PQ doit s’engager clairement à préparer le terrain en utilisant les fonds publics.


 

En mars 2013, Jacques Parizeau, qui conserve sa carte de membre du PQ, prononce une allocution au congrès d’Option nationale qui lui vaut des ovations. « Face à des gens souvent fatigués, souvent épeurés, souvent un peu désorientés aussi, vous arrivez dans le portrait souverainiste avec de l’enthousiaste, de l’ambition, des idées claires », affirme-t-il.


 

Et c’est à Jacques Parizeau que l’on doit l’un des plus durs constats sur la situation du mouvement souverainiste au lendemain de la défaire électorale. « Un champ de ruines », lance-t-il dans un discours préenregistré pour l’événement souverainiste destiNation en septembre dernier. Il dénonce une fois encore le manque de clarté du PQ. « On ne peut pas nager indéfiniment dans l’ambiguïté », dit-il, sinon « on finit par passer pour des hypocrites ». Les indépendantistes doivent réapprendre à gagner. « Il faut qu’on redonne l’image, comme on dit en anglais, de winners. À l’heure actuelle, toujours en anglais, on est des losers dans l’esprit des gens. »



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